Les maires s’interrogent sur l’acte 3 de la décentralisation
L’acte 3 de la décentralisation a été évoqué lors de l’assemblée général de l’association des maires de la Somme. Et plus particulièrement le rôle des maires dans une réforme qui pourrait voir le place des communes reculer au profit de l’intercommunalité.
Les maires sont des élus de proximité, qui savent mieux que quiconque combien il est difficile de changer les habitudes ». Pierre Martin, président de l’association des maires de la Somme (AMF80) ne pouvait pas mieux débuter le débat organisé dans le cadre de la dernière assemblée générale de son association. “Décentralisation, réformes, organisation territoriale… quel rôle pour la commune”, était le thème de ce débat. L’AMF80 avait convié Gérard Larcher, aujourd’hui sénateur et maire de Rambouillet (UMP), ancien ministre du travail et ancien président du Sénat, à s’exprimer sur cette question. Tout comme Christian Manable, président (PS) du conseil général de la Somme, un département rural qui compte 782 communes.
« Bien vivre ensemble »
Gérard Larcher a refait un historique des deux premiers actes de décentralisation en 1982 et 2003. L’acte 1 a fait des collectivités territoriales « des acteurs majeurs de notre pays. Ce changement a eu des effets positifs, affirme-t-il. L’acte 2 a été un transfert important vers les régions et les départements. » Mais c’est surtout l’acte 3, qui sera discuté et voté par les parlementaires cette année, qui était au coeur de ce débat. Celui-ci redéfinira le rôle des collectivités territoriales, et plus particulièrement donc celui des communes. Pierre Martin n’a pas hésité a exprimer ses inquiétudes et à rappeler l’importance du rôle des maires et des communes. « Si décentralisation il y a, elle doit être bénéfique pour les français. Nous avons l’impérieuse responsabilité d’offrir la meilleure visibilité des compétences, déclare le président de l’AMF 80. La commune et l’intercommunalité restent les garants du bien vivre ensemble face à de nouveaux codes sociologiques. Le couple commune, intercommunalité doit être l’interlocuteur privilégié des acteurs départementaux et régionaux. » Et de poursuivre avec des revendications : « Nous voulons être maître de nos orientations, bénéficier de marges de manoeuvres suffisantes, avoir le sentiment d’être utile aux attentes de nos concitoyens. Cette confiance est si importante. S’il y a défiance envers des élus, c’est la république qui est menacée. »
Défis
Cet acte 3 de la décentralisation sera un tournant pour Christian Manable. « Nous sommes à la veille d’une profonde évolution du paysage institutionnel français, déclare-t-il. C’est une réforme ambitieuse, qui va décoiffer. » Le président du conseil général de la Somme estime que trois défis sont à relever par cet acte 3. Le premier est de clarifier les compétences entre les différentes collectivités et avec l’État. Le second concerne le financement de ces collectivités, qui doivent selon lui avoir leur propre fiscalité pour ne pas dépendre de l’État. Le troisième défi est celui d’un approfondissement de la démocratie locale. Christian Manable fait ici références aux élus des délégués communautaires, des communautés de communes ou communauté d’agglomération. « A partir du moment où on lève l’impôt, je pense qu’on doit être élu au suffrage universel direct et non au 2e degré », affirme-t-il. Comme Christian Manable et Gérard Larcher l’ont rappelé lors du débat, le projet de l’acte 3 en est à sa neuvième mouture. Mais l’ancien président du sénat ne s’est pas montré optimiste pour les communes. « En 2020, ce sera le glas de la commune », affirme-t-il.
Milieux ruraux
Plusieurs éléments conduisent Gérard Larcher à cette conclusion. Selon lui, la réforme privilégie les milieux urbains aux milieux ruraux. « Le territoire rurale, c’est aujourd’hui la filière agricole et alimentaire, c’est 14% des emplois, rappelle- t-il. C’est un élément vital de la production et de notre pays. Il faut que nous soyons extrêmement attentif aux territoires ruraux. » Autre élément qui va dans ce sens, le projet de l’acte 3 provoquerait l’effacement des départements au profit des régions, et des communes au profit des intercommunalités. Les communautés de communes, par exemple, aurait selon Gérard Larcher trois compétences obligatoires : l’urbanisme, le tourisme et l’assainissement. Les régions et intercommunalités seront deux des futurs poids lourds avec les grandes métropoles qui verront le jour. Dans la Somme, « vous serez coincés entre la métropole de Paris et la Métropole du Nord-Pas-de-Calais », ajoute-t-il. Le sénateur estime qu’il y aura au final deux perdants majeurs : « La ruralité, et la commune, qui sera un acteur contraint. Vous exercerez une fonction différente ». Un constat sombre pour les maires de la Somme, mais comme l’a précisé Christian Manable, « rien n’est figé, nous en sommes à la neuvième mouture du projet de loi. Toutes les infos sont à prendre avec beaucoup de précautions ».