Rapport annuel de la Cour des comptes
Les finances des collectivités locales n’ont pas trop souffert en 2020
Selon le rapport annuel de la Cour des comptes, la crise sanitaire n’a eu qu’un impact limité sur les finances locales en 2020, même s’il existe des disparités entre la situation des communes, des départements et des régions. Les juridictions financières appellent toutefois à la vigilance car les effets de la crise pourraient se faire ressentir plus durement en 2021.
«Ce
travail constitue notre première production pleinement consacrée à
la crise sanitaire et à ses conséquences», a déclaré le
président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, le 15 décembre
dernier, lors de la présentation à la presse de la deuxième partie
du rapport annuel sur les finances publiques locales – la première
partie, qui porte sur l’année 2019, a été publiée en juin
dernier. Ce deuxième volet concerne, d’une part, l’impact de la
crise sanitaire sur les finances locales et,
d’autre part, la mise en place des métropoles (voir encadré).
L’État
et les administrations centrales en première ligne
«Sans
nier la diversité des situations entre catégories de collectivités
et entre collectivités, les administrations publiques locales ont
abordé la crise sanitaire dans des conditions [financières] plus
favorables que les autres administrations et, notamment, l’État»,
a-t-il rappelé. Et «même s’il faut rester prudent sur l’effet
de la seconde vague de la crise épidémique, qui n’est pas
achevée, l’impact de la crise sera globalement plus faible en 2020
pour les administrations locales – collectivités et établissements
publics – que pour les administrations centrales et de sécurité
sociale», car «c’est l’État qui a subi le plus
directement les conséquences financières de la crise».
Un
impact «modéré» et «surmontable»
pour les communes
En ce qui concerne les communes, ces dernières devraient globalement présenter «une contraction significative de leur épargne brute» en 2020, même si les situations ne sont pas homogènes et si les disparités risquent de s’accroître. Plusieurs des impôts qu’elles perçoivent «comme par exemple la taxe foncière, sont peu sensibles à la conjoncture économique. Mais d’autres produits ont subi les effets du confinement : c’est le cas notamment des recettes domaniales et tarifaires – plusieurs EPCI ont, par exemple, fait le choix de suspendre les loyers commerciaux ou d’instaurer une gratuité temporaire de stationnement.» Par ailleurs, «certaines communes sont plus particulièrement exposées à la chute des recettes liées à l’activité touristique», telles que la taxe de séjour ou celles liées à la présence d’un casino.
Au-delà
de la baisse de ces recettes, pour lesquelles l’État a mis en
place un mécanisme de compensation partielle, «les communes ont
cherché à accompagner la population et le tissu économique local»,
en maintenant, notamment, le financement des associations et en
alimentant des fonds de soutien. Au total, les communes et les EPCI,
interrogés par les enquêteurs de la Cour des comptes estiment «la
chute de leur épargne brute à 30%» et «la détérioration
de leur capacité de désendettement à 40%». Une hypothèse
jugée «un peu pessimiste», a commenté Pierre Moscovici,
car si «la crise va peser sur leur marge de manœuvre, leur
situation financière favorable au début de la crise devrait leur
permettre d’en limiter l’impact». Ainsi, l’impact «certain
mais modéré», et en partie «compensé par l’État»,
«devrait être surmontable», a-t-il résumé.
Un
impact «direct» sur les comptes des départements
Les départements, en revanche, devraient être «fortement affectés par la crise et en subir les premières conséquences dès 2020», parce qu’ils ont été sollicités pour la mise en place des mesures d’urgence mais, «surtout, parce qu’ils ont vu leurs dépenses sociales augmenter rapidement». Les dépenses liées aux allocations individuelles telles que le RSA ont en effet progressé en 2020, ainsi que celles liées aux établissements sociaux et médico-sociaux qui dépendent des départements. En parallèle, plusieurs des recettes de fonctionnement des départements ont diminué. C’est le cas, par exemple, des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) «qui pourraient chuter de plus de 10% en 2020». D’autres recettes «devraient également se dégrader en 2021», comme la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et la taxe d’aménagement, ainsi que, en l’absence d’amélioration de la situation sanitaire, «les produits liées aux transactions».
Au
final, «la plupart des départements devraient absorber les
effets de la crise sans dégradation majeure de leurs finances en
2020, en raison des résultats excédentaires des exercices
précédents», mais «des incertitudes fortes pèsent sur
2021», car les dépenses sociales vont continuer à progresser
du fait de la crise économique. Et cela pourrait «entraver leurs
possibilités de contribution au plan de relance», a souligné
le président de la Cour des comptes.
Un
choc financier «limité» pour les régions
Les régions sont la catégorie de collectivités «la moins touchée par la crise» : leurs recettes devraient être «assez modérément affectées en 2020», avec une baisse estimée inférieure à 5%. Une faible dégradation qui s’explique «par les garanties législatives qui accompagnent les recettes comme la TVA ou la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques». La perte la plus substantielle pourrait concerner «la taxe sur l’immatriculation de véhicules pour certaines régions comme l’Île-de-France», et «les régions ultra-marines et la Corse devraient aussi voir leurs recettes spécifiques diminuer». La Corse, par exemple, anticipe «une baisse de 50% de la taxe sur les transports passagers».
Si la chute des recettes est plus faible qu’anticipée, les régions sont toutefois «intervenues massivement pour soutenir les secteurs économiques les plus touchés», en particulier, via leur contribution au fonds national de solidarité et via la création de fonds régionaux exceptionnels et de divers dispositifs de soutien. Elles ont également procédé «à l’achat de nombreux équipements de protection, en particulier les masques».
Au
final, les régions anticipent «un niveau de recours à l’emprunt
que nous estimons à plus d’un milliard pour 2020» car «les
deux tiers du surcroît de dépenses seraient financés par de
l’endettement». La Cour des comptes observe donc «une
relative dégradation de la situation financière des régions qui,
toutefois, ne compromet pas leur participation à la relance
économique», et notamment au plan copiloté par l’État et
les régions, qui assurent par ailleurs la gestion des fonds
européens.
Plaidoyer
pour une nouvelle loi de programmation
L’impact de la crise est donc gradué en fonction des différents niveaux de collectivités et ses effets, largement dépendants de l’évolution de la situation sanitaire, ne vont pas se limiter à 2020. Or, pour garantir leur engagement dans le plan de relance, il convient d’assurer aux collectivités territoriales «une visibilité de moyen terme» sur leurs recettes. Et, selon le président de la Cour des comptes, «le support de cette visibilité serait la nouvelle loi de programmation des finances publiques que nous appelons fermement de nos vœux». «Nous sommes dans une tempête et nous avons besoin d’une boussole», a-t-il conclu.
Métropoles :
un premier bilan mitigé
Dans la deuxième partie de son rapport annuel 2020 sur les finances publiques locales, publié le 15 décembre dernier, la Cour des comptes dresse un premier bilan de la mise en place récente des intercommunalités que sont les métropoles.
Par cette enquête, «nous avons voulu, d’une part, mesurer les changements intervenus à la suite de l’adoption de ce nouveau statut pour les territoires concernés et, d’autre part, identifier les dynamiques nouvelles qui en résultaient», a expliqué le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. «C’est donc un point d’étape» et «en aucun cas un bilan définitif, car «nous manquons encore de recul sur ces évolutions» et «les dynamiques métropolitaines, parce qu’elles sont complexes, sont souvent longues à se dessiner».
Au 1er janvier 2020, 22 entités ont adopté ce statut, et l’analyse de la Cour des comptes fait ressortir deux grands constats. Le premier est la diversité des métropoles, en termes de statut (celle de Lyon, dont les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct, et celles de Paris et d’Aix-Marseille ont un statut différent de celui des 19 autres métropoles), comme en termes de périmètres administratifs. Second constat dressé par la juridiction financière : pour l’instant, la transformation en métropole ne s’est pas traduite par des gains en matière de performance et d’efficience de la gestion, alors que l’objectif était de favoriser la mutualisation et la rationalisation des services. Hormis dans les métropoles de Lyon, Bordeaux et Dijon, «les transferts de compétences en provenance des départements, des régions et de l’État sont pour l’instant plus lents à mettre en œuvre qu’envisagé au départ» et, «de façon assez paradoxale, la mise en place des métropoles s’est souvent traduite par une réaffirmation du rôle central des communes et de celui des maires», a déclaré Pierre Moscovici. Par ailleurs, l’enquête souligne également «des défauts en termes de contrôle interne et de procédures budgétaires et comptables».
Au final, ce premier bilan «n’est pas vraiment convaincant», même s’il fait ressortir «des évolutions encourageantes» et «qui doivent être accompagnées pour permettre à ce statut – que je crois personnellement tout à fait prometteur – de remplir toutes ses promesses», a-t-il conclu.