Les entreprises à la recherche de compétences en technologies émergentes
Métiers pénuriques, compétences recherchées par les entreprises… Le webinaire de l'Institut Mines-Telecom Business School sur la thématique «Innovations, transformations, relance : l'impératif des compétences» a fait le point, le 16 mars dernier, sur les enjeux de la formation professionnelle.
Près de la moitié des professionnels (49%) estiment que leur entreprise ne dispose pas des compétences digitales requises pour 2025, selon l’Observatoire des métiers du futur*. «Les écoles et organismes de formation doivent s’adapter pour répondre à cette quête de compétences, en proposant des programmes ad hoc et en étant visionnaires», indique Anne Sultan, associée du cabinet Deloitte, lors du webinaire organisé par l’Institut Mines-Télécom Business School (IM-TBS).
«Les bouleversements technologiques et l’accélération des innovations induisent une nécessité de se former tout au long de la vie», poursuit Romuald Gallet, directeur de la formation continue de l'Executive Education de l’IMT-BS. De nombreux métiers sont ainsi «en tension», dont plus de la moitié seraient issus du numérique, selon le baromètre France Compétences, et les compétences technologiques sont aujourd’hui très sollicitées.
Sécurité des données et responsabilité numérique
L’étude Future of Jobs 2020 du World Economic forum classe les métiers de l’intelligence artificielle et de la data en tête des métiers qui se développent le plus aujourd’hui. Anne Sultan le constate au quotidien dans les appels d’offres qu’elle reçoit : «des prestations de gouvernance ou de sécurité des données, notamment avec la réglementation RGPD, d’automatisation d’analyse et d’aide à la décision, via l’intelligence artificielle, sont de plus en plus demandées». C’est le signe que les entreprises ont besoin de ces compétences et n’en disposent pas forcément en interne.
Les compétences en technologies émergentes comme le cloud, l’automatisation robotisée des processus (RPA) se positionnent dans le top 5 des compétences IT les plus recherchées aujourd’hui, selon une étude de l’entreprise américaine de conseil et de recherche Gartner. L’enjeu pour les entreprises ? Trouver des collaborateurs agiles, formés sur les technologies émergentes qui soient capables d’associer leur stratégie aux défis technologiques. Soit «des profils hybrides qui maîtrisent la technologie, le secteur d’activité et comprennent les enjeux métier pour faire parler au mieux la donnée», explique Anne Sultan.
Autre compétence en tension, particulièrement accentuée par la crise : la cybersécurité. «Les attaques cyber sont de plus en plus nombreuses, inventives et pernicieuses». Selon l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), les attaques criminelles visant des opérateurs d’importance vitale ont quadruplé en France entre 2019 et 2020. «On constate une augmentation des demandes d’expertise sur ce sujet pour aider les entreprises à se protéger et pouvoir poursuivre leur activité», poursuit-elle.
Le troisième besoin serait plutôt lié à la prise de conscience sur le développement durable et les enjeux sociétaux et environnementaux. La charte du numérique responsable a été signée par plus de cent entreprises, de tous secteurs et de toutes tailles. «Le niveau de maturité des entreprises françaises progresse, mais l’on constate un déficit de compétences dans ce domaine. Très peu d’écoles intègre un volet green IT, alors que c’est un sujet d’avenir majeur et qu’il faut instaurer un dialogue entre les expertises IT et RSE. Ce dialogue est nécessaire dans l’éco-conception de programmes, dans l’établissement du bilan carbone des infrastructures informatiques, par exemple, ou encore lors d’achats de matériel ou de logiciels. C’est un sujet nouveau, complexe, qui demande plusieurs expertises et se gère de manière transversale au sein des organisations», argue Anne Sultan. L'accélération de la transformation digitale fait ainsi apparaître de nouveaux métiers et émerger des enjeux éthiques et environnementaux inédits.
La formation aux mains des salariés
En face, les salariés doivent dorénavant être moteurs sur leurs formations, s’accordent à dire les experts, la réforme de la formation professionnelle ayant dérégulé le marché. «Les entreprises doivent concevoir l’action de formation comme un investissement. On est face à un paradoxe entre le développement des compétences attendues pour garantir l’employabilité ou l’insertion professionnelle et le fait que l’acte de formation soit désormais dans les seules mains du salarié», indique Elodie Cavigioli, consultante en stratégie et ingénierie de formation, qualité et certification, au sein du cabinet Lafayette Associés.
Les individus sont dorénavant responsables de leur évolution professionnelle avec l’application myCPF. «On compte 38 millions de comptes ouverts où les salariés disposent en moyenne de 1 340 euros», détaille Elodie Cavigioli. D’un autre côté, conformément au Code du travail (article L .6321-1), l’employeur est tenu d’organiser la formation de ses salariés en vue de leur adaptation à leur poste de travail et du «maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Même si la loi a, en quelque sorte, rompu les négociations entre entreprises et salariés, il faut qu’ils puissent s’accorder sur le projet de formation», conclut Elodie Cavigioli.
Bonne nouvelle, près d’un actif sur deux souhaite suivre une formation professionnelle dans l’année à venir**. 49% des actifs souhaitent changer d’emploi à plus ou moins long terme et un tiers y pensent pour les deux années à venir, selon la deuxième édition du baromètre de la formation et de l’emploi de Centre Inffo***.
De leur côté les organismes de formation doivent constituer de véritables business partners pour les entreprises. «De prestataires de formations, ils doivent devenir des opérateurs de compétences, avec un référentiel commun pour toutes les compétences et permettre aux actifs de construire des parcours de formation et professionnels sur mesure», résume Romuald Gallet.
*Enquête en ligne réalisée auprès de 302 participants, de novembre 2019 à mars 2020.
**Enquête Web réalisée par l'Institut BVA, du 18 au 24 novembre 2020, auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 actifs.
*** Baromètre réalisé en janvier 2021, auprès de 1 600 actifs français, en partenariat avec le CSA.