Les entreprises belges devant la problématique du recrutement
La politique de recrutement et de “rétention” du personnel est une affaire d’autant plus sérieuse qu’en temps de crise, la qualité et la pérennité des équipes restent un atout dont le manque coûte cher aux entreprises. Une étude réalisée en Belgique par le cabinet de conseil et de consulting Federgon fait le point sur ces situations et dégage les grandes tendances de la RH. Compte-rendu.
Une cinquantaine de pages et quelques tableaux démontrent, s’il en était besoin, qu’un tournant important se dresse devant le développement des entreprises : la raréfaction de la ressource humaine qualifiée et disponible. L’étude de Federgon s’interroge sur la politique de recrutement des entreprises, la rétention des talents et la compétence des personnels. Conscientes ou pas des évolutions du secteur RH, les entreprises ont du mal à recruter. “Quelles stratégies de solution (en termes de politique de recrutement et de rétention) les entreprises adoptentelles pour faire face à ces défis ?”, interrogent les auteurs de l’étude. L’enquête en ligne a questionné plus de 1 000 entreprises établies en Belgique..
Peau de chagrin. Un constat général inquiétant est fait sans concession par les auteurs de ce rapport. La conjonction de trois facteurs fait craindre le pire en Belgique : le vieillissement de la population assorti du faible taux d’emploi des seniors (51% des plus de 50 ans travaillent), la diminution de la proportion de jeunes dans les actifs (moins de 18% en 2011) et leur difficulté à trouver un emploi (22% de la tranche d’âge 15/24 ans est au chômage). Conséquence : “le vivier de main-d’oeuvre disponible se réduit de plus en plus”. On comptait l’an dernier 138 inactifs pour 100 actifs outre-quiévrain. En 2020, même avec un taux d’emploi de 70%, il y aura 250 inactifs pour 100 actifs… Enfin, le solde migratoire est sous tension ; les freins à l’immigration et l’augmentation régulière de l’émigration couvent une véritable crise des ressources humaines à brève échéance. Le cabinet Federgon fait d’abord la liste des constats réalisés par d’autres études belges, néerlandaises et européennes sur le marché du travail. Il apparaît ainsi qu’il est de plus en plus difficile pour les entreprises de trouver le personnel adéquat. “Sur la base des prévisions relatives à la croissance nette de l’emploi et à l’évolution de la demande de remplacement sous l’influence des changements démographiques, on a réalisé une estimation de la demande totale de main-d’oeuvre jusqu’en 2015. Il ressort de cette estimation que la Belgique comptera au total 770 300 emplois vacants sur la période 2010-2015, soit une hausse de 21% par rapport à la période 2005- 2010 (surtout en Flandres).” Le problème ne réside pas seulement dans le recrutement mais dans la “rétention” des personnels qualifiés déjà présents dans les entreprises. Une étude hollandaise annuelle sur les RH le dit : “Plus la pénurie s’intensifie, plus la rotation volontaire du personnel augmente.” Pour bien saisir le marché des emplois vacants dans les entreprises, Federgon les a interrogées sur le nombre d’emplois relevant d’un accroissement d’activité ou faisant suite à des départs.
L’attractivité des entreprises en question.Il en résulte que 47% des emplois vacants relèvent d’une extension de l’activité contre 53% pour des personnes non remplacées. Pire, les réponses des entreprises interrogées sur l’évolution du recrutement sont édifiantes. Seules 4% d’entre elles pensent
que les difficultés iront de manière décroissante contre 54% qui les jugent plus difficiles ; 42% parient sur un statu quo. Les entreprises de la construction sont plus pessimistes que les autres probablement parce que les métiers de ce secteur sont en tension depuis quelques années. Mais pourquoi le recrutement cause-t-il tant de problèmes ? Les entreprises répondent d’abord (pour 60%) que c’est dû à la diminution de l’offre de candidats adéquats. Vient ensuite la concomitance entre la diminution de l’offre et l’augmentation de la demande. Dernière raison avancée, l’augmentation de la demande de profit. Différentes selon les secteurs d’activité, les difficultés tiennent pour l’industrie à la diminution de l’offre (pour 64%) alors que 52% des entreprises officiant dans les services pensent de même. Concrètement, le secteur marchand note une baisse des demandeurs d’emploi disponibles et ayant les compétences ainsi qu’une faible disponibilité des jeunes diplômés. Point intéressant : les entreprises ne citent quasiment jamais un éventuel manque d’attractivité de leur enseigne. Leurs conditions de travail ne sont une partie du problème que pour 2,6 à 3% des entreprises selon leur secteur d’activité. Leur image n’est problématique que pour 2 à 2,6 % des mêmes entreprises.
Un problème de compétences. Les entreprises ne voient pas encore la rotation comme un problème. Concernant la rétention des personnels, les entreprises ne semblent pas inquiètes outre mesure : “Six entreprises sur dix pensent qu’il n’y aura pas de changement sur le plan de la rotation du personnel (départs volontaires, forcés ou à la retraite) par rapport à aujourd’hui. Trois entreprises sur dix seulement pensent que la rotation augmentera dans les trois prochaines années.” En cause, le départ volontaire des personnels arrive en première réponse ; vient ensuite le vieillissement puis le départ forcé. A noter que les entreprises moyennes sont plus affectées par les départs liés au vieillissement des personnels que les petites ou les grandes sociétés. Les différences peuvent être importantes selon le secteur. Les + de 50 ans étant les plus nombreux dans le secteur industriel, il n’est pas étonnant de voir que le vieillissement sera le facteur le plus conséquent dans la rotation des personnels. Conclusion de Federgon sur ce chapitre : “En Belgique – de manière quelque peu contraire à ce qu’on observe dans d’autres pays –, la proportion d’entreprises qui voient vraiment le problème de la rotation des personnels comme un défi pour l’avenir est assez faible.” Dernier chapitre traité, la compétence des travailleurs a été passée au peigne fin. Les entreprises interrogées ont classé en deux groupes les demandeurs d’emplois et les jeunes au sortir des études, le résultat est édifiant. “Les deux groupes ont obtenu un score moyen de 0,95 sur 3, avec un même score plus bas pour les jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi (0,89 sur 3 contre 1,02 sur 3 pour les demandeurs d’emploi). La compétence motivation et aptitude au travail obtient proportionnellement le même score dans les deux groupes ; les compétences génériques arrivent en deuxième position. Ce sont surtout les jeunes sortis de l’école qui obtiennent un score assez faible en compétences techniques. Le score le plus faible est attribué aux connaissances linguistiques tant pour les jeunes sortis de l’école que pour les demandeurs d’emploi.” Le faible niveau des étudiants témoigne de la haute attente des entreprises à leur égard.
Des diplômes moins importants pour les entreprises. En outre, on remarque que les entreprises privilégient les critères de compétences et non les diplômes. “Ainsi, elles accordent plus d’importance à l’attitude au travail/la motivation des candidats (score de 5,81 sur 6). (…) Viennent ensuite les compétences techniques et l’expérience professionnelle des candidats/travailleurs (plus de 5 sur 6). Les compétences génériques ne sont que moyennement importantes aux yeux des entreprises (3,56 sur 6). Il est frappant de constater que la nature du diplôme (2,36 sur 6) et le niveau du diplôme (2,13 sur 6) enregistrent un score très faible”. Au fil des années, le diplôme a perdu de son lustre pour ne plus faire partie des critères les plus déterminants, les entreprises le plaçant même en bas de tableau comme critère de sélection. Reste que 45% des entreprises belges ne se font pas (encore ?) de souci pour leur recrutement…