Conférence de presse du Medef Côte d’Opale et de l’UIMM Littoral
Les entreprises à court de jus
Les entreprises consommatrices d’énergie établies sur la Côte d’Opale s’inquiètent fortement des prix et ont décidé de se faire entendre plus fort auprès des pouvoirs publics. En jeu, leur survie dans le premier semestre 2023. Rencontres sous tensions.
Alerte entreprises en crise. C’est ainsi qu’on pourrait résumer la teneur de la conférence de presse qu’ont donné le Medef Côte d’Opale et l’UIMM Littoral, le 7 novembre dernier à Saint-Léonard, près de Boulogne-sur-Mer. «Nous lançons un cri d’alerte tant la situation nous paraît préoccupante» appuie Jean-François Didier, président de l’UIMM Pas-de-Calais. Autour de lui, Marc Leroy, président de la Société d’Impression du Boulonnais (SIB, 180 salariés) et du Medef Côte d’Opale, Patrick Ducrocq, dirigeant de l’entreprise éponyme et président de l’UIMM Côte d’Opale, Michel Barbagallo, directeur général du site de Vossloh (210 salariés) et Franck Helias, délégué général du Medef et de l’UIMM. Tous unanimes à demander au gouvernement de l’aide afin de passer l’année 2023.
«Jusque 2021, je payais 80 euros le mégawatt/heure» explique Marc Leroy pour qui l’énergie représente 18% de la valeur ajoutée de ses produits. «Fin octobre, j’ai signé un nouveau contrat avec un fournisseur pour 280 euros le mgw/h avec 120 euros supplémentaires possible si les prix continuent de monter sur les marchés. On ne peut pas répercuter une hausse pareille auprès de nos clients». D’autant plus que dans les nouveaux contrats, les fournisseurs réclament 1 million d’euros de caution...
Résilience ou résignation
Modifié déjà à plusieurs reprises depuis son lancement en mars dernier, le plan de résilience du gouvernement ne semble pas être convenablement dimensionné. «Je ne connais pas d’entreprise qui en bénéficie» soupire Marc Leroy. Pour autant, l’Etat a parfaitement saisi le risque si l’on en croit sa prose dans son dossier de presse : «les secteurs les plus consommateurs de gaz et d’électricité sont les plus directement exposés au choc actuel sur le coût d’approvisionnement en gaz et en électricité. Les entreprises les plus exposées à la concurrence extra-européenne (chimie, métallurgie, agroalimentaire, etc.) n’ayant qu’une faculté limitée à répercuter leurs hausses de prix aux clients, pourraient être particulièrement affectées».
Largement consacré aux ménages, ce plan de 22 milliards d’euros ne soutient qu’à la marge les petites entreprises (moins de 2 millions de chiffre d’affaires) dont les compteurs de consommation sont bloqués à 36 kilovoltampères. Pourtant, la subvention de l’Etat devait concerner les sociétés «dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent une part élevée des charges, au moins 3% du chiffre d'affaires, et qui du fait du renchérissement de leurs dépenses en énergie, deviendraient déficitaires en 2022. Cette aide bénéficiera aux entreprises sans condition de taille ou de secteur et prendra à sa charge la moitié du surplus de dépenses énergétiques, leur permettant ainsi de réduire leurs pertes dans la limite de 80%. Elle sera plafonnée à 25 M€. Cette mesure exceptionnelle sera mise en œuvre dès que possible pour la période du 1er mars au 31 décembre 2022» annonçait le gouvernement en mars dernier.
La facture, les salaires ou les PGE ?
Pour les industriels de la Côte d’Opale, le compte n’y est pas : «le gouvernement semble pris entre deux feux» explique Jean-François Didier ; «une usine à gaz de subventions pour les TPE et des plafonnements. Ce dont nous avons besoin, c’est de visibilité, un régime où le gaz et l’électricité soient plafonnés au moins pendant une année». Chez Vossloh, la direction a commencé à anticiper : après de très lourds investissements de modernisation lancés il y a 4 ans, le groupe allemand voit son modèle économique chamboulé. «On a déjà commencé à anticiper depuis mai dernier avec les fours qu’on chauffe moins. Nous sommes dans une concurrence mondiale et, dans les appels d’offres internationaux, ils ne veulent pas entendre parler de nos coûts énergétiques qui flambent» souligne le directeur général.
L’impact social se profile déjà : Vossloh a commencé à discuter avec les représentants syndicaux. À la SIB, le problème est sur la table : «on a déjà essuyé de nombreux refus pour le chômage partiel» ajoute Marc Leroy. «Juridiquement, on n’a pas une baisse d’activité» reconnaît le directeur de Vossloh. Mais les dirigeants ne vont pas tarder à se retrouver devant le dilemme suivant : payer leurs factures ou leurs salariés. Sans compter que les remboursements des Plans Garantis par l’État (PGE) ont commencé pour de nombreuses entreprises.