Les élus tentent de rassurer la filière agricole

A quelques jours du salon international de l'agriculture, qui se déroule du 23 février au 3 mars, la Région a fait le point sur les produits agricoles régionaux. Méthanisation, aides aux agriculteurs, circuit courts... Les élus ont abordé un vaste panel de sujets dans un milieu en pleine mutation.

 Jean-Michel Serres, président de la commission agriculture, et  
Marie-Sophie Lesne, vice-présidente en charge de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la bio-économie à la Région.
Jean-Michel Serres, président de la commission agriculture, et Marie-Sophie Lesne, vice-présidente en charge de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la bio-économie à la Région.

Après une saison 2016 catastrophique, le contexte du prochain salon international de l’agriculture s’annonce moins tendu. La Région a ainsi présenté, vendredi 15 février, un état des lieux de sa politique agricole et les axes à développer. Les filières laitières, betteravières, céréalières et de la pomme de terre, piliers de l’agriculture régionale, sont particulièrement scrutés. Marie-Sophie Lesne, vice-présidente en charge de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la bio-économie à la Région, s’est ainsi félicitée du prix de base pour 1 000 litres lait, négocié à 350 € contre 220/260 € en 2015. Une avancée qui aurait permis de limiter l’hémorragie au niveau des ateliers laitiers, sans toutefois la stopper. En novembre dernier, l’interprofession laitière avait calculé le prix de revient moyen à 396 €/1 000 litres. «Je doute que les industriels puissent rémunérer à ce prix-là», regrette Marie-Sophie Lesne, tout en soulignant malgré tout les avancées pour mieux payer l’exploitant. La question du lait «bas carbone» a été lancée, ce à quoi la vice-présidente a répondu que «la qualité environnementale de la filière est déjà bien installée» : «On produit déjà un lait bas carbone, mais on manque d’outils de valorisation par rapport aux industriels.» Sans évoquer de crise de métier, elle s’est également inquiétée du peu de renouvellement générationnel dans l’élevage. «Nous comptons 277 installations en Hauts-de-France.»

De nouvelles aides pour les
agriculteurs

C’est le projet phare de la Région. Une avance remboursable sur cinq ans, à taux zéro, a été votée en octobre dernier et se destine aux agriculteurs porteurs de projet, issus de toutes filières. L’aide, plafonnée à 500 000 €, doit couvrir entre 20% et 30% de l’investissement. «Nous avons rajouté une bonification de 10% pour l’élevage», ajoute Marie-Sophie Lesne. Le budget 2019 a dégagé 3 millions d’euros pour cette initiative. Autre coup de pouce : le fonds régional de garantie, avec un montant à garantir allant de 100 000 € à 1 million d’euros. Le fonds pourra être fourni par les banques dans le cadre de la création et de la reprise d’exploitation notamment. Ces mesures ont pour objectif de favoriser le circuit court. «On a besoin de muscler cette transformation, de multiples producteurs de petite taille hésitent à grandir.» Elles sont également destinées à limiter la garantie de terres, généralement demandée par les banques, frileuses à l’idée de se lancer dans les investissements agricoles. «On a débloqué 1 million d’euros dans le budget. On espère augmenter la prise de risque dans le secteur bancaire.» Enfin, les élus se sont emparés de la question de l’approvisionnement local. L’appel à manifestation d’intérêt, lancé en 2017, a porté ses fruits. Une soixantaine de dossiers ont été déposés. Sont éligibles les producteurs, transformateurs, grossistes, logisticiens, associations, chambres de l’agriculture et les collectivités locales. Avec un plafond établi à 50 000 €, l’aide peut financer 10 à 40% du projet. Ainsi, plusieurs lycées et collèges rattachés au Hainaut-Avesnois, à l’Artois et au Littoral ont vu bondir leurs parts de viande régionale dans les assiettes des élèves. Les autres marchés sont en cours d’attribution.

La méthanisation menacée ?

La présentation de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) le 25 janvier a semé l’inquiétude. En cause ? La baisse de 30% du prix de rachat du biométhane. Le mégawattheure passe ainsi de 110 € à 67 €. Une très mauvaise nouvelle pour la Région qui s’inquiète d’une possible baisse de la dynamique des agriculteurs sur des projets de méthanisation. «Nous avons actuellement 180 dossiers en gestation. Entre 60 et 90 aboutiront en 2020.» Les Hauts-de-France comptent 33 unités en fonctionnement sur le territoire et ont affiché l’ambition d’être les premiers en matière de méthanisation injectée. Les représentants de la Région ont envoyé un courrier au gouvernement le 29 janvier, dénonçant cette baisse d’objectifs. La dernière PPE prévoyait 10% de gaz naturel consommé en France pour 2030. La nouvelle fiche de route revoit cette ambition à la baisse en passant de huit à six térawattheures de production pour 2023.

Soutenir l’exportation

«La Région accompagne l’agriculture sur sa compétitivité et ses mutations, que ce soit sur le marché intérieur brut ou les exportations», affirme la vice-présidente. Parmi les problématiques évoquées, a été cité le canal Seine-Nord, facteur clé pour soutenir l’exportation de produits agricoles face à la concurrence des pays nordiques et de la Russie. L’occasion également d’encourager les plus petites exploitations à ne pas négliger le commerce extérieur.

La Région contre l’agri-bashing

«Il ne faut pas trop taper sur l’agriculteur», avertit Marie-Sophie Lesne. Elle reproche aux polémiques sur les abattoirs, le glyphosate et autres produits phytosanitaires d’entacher l’image de l’agriculteur. Pour l’élue, «il ne faut pas oublier les avancées. Il faut que la cadence soit compatible avec le rythme économique». Elle insiste par ailleurs sur le poids des réglementations en vigueur, avant de mentionner la nécessité de ne pas fermer les yeux sur la concurrence européenne. «Les patrons déplacent les unités de production vers des pays avec moins de réglementation», déplore Jean-Michel Serres, président de la commission agriculture du Conseil régional, qui a par ailleurs exprimé son inquiétude face à la fermeture récente de la sucrerie d’Eppeville.