Patrimoine naturel
Les Jardins de Viels-Maisons : l’œuvre d’une vie
À une époque où les loisirs et le tourisme de masse nous conduisent dans des lieux surpeuplés, les jardins remarquables offrent une expérience rare, à l’image des jardins privés de Viels-Maisons, intimement liés à la famille de Ladoucette.
Au pied de l’église romaine de Viels-Maisons, les jardins de la famille Ladoucette invitent à la paix et au partage. « Lorsque l’on passe la porte d’un jardin, le temps s’arrête », constate, dans un sourire, Marie de Ladoucette, qui a repris le flambeau de sa belle-mère Bertrande de Ladoucette, créatrice du lieu. Ce temps suspendu, ce lieu, la famille a toujours eu à cœur de le partager avec générosité et simplicité. « Je reçois mes visiteurs en leur expliquant qu’ils pourront partir comme ils sont venus, tout simplement en poussant la grille. »
Au pied de l’église romane du XIe siècle, une succession de jardins aux ambiances variées offrent aux promeneurs un moment de calme et de sérénité. Parmi ceux-ci, le jardin anglais s’habille d’une palette de camaïeu composée de rosiers, d’arbustes fleuris et de plantes vivaces. De son côté, le jardin sauvage est traversé par un ruisseau que l’on passe grâce à un petit pont de bois. Un espace est également dédié à Jean de La Fontaine. « Les jardins abritent également un cadran solaire analemmatique », précise Marie de Ladoucette. C’est l’ombre du visiteur, une fois placé au bon endroit selon l’époque de l’année, qui indique l’heure sur le cadran. Un cadran en forme d’arbre, dessiné au sol par des dalles.
Trente ans de travail
« Cette aventure a commencé il y a 30 ans, se souvient Marie de Ladoucette. Bertrande a voulu embellir le chevet de l’église, sur l’emplacement d’un potager, qui offrait une très belle vue. C’est devenu une passion dévorante. Elle fera ensuite la rencontre de la paysagiste Sonja Gauron qui dessinera les jardins. » Aujourd’hui, 3,5 hectares sont aménagés, en tirant parti des dénivelés, et abritent des plans d’eau, ainsi que des arbres remarquables, au nombre desquels un Touna au feuillage rose au printemps et un Chitalpa pink beauty aux fleurs roses en août ou encore un if de plus de 300 ans.
S’y ajoutent des topiaires. Buis et hêtres, taillés et sculptés, prennent des formes géométriques, se transforment même en animaux ou en personnages. Un véritable art qui demande de la dextérité. Mais il s’agit également d’être attentif aux maladies qui guettent. Un travail de tous les instants qui nécessite connaissances et disponibilités. « Les jardins se sont agrandis et fur et à mesure. Ils ont connu également des modifications, poursuit Marie de Ladoucette. Il y a une dizaine d’années, le jardin de curé, qui demandait trop d’entretien étant donné l’âge de ma belle-mère, est devenu un jardin des 4 saisons. » Un changement impulsé par un ami et paysagiste belge, Palik Van Howel. « Un jardin évolue, vit avec vous, en fonction des événements de la vie. »
Partager le bonheur
À l’heure de reprendre le flambeau, Marie Ladoucette et son époux ont beaucoup réfléchi. Le couple a senti le besoin de poursuivre « l’œuvre d’une vie » dans une période où de nombreux jardins remarquables disparaissent, faute de repreneur. « Betrande a 85 ans, elle a toujours bon pied bon œil et s’investit toujours dans le calendrier du jardin », se réjouit-elle. Ainsi, l’aventure prend désormais une dimension familiale. « Ce qui nous anime, c’est de voir les visiteurs ressortir plus heureux encore qu’à leur arrivée », glisse, avec simplicité, Marie Ladoucette. Celle-ci se remémore avec plaisir un jeune homme ayant fait sa demande en mariage dans les jardins de Viels-Maisons.
Les propriétaires ont à cœur de multiplier les occasions de partages. Des séances de photos de mariage, des expositions d’artistes animent ainsi les lieux. Des publics variés sont également accueillis. « Nous avons reçu des enfants placés et leurs parents, encadrés par le relais parental, dans le but de renforcer le lien familial », illustre la propriétaire. Un groupe de personnes incarcérées est également passé. « Un groupe en provenance d’un Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide) – est venu. Ces jeunes sont tombés ici hasard, non par choix. Mais j’espère leur avoir transmis quelque chose, poursuit Marie Ladoucette, en leur montrant que les principes du jardinage sont applicables à la vie. Un tuteur sert à ce qu’une plante pousse droit par exemple… » Autant de graines semées avec bienveillance que l’on espère voir germer un jour.