Les nouveautés issues de la loi de finances rectificative pour 2015
Pour accompagner leur développement, les petites et moyennes entreprises se trouvent dans une situation de besoin de financement perpétuel. Fort de ce constat, le législateur a favorisé l’investissement dans les PME en instituant deux “niches fiscales” particulièrement attrayantes pour les particuliers, que ce soit en matière d’impôt sur le revenu (IRPP) ou d’impôt sur la fortune (ISF).
Ces outils d’optimisation fiscale viennent de faire l’objet d’un important aménagement dans le cadre de la loi de finances rectificative (LFR) pour 20151 afin de les rendre conformes au droit communautaire. Nous rappellerons les conditions d’application de ces régimes incitatifs et analyserons les principales modifications apportées.
L’investissement dans une PME, un outil de défiscalisation attrayant. L’investissement dans une PME peut procurer une réduction d’impôt sur le revenu ou d’ISF dans les conditions suivantes. – En matière d’IRPP, le dispositif Madelin ouvre droit à une réduction d’impôt égale à 18% du montant des versements retenus dans la limite annuelle de 50 000 € pour un contribuable célibataire, ou 100 000 € pour un contribuable marié ou pacsé. La fraction des investissements excédant la limite annuelle ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions au titre des quatre années suivantes. Cette réduction d’impôt entre dans le champ du plafonnement global des avantages fiscaux 2 . – En matière d’ISF, le dispositif “ISF-PME” permet de réduire son ISF de 50% du montant des sommes investies dans des PME, la réduction étant plafonnée à 45 000 €. Les titres souscrits dans ce cadre sont susceptibles d’être exonérés d’ISF sur le fondement de l’article 885 I ter du CGI. On notera qu’un même versement ne peut ouvrir droit à réduction d’impôt que pour l’un des deux dispositifs.
Les conditions d’application enfin harmonisées. La LFR pour 2015 harmonise les conditions d’application de ces deux dispositifs. Dorénavant, pour les souscriptions réalisées à compter du 1er janvier 2016, les conditions de souscription ouvrant droit à la réduction d’IRPP sont alignées sur celles ouvrant droit à la réduction ISF-PME.
a. Souscriptions éligibles
Désormais, seules sont éligibles les souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital. Une modification de taille est apportée aux souscriptions en numéraire effectuées à l’occasion d’une augmentation de capital : le redevable ne doit pas être associé ou actionnaire de la société bénéficiaire. Cette prohibition devrait réduire une pratique assez répandue consistant, pour les dirigeants associés ou actionnaires désireux de réduire leur imposition, à investir dans leur propre société. Cette mesure devrait concrètement conduire à une diversification des investissements réalisés.
A titre dérogatoire, il est néanmoins permis de souscrire au sein d’une entreprise dans laquelle l’investisseur est déjà associé ou actionnaire. Cette possibilité est strictement encadrée par les conditions cumulatives suivantes.
– Le redevable a bénéficié au titre de son premier investissement de l’avantage fiscal.
– De possibles investissements de suivi3 sont prévus dans le plan d’entreprise de la société bénéficiaire.
– Cette société n’est pas devenue liée à une autre au sens de la réglementation communautaire (situation de détention de la majorité des droits de vote par une autre société ou par la société bénéficiaire, possibilité de nommer ou de révoquer la majorité de l’organe de direction, d’administration ou de surveillance d’une autre entreprise, exercice d’une influence dominante sur une autre entreprise en vertu d’un contrat). Des précisions de la part de l’administration fiscale seront particulièrement bienvenues afin d’expliciter ces conditions relatives aux investissements de suivi. Cette nouvelle règle s’applique aux investissements de suivi afférents à des souscriptions au capital initial effectuées à compter du 1er janvier 2016.
Notons enfin que la souscription peut être réalisée directement ou indirectement par le biais d’une société holding. En cas de souscription indirecte, la société holding ne doit pas être associée ou actionnaire de la société dans laquelle elle réinvestit, excepté en cas d’investissement suivi.
b. Conditions relatives à la société bénéficiaire
L’entreprise bénéficiaire des investissements doit respecter les conditions suivantes. – Répondre à la définition européenne de la PME (effectif inférieur à 250 personnes et chiffre d’affaires n’excédant pas 50 M€ ou total du bilan annuel n’excédant pas 43 M€, ces conditions devant être appréciées différemment selon que l’entreprise est qualifiée d’entreprise autonome, liée ou partenaire). – Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de l’UE, Islande, en Norvège ou au Liechtenstein.
-Etre soumise à l’impôt sur les bénéfices (les sociétés de personnes sont désormais éligibles souscriptions). Compter au moins deux salariés à la clôture de l’exercice suit la souscription ou un salarié si la société est soumise obligation de s’inscrire à chambre des métiers et de artisanat. Ne pas être qualifiable d’entreprise en difficulté4 . Ses actifs ne doivent pas constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’oeuvres d’art, d’objets collection, d’antiquités, chevaux de course ou de concours ou, sauf si l’objet même de son activité consiste leur consommation ou en vente au détail, de vins ou alcools. Ses titres ne doivent pas être admis aux négociations sur marché réglementé ou un marché multilatéral de négociation français ou étranger. Cependant, sont désormais admis les titres négociés sur Enternext.
-Les souscripteurs ne doivent voir conférer que les seuls droits résultant de la qualité actionnaire ou d’associé, à exclusion de toute contrepartie, notamment sous la forme de garantie en capital, de tarifs préférentiels ou d’accès prioritaire aux biens produits services rendus par l’entreprise. -Exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les activités financières, les activités gestion de patrimoine mobilier, les activités immobilières les activités procurant des revenus garantis en raison d’un réglementé de rachat de la production ou bénéficiant d’un contrat offrant un complément de rémunération sont exclues. La LFR pour 2015 ajoute une nouvelle exclusion concernant les activités de construction d’immeubles en vue de leur vente ou de leur location. Par ailleurs, la loi de finances rectificative pour 2015 recentre les dispositifs Madelin et ISF- PME sur les PME de moins de sept ans. En effet, lors de l’investissement initial, la société doit remplir l’une des conditions suivantes :
– n’exercer son activité sur aucun marché ;
– exercer son activité sur un marché quel qu’il soit, depuis moins de sept ans après sa première vente commerciale. Concrètement, cette modification ne constitue pas un bouleversement pour les investissements éligibles à la réduction d’IRPP, lesquels étaient déjà dirigés vers des PME se trouvant dans des conditions de démarrage. En revanche, les modifications apportées constituent une véritable nouveauté pour le dispositif ISF-PME et devraient conduire les investisseurs à se tourner vers de nouvelles cibles. Il est toutefois permis de souscrire des titres d’une PME de plus de sept ans lorsque celleci se trouve dans une situation de “besoin d’un investissement en faveur du financement des risques qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50% de son chiffre d’affaires annuel moyen des cinq années précédentes”. Là encore, des commentaires administratifs précisant les modalités d’application de cette dérogation seraient souhaitables. En tout état de cause, les entreprises exerçant une activité depuis plus de sept ans devraient être amenées à mettre en place des plans d’entreprise particulièrement ambitieux afin d’attirer des investisseurs en quête de défiscalisation. Signalons enfin que la LFR pour 2015 limite le montant total des versements reçus au titre de souscriptions et des aides au titre du financement des risques, lequel ne doit pas excéder 15 M€ et prévoit un dispositif dédié aux entreprises solidaires d’utilité sociale. L’octroi définitif de la réduction d’impôt est subordonné à la conservation des titres remis en contrepartie des versements jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription, sous peine de remise en cause de l’avantage. De la même manière, les conditions tenant à l’absence de contrepartie pour les souscripteurs, la nature de l’activité, la composition des actifs, la localisation du siège doivent être satisfaites non seulement à la date de la souscription mais également de manière continue jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant la souscription.
L’harmonisation des conditions d’application des dispositifs Madelin et ISF-PME opérée par la LFR pour 2015 doit être saluée car elle met un terme à une dichotomie dont on peinait à trouver une justification. En revanche, en durcissant sensiblement les conditions d’éligibilité des souscriptions, les aménagements apportés vont modifier les comportements. Ainsi, les restrictions apportées aux souscriptions réalisées par voie d’augmentation de capital vont conduire les investisseurs à rechercher de nouvelles sociétés bénéficiaires, voire de nouveaux outils de défiscalisation. Les jeunes PME étant désormais les cibles affichées de ces dispositifs incitatifs, les autres entreprises devront se tourner vers de nouvelles sources de financement.
1. N° 2015-1786 du 29 décembre 2015.
2. Article 200-0 A du CGI.
3. Investissement supplémentaire en faveur du financement des risques réalisé dans une entreprise après un ou plusieurs cycles d’investissement en faveur du financement des risques (cf. règlement UE/651/2014 du 17 juin 2014).
4. Au sens communautaire (cf. règlement UE/651/2014 du 17 juin 2014).
Par François BLANQUART, avocat associé,
et Frédéric BORON, avocat, cabinet HEPTA