Les maires annoncent les sujets qui fâchent
Taxe d'habitation, projet de loi de Finances, loi «Engagement et proximité»... À quelques jours de son congrès annuel, l'Association des Maires de France (AMF) prévient le président de la République, qui y est invité : le débat sera animé.
«Nous attendons d’Emmanuel Macron qu’il clarifie sa position». Le président de la République est prévenu, l’ambiance sera animée, lors de sa venue au prochain congrès de l’Association des Maires de France, qui se tient du 18 au 21 novembre à Paris. Le président de l’AMF, François Baroin, a donné le ton lors d’une conférence de presse, tenue récemment. Il a fait le point sur la longue liste des sujets de discorde entre l’État et les élus locaux. Parmi eux, figure en bonne place le projet de loi de Finances pour 2020, avec en son sein, la question brûlante de la réforme de la taxe d’habitation. Sur le plan budgétaire «au total, nous perdons en pouvoir d’action 1,5% pour l’année qui vient (…), c’est un recul du pouvoir d’action des collectivités», dénonce André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF. L’association d’élus estime à 600 millions d’euros la perte de dotations pour les collectivités, sur les 40 milliards de l’an dernier.
Quant à la taxe d’habitation, «il y avait un engagement à faire une loi spécifique, or, cette réforme est noyée dans la loi de Finances», ce qui limite fortement les débats, note André Laignel. Et sur le fond, les critiques sont multiples. Tout d’abord, la réforme «va creuser les inégalités», explique André Laignel : 20% des contribuables les plus aisés vont bénéficier de 10 milliards de baisses de charges, la situation demeurant inchangée pour les plus défavorisés qui ne s’en acquittent pas. Côté collectivités, la réforme constitue une «rupture du lien avec une grande partie des citoyens» et «une moindre autonomie fiscale», poursuit André Laignel. Par ailleurs, pour l’AMF, en l’absence de simulation sur la compensation de la suppression de la taxe d’habitation et ses conséquences sur d’autres mécanismes financiers, il s’agit là d’une «réforme masquée de la fiscalité locale». À ce titre, l’association réclame la suppression du gel des bases de la taxe d’habitation sur les résidences principales en 2020, la liberté de délibérer sur les taux de la taxe d’habitation, tant que celle-ci n’est pas supprimée, le calcul de compensation des recettes, de la taxe d’habitation sur la base de la dernière année d’existence de celle-ci, et un calcul de compensation qui tienne compte des valeurs locatives.
Écologie et gouvernance locale
Parmi les autres sujets de doléances évoqués, figure aussi le projet de loi «Engagement et proximité», débattu en première lecture au Sénat : «Il ne va pas assez loin sur un certain nombre de sujets», estime François Baroin. Certes, le texte comporte quelques mesures positives, visant à améliorer la situation personnelle des élus, comme la possibilité de compenser financièrement les gardes d’enfants. Toutefois, «sur les sujets centraux, il n’y a aucune réponse», juge André Laignel, évoquant la formation, le retour à l’emploi, la valorisation des acquis de l’expérience ou encore la revalorisation de la retraite. Par ailleurs, si l’AMF est favorable au principe de l’établissement d’un barème unique pour l’indemnisation des maires, destiné à aider ceux des communes qui comptent moins de 3 500 habitants, elle pointe le fait que le soutien initialement prévu par l’État n’est pas maintenu.
Autre projet qui fâche, celui du projet de loi sur l’Économie circulaire, porté par la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson. «Alors que les collectivités portent le recyclage depuis 25 ans, on se demande pourquoi l’État promeut un dispositif qui menace, fragilise la collecte (… ) et ne répond pas vraiment aux enjeux», tacle François Baroin. L’AMF soutient le maintien des solutions locales actuelles, à rebours du projet gouvernemental qui prévoit de confier la collecte aux producteurs et aux distributeurs.
Quant au futur projet de loi de décentralisation, dit «3D», qui sera porté en début d’année prochaine par Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des Territoires, l’Association des maires de France demande plusieurs évolutions, dont la réduction du nombre de compétences obligatoires des intercommunalités, et aussi, la fin du «feuilleton» de la compétence «eau et assainissement», en redonnant aux communes et aux intercommunalités la possibilité de s’organiser comme bon leur semble.
Globalement, l’AMF dénonce une politique de l’Etat centralisatrice : pour André Laignel, par exemple, la suppression de la taxe d’habitation constitue une «nationalisation de l’impôt». À rebours, «les territoires veulent plus de compétences et de liberté», pointe François Baroin.