Les notaires s’accrochent à la sécurité juridique
Chacun comprend ce qu’est la «sécurité juridique». Et pourtant, il n’en existe aucune définition légale. Réunis en congrès à Strasbourg mi-mai, les notaires ont proposé de sécuriser les contrats du quotidien par des actes authentiques.
La signature d’un bail, le choix d’un régime matrimonial, une transmission d’entreprise, sans oublier, bien sûr, la vente d’un immeuble. Pour tous ces actes de la vie courante, le notariat préconise de… passer par un notaire. En faisant de la «sécurité juridique» le thème du 111ème congrès de la profession, l’équipe dirigée par Jean-François Sagaut, notaire à Paris, ne risquait pas de se mettre à dos ses confrères. La sécurité juridique constitue «un besoin primaire», une «obligation régalienne», que «satisfait un grand service public de l’authenticité», explique le président du congrès à son auditoire, le 11 mai, jour de l’ouverture, au palais des congrès de Strasbourg. Les temps sont durs pour les notaires, échaudés par les divers rebondissements de la loi Macron et une conjoncture économique pas vraiment favorable aux acquisitions d’immeubles, leur principale source de revenus. Choisir un thème purement notarial, centré autour de l’activité principale de la profession, «m’est apparu comme une évidence», affirme Jean-François Sagaut.
L’acte authentique en quête de définition
«Nous n’avons pas de définition claire et unique de la sécurité juridique». Dès lors, il propose le recours à une définition négative : «la sécurité juridique serait l’absence d’insécurité juridique. Enfin quelque chose que nous connaissons tous !» L’insécurité juridique peut selon lui prendre plusieurs formes, de l’instabilité de la norme résultant de l’inflation législative à la dématérialisation des échanges, en passant par les contradictions entre les lois nationales et le droit européen. Pour prévenir cette insécurité, le notariat propose une solution simple : «l’acte notarié», ou acte authentique, «reçu par un officier public», comme le précise l’article 1317 du Code civil, qui dispose d’une «force probante» et d’une «date certaine». Mais, comme le relève Jean-Pierre Sagaut, ni le règlement national des notaires ni le Code civil ne contiennent une définition précise de cet acte. Le président du congrès et son équipe proposent donc aux praticiens présents à Strasbourg d’en rédiger une. La définition de l’acte authentique constitue donc, le 11 mai, la première proposition -adoptée- du congrès de Strasbourg. Mais les notaires aspirent à une reconnaissance européenne, bien que six des vingt-huit membres de l’Union se passent de notariat. Leur deuxième proposition vise donc à créer un «sceau d’identification européen» qui aurait valeur sur l’ensemble du continent. Cette volonté s’articule avec une série de souhaits également émis par la profession. Afin de «faciliter et sécuriser l’accès au droit comparé», le congrès se prononce en faveur de la création d’un «certificat de coutume européen» qui pourrait «circuler sans formalité de reconnaissance ou d’acceptation» dans les États de l’Union, y compris ceux où n’existent ni notaires ni actes authentiques. Enfin, les congressistes votent en faveur du retour, dans l’Union, à la «traduction certifiée de tout document rédigé dans une langue étrangère». En revanche, les notaires rejettent une autre proposition portant sur l’acte authentique électronique. L’équipe du congrès souhaitait qu’un notaire ayant numérisé des documents soit en mesure de détruire les originaux. Mais la confiance dans la technologie a ses limites.
Haro sur l’apéro
Les autres suggestions de la profession portent la sécurisation des échanges de biens immobiliers, qu’il s’agisse de location ou de vente. Les notaires préconisent ainsi, comme le résume le dossier remis à la presse, que le bail entre «le propriétaire d’un appartement» et «un jeune couple» soit signé, non pas «un soir, autour d’un verre», mais «chez un notaire, aux heures de bureau et sans apéritif». Cela constituerait, disent-ils une sécurité, en particulier si le propriétaire et les locataires ont égaré le document ou si l’une des deux parties conteste l’une des obligations mises à sa charge. Enfin, si le loyer n’est plus versé, le bailleur «pourra directement saisir les avoirs du locataire en produisant la copie exécutoire de son bail», sans avoir à obtenir une décision d’un tribunal. D’où ce conseil des praticiens : «renoncez à l’apéritif !».