Les expertes-comptables prêtes àintégrer les conseils d’administration

Si les femmes représentent la moitié des diplômés d’expertise comptable, elles ne sont que 21% à exercer le métier à la tête d’un cabinet libéral. A la suite de l’élection d’une femme à la présidence du Conseil supérieur de l’ordre des expertscomptables, les choses sont en train d’évoluer. Dans le Nord-Pas-de- Calais le mouvement s’est nettement engagé après le vote de la loi Copé-Zimmermann. Entretien avec Corine Lamorlette, présidente de la société d’expertise comptable Sogecco à Boulognesur- Mer.

La Gazette. En quoi la nouvelle législation peutelle favoriser cette prochaine féminisation des conseils d’administration des grandes entreprises françaises ?

Corine Lamorlette. La loi Copé-Zimmermann sur la parité, votée en seconde lecture le 13 janvier 2011, prévoit un quota de 20% de femmes dans les conseils d’administration d’ici trois ans, et de 40% d’ici 2017. Elles ne sont aujourd’hui guère plus de 10%. Cela a créé un indéniable appel d’air pour les femmes, en les incitant à gagner en responsabilités dans les instances dirigeantes des entreprises. Anticipant ce geste du législateur, notre ordre a créé en décembre 2010 l’Association des femmes diplômées d’expertise comptable administrateurs, qui est coprésidée par Agnès Bricard, devenue le 9 mars dernier la première femme présidente du Conseil supérieur de l’ordre, et Marie-Ange Andrieux. Personnellement, je siège à la commission femmes qui regroupe 30 expertes-comptables de l’Hexagone et des Dom-Tom. Notre but est de combler notre retard sur les autres pays européens.

Que dit concrètement cette loi et à qui s’adresset- elle réellement ?

La nouvelle loi concerne les SA de plus de 500 salariés permanents dont le chiffre d’affaires ou le total de bilan dépasse les 50 millions d’euros. Cela vise pas moins de 2 000 entreprises et représente environ 8 000 postes en cinq ans, selon nos prévisions. L’objectif fixé par la loi est ambitieux, et il ne sera pas forcément aisé de trouver des femmes possédant à la fois une bonne culture économique et une expérience de l’entreprise et du management, mais aussi et surtout motivées pour s’investir dans ce genre de responsabilités.

Il faut noter également que la fonction d’administrateur n’a été ouverte à la profession que très récemment. En effet, la fin de l’incompatibilité entre ces deux fonctions a été signifiée par un autre texte récent : la loi n°2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, àl’artisanat et aux services.

Que représentez-vous en France ?

Les femmes inscrites en exercice libéral sont 4 000 parmi les 19 000 expertscomptables membres de l’ordre national. Déjà, notre jeune association en rassemble plus d’un quart : 1 100.

Quelle est la situation dans le Nord-Pas-de-Calais ?

Pas moins de 31 femmes, parmi les 104 inscrites au Conseil régional de l’ordre, se sont déjà rassemblées. De quoi fournir un vivier à la fois conséquent et qualitatif pour les postes d’administrateur des entreprises régionales. Avec 102 sociétés de plus de 500 salariés et de plus de 50 M€ de CA ou de bilan (82 dans le Nord, 20 dans le Pas-de-Calais), le Nord-Pas-de-Calais est la troisième région de France pour son nombre d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) visées par la loi Coppé- Zimmermann, derrière l’Ilede- France (887) et Rhône- Alpes (171). Loin devant Provence-Alpes-Côte d’Azur (74), la Normandie (59) et la Bretagne (56). Cela tombe bien, puisque nous sommes justement 104 consoeurs.

Quel est le rôle de votre association ?

Nous souhaitons aider dès maintenant les entreprises à intégrer les femmes dans les conseils d’administration et, pour ce faire, donner de la visibilité à ces femmes auprès des chasseurs de tête et des sociétés concernées, afin d’éviter la cooptation encore trop souvent adoptée en matière de recrutement au sein des conseils. L’association permet également de consacrer le diplôme d’expert- comptable, réformé en 2010, qui ouvre à une pluralité de compétences dans la mesure où il donne accès aussi bien à l’exercice libéral qu’à l’exercice salarial ou au secteur public. Elle veut enfin promouvoir les femmes dans la profession. L’objectif du réseau sera d’aider les femmes diplômées à exercer en libéral ou à y revenir après un passage en entreprise. Concrètement, nous mettons en place un annuaire des femmes intéressées (www. femmes-experts-comptables. com) à l’intention des chefs d’entreprise à la recherche de futures administratrices. Par ailleurs, nous facilitons l’organisation de formations d’administrateur de société pour nos adhérentes. Déjà des cursus sont en place auprès de l’Institut français des administrateurs (Ifa) ou de grandes écoles.

Quels sont les atouts des femmes expertes-comptables ?

Souvent, les sociétés possèdent en interne des services de comptabilité. Les membres de l’association, expertes-comptables diplômées qui exercent en libéral, ont déjà des compétences en matière de gouvernance et une connaissance approfondie des enjeux stratégiques de l’entreprise, de ses systèmes d’information et de contrôle. Cela constitue de réels atouts, à mon avis, pour exercer la fonction d’administrateur et apporter un plus aux conseils d’administration. C’est une vraie évolution – une révolution peut-être – de notre métier !