Assises nationales à Lille
Les Hauts-de-France s’engagent dans la revalorisation des sédiments
Cette année, les assises nationales de la valorisation des sédiments se déroulaient à Lille, les 15 et 16 novembre derniers. L’occasion de s’informer sur la filière et d’anticiper les évolutions à venir. Mais cette seconde édition a surtout été marquée par la signature de l’Engagement pour la Croissance Verte qui doit aider à diversifier et accélérer le déploiement des filières de valorisation des sédiments.
Ça drague dur dans le Nord-Pas-de-Calais... En effet, chaque année, afin de faciliter le passage des bateaux, Voies Navigables de France (VNF) drague près de 5 millions de m3 de sédiments marins dans les 3 ports et 100 000 m3 de sédiments fluviaux dans les 680 kilomètres de canaux. Des volumes colossaux qui sont soit rejetés en mer, soit envoyés au Bénélux pour être revalorisés.
En tout cas c'était le cas jusqu'ici. La loi Leroy pour l’économie bleue, précise en effet que «à partir du 1er janvier 2025, le rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués sera interdit». À cette date, les acteurs publics et les gestionnaires seront donc contraints de réduire le stockage à terre et de diminuer le rejet dans l’océan. De quoi pousser les acteurs économiques des Hauts-de-France à réfléchir à de nouvelles solutions.
Signature de l'ECV : un acte fondateur
Et c’est la revalorisation de ces sédiments qui semble être la réponse. «Tout ce temps, nous avons considéré les sédiments comme des déchets. Or aujourd’hui, avec les problèmes d’approvisionnement et le coût des matières premières qui ne cessent de grimper, ils s’avèrent être une véritable ressource», assure Frédéric Pissonnier, président de la FRP Hauts-de-France. «Cela fait déjà plusieurs années que nous intégrons 10 à 20 % de sédiments dans nos produits et ils ne sont pas de moins bonne qualité. Preuve que la valorisation est possible et rentable» renchérit Francis Grenier, président de Nord Asphalte.
Voilà pourquoi 18 acteurs (CD2E, Cerema, MEL, Néo-Eco..) ont signé avec l’Etat, un Engagement pour la Croissance Verte (ECV) de 3 ans, visant à développer rapidement une filière de gestion et de valorisation des sédiments portuaires et fluviaux. Les signataires s’engagent ainsi à identifier les freins de la mise en place de cette filière, à se partager les données quant aux possibles réutilisations de ces «déchets» et à mettre en avant les projets pionniers et innovants de gestion et de valorisation de ces sédiments. «L’ECV est un véritable partenariat, détaille Frédérique Seels, directrice du CD2E. D’un côté, les porteurs de projets s’engagent en faveur de l’économie circulaire, en utilisant des sédiments ayant le statut de déchets pour la création de nouveaux produits. Et de l’autre, l’Etat, s’assure de simplifier le cadre réglementaire et scientifique, ainsi que de sécuriser la filière.»
Trouver des solutions techniques
En effet, au delà des déclarations d'intention un long travail s'annonce encore. Dans un premier temps, il est clair que les acteurs économiques des Hauts-de-France, ne pourront pas échapper à une phase de recherche et développement (R&D) colossale. Pour que la filière de valorisation puisse se massifier et se diversifier, les sédiments devront être classés selon leurs propriétés et leurs possibles utilisations.
Par chance, l’IMT Nord Europe de Douai, a déjà pris cet enjeu à bras-le-corps. «Nous avons développé, au sein de notre structure, un outil gratuit qui pourra aider la filière à se développer» témoigne Mahfoud Benzerzour. Il s'agit de WikiSed, une plateforme collaborative qui permet aux industriels, qui ont mis en place un traitement de sédiment nouveau, de partager leurs données. Une sorte de Wikipédia des sédiments. «Ainsi, celui qui cherche comment valoriser ses sédiments, trouve des solutions rapidement et en libre accès», se réjouit Mahfoud Benzerzour.
140 M€ de retombées par an
Au delà des contraintes techniques, l'aspect réglementaire est aussi à travailler. «Nous allons devoir travailler main dans la main avec l’Etat pour que les sédiments, qui ne sont que des dépôts, sortent de ce statut de déchet qui inquiète tant les industriels» affirme Aurore Colson, conseillère régionale des Hauts-de-France déléguée à l'Economie Circulaire.
Certes la création de la filière de gestion et de valorisation aura un coût. Mais «il y a des fonds européens à aller chercher. L’Etat et la région sont là aussi», rassure Aurore Colson. Et par la suite la démarche pourrait rapporter gros. De nouveaux marchés devraient se développer. Selon les estimations du CD2E, l’émergence de cette nouvelle filière va engendrer des retombées économiques de près de 140 millions d’euros par an et permettre la création de 400 emplois dans les Hauts-de-France. «L’idéal serait aussi que l’Etat, entre autres, rende obligatoire l’utilisation de 2 à 3 % de sédiments dans les cahiers des charges», conclut Frédérique Seels, directrice du CD2E.
Déjà quelques projets pionniers
Des projets de revalorisation des sédiments extraits du fond des ports et des canaux existent déjà dans les Hauts-de-France. Ainsi, lors de la construction des 600 mètres de route du Quai Freycinet, le Grand Port maritime de Dunkerque a incorporé des sédiments dans les couches de base et de fondation de la voie. Autre projet, porté cette fois par la société Neo-Eco, la création de mobilier urbain à base de sédiments de dragage, comme des tables, des bancs ou encore des jardinières. Des projets pionniers, mais qui sont encore minoritaires face aux milliers de m3 dragués chaque année dans la région par VNF. «Aujourd’hui, 90% du volume total des sédiments marins extraits sont rejetés en pleine mer, engendrant des conséquences désastreuses sur les écosystèmes, déplore Cyril Scribot, consultant économie circulaire au CD2E. Quant aux sédiments fluviaux, la plupart du temps, ils sont envoyés dans les pays frontaliers que sont la Belgique et les Pays-Bas pour être revalorisés».