Les managers doivent adopter une attitude de «sensemaker»
Le 27 mai dernier, le jobboard Monster et le cabinet de conseil RH HRCP ont lancé un webinaire sur «Comment accompagner les managers à gérer le retour progressif au travail ?». L’occasion de mettre en avant l’attitude que doivent désormais adopter les managers pour la reprise du travail.
Surcharge mentale, surmenage, isolement, anxiété, stress, sentiment d’iniquité entre les supports confinés et les opérationnels engagés sur le terrain, interrogation sur l’utilité de son activité, perte de repères… Les mots qui viennent en tête des managers sont essentiellement négatifs à l’issue du confinement. Face à la reprise de l’activité et aux nouvelles obligations qui leur incombent – plus de barrières entre environnement professionnel et privé, informations anxiogènes, télétravail «forcé», activité partielle, travail en «mode dégradé», incertitude face à l’avenir –, les managers ont dû subitement instaurer un management à distance. Ils doivent, notamment, réinventer les relations entre manager et managés et passer à une posture horizontale, loin du «command and control».
Cela suppose de la confiance, de l’autonomie, de la responsabilisation individuelle et de la délégation ; un soutien, de l’écoute, de l’empathie et de la bienveillance. Il s’avère nécessaire pour les managers de prendre en compte les inquiétudes de chaque collaborateur et d’accueillir leurs émotions. «Tout changement professionnel significatif – tel que celui qui a été subi pendant la crise sanitaire – peut générer du stress avec une répercussion sur la performance de l’entreprise», indique Biljana Zaric, directrice développement capital humain du cabinet de conseil RH HRCP du groupe Randstad France.
Donner du sens à l’expérience vécue
Pour aider les salariés à accepter le changement et à s’adapter et, in fine, ne pas altérer la performance de l’entreprise, les managers doivent s’appuyer sur le «sensemaking». En mettant des mots sur ce qu’ils ont vécu, les salariés peuvent ainsi décharger leurs émotions et donner du sens, ou non, à leur expérience. C’est l’une des techniques les plus efficaces en psychologie pour restaurer le bien-être et la performance après une crise exceptionnelle. S’appuyant sur la théorie élaborée par le psychologue américain Karl Emmanuel Weick, cette technique permet de recréer du sens à travers trois dimensions : les sensations ressenties, la signification de ce que l’on a vécu, et la direction à suivre.
La méthode «Sparc» permet d’exprimer son vécu : on part d’une situation pour exprimer sa perception, l’affect et les émotions principales ressenties, la réaction qui en a découlé et la compréhension de la situation. C’est la première étape vers la résilience. En psychologie, la résilience est «la capacité à vivre, à réussir et à se développer en dépit de l’adversité», selon le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Ou, en d’autres termes, la capacité d’adaptation suite à un traumatisme. Ainsi, une personne résiliente considère les obstacles comme une opportunité pour apprendre et grandir.
Partager la singularité du vécu de chacun
Plutôt que d’être un manager «évitant», intrusif ou agressif, le manager «sensemaker» doit apprendre et aider à apprendre de la crise, expliquer ses décisions et ses erreurs avec humilité et agir et faire agir en expérimentant. Au risque sinon de passer soit pour un manager lâche qui risque de perdre la confiance de son équipe, ou pour un manager gentil qui pose des questions déplacées et provoquera de la gêne ou encore pour un manager brutal qui sera méprisé par celle-ci. Ainsi, plutôt que de faire preuve d’apathie, comme si rien ne s’était passé par peur d’aborder les vrais sujets, ou de sympathie, en voulant aborder des sujets intimes qui n’ont rien à voir avec le travail, ou encore d’antipathie, en discréditant ou niant les difficultés vécues et en demandant une orientation sur la seule performance, le manager doit partager la singularité du vécu de chacun.
Aider les salariés à trouver leurs propres solutions
S’ils veulent pouvoir accompagner la reprise et ses collaborateurs, les managers se doivent de prendre soin d’eux, de partager leur vécu, de développer leur quotient émotionnel et leur gestion du stress et des émotions. Biljana Zaric rappelle que les managers ne sont ni psychologues, ni médecins et que s’ils peuvent offrir leur soutien à leurs collaborateurs, ils doivent surtout les orienter vers les ressources appropriées, en interne ou en externe. Soit, éviter de passer des journées entières à écouter les problèmes de chacun et les aider à trouver leurs propres solutions. «Il n’y a pas de performance sans résilience, et pas de sérénité sans management attentionné, à l’écoute», conclut la directrice développement.