Les oubliés de la protection sociale
Selon une étude du Crédoc1 de 2011 sur les “conditions de vie et aspirations”, un quart des jeunes de moins de 25 ans estimaient que notre société privilégiait les plus âgés. De cette opinion, France stratégie a publié une enquête sur l’évolution des dépenses sociales sur les 30 dernières années. Il en ressort que les dépenses sociales à destination des seniors ont fortement augmenté alors que celles destinées aux jeunes ont stagné. Etat des lieux.
Si personne n’est prêt et ne souhaite sacrifier notre modèle social avec son éducation, son système de santé ou encore de retraite, l’évolution des dépenses et du poids relatif de la protection sociale dans le PIB mérite d’y accorder attention. Ce que vient d’analyser France stratégie, organisme rattaché à Matignon, dans une étude publiée le 12 janvier. Depuis 1959, les dépenses de protection sociale ont plus que doublé, passant de 14,5% à 31,9% du PIB en 2013. Une progression qui semble avant tout avoir profité à la tranche des seniors. “Les dépenses de protection sociale affectées aux plus âgés ont beaucoup augmenté, passant de 11% du PIB à 17% entre 1979 et 2011. Les dépenses en faveur des jeunes ont pour leur part stagné, passant de 8,8% à 8,6% sur cette même période”(en incluant l’éducation), précise l’étude. Toutefois, cette progression s’explique par le poids démographique croissant de la classe des seniors avec les départs en retraite de la génération du baby-boom. De même, il n’est pas étonnant que cette classe d’âge ait des besoins plus importants que les plus jeunes, notamment en matière de santé, à quoi il convient d’ajouter le versement des pensions de retraite. Ainsi, l’étude s’est attachée à considérer l’évolution des dépenses par tête. Il en ressort que sur la période s’écoulant de 1979 à 2011, les dépenses ont augmenté au même rythme (+15%) pour les seniors et les jeunes. Concernant cette dernière catégorie, l’allongement de la durée des études explique cette progression des dépenses.
Le financement de la protection sociale. La hausse impressionnante des dépenses sur ces dernières décennies pose inévitablement la question du financement de la protection sociale. France stratégie s’est basé sur l’étude des comptes de transferts nationaux pour fournir les différents profils et leurs évolutions depuis 1979. De ce fait, en 1979, le pic de contribution se situait autour de 30 ans, avec un montant de 3 000 euros courants. Ce profil a évolué jusqu’en 2011, où on constate d’une part une nette augmentation de la contribution autour de 18 000 euros courants, mais également un vieillissement, autour de 55 ans. “Le taux de prélèvement passe pour les 25-59 ans de 27 à 37%. Pour les plus de 60 ans, de 10 à 20%”, précise France stratégie. Quant aux plus jeunes, leur contribution est restée stable en passant de 27% à 30%. Cette évolution s’explique par l’application de la CSG comme nouvelle ressource, qui est ponctionnée sur les salaires, mais aussi sur les pensions de retraite.
Comment expliquer le ressenti des jeunes ? Malgré une participation relativement stable au financement de la protection sociale, les jeunes se sentent lésés. Il faut chercher l’explication dans l’évolution du niveau de vie de cette tranche d’âge qui s’est dégradée ces 15 dernières années. “Le niveau de vie moyen des moins de 25 ans est ainsi passé de 88% de celui des plus de 60 ans en 2002, à 82% en 2012”, calcule France stratégie. Un accès plus difficile au marché du travail, des contrats précaires, des salaires en baisse expliquent cette dégradation de leurs conditions de vie. Chiffre plus alarmant, le taux de pauvreté de cette tranche d’âge est deux fois et demie supérieur à celui des plus de 60 ans en 2012 (deux fois plus élevé en 1996). Dans le même temps, le niveau de vie moyen des retraités s’est amélioré : il atteint 105% du niveau de vie moyen de la population en 2013, en hausse constante depuis 1970, tout en bénéficiant de l’essentiel de la protection sociale sans en supporter le coût. La poursuite d’une telle évolution est difficilement “soutenable”pour les jeunes et les actifs, selon France stratégie, qui plaide pour une baisse des transferts nets reçus par les plus âgés.