Claude Gillard, président du Conseil de prud’hommes de Nancy
«Les chefs d’entreprise doivent être rigoureux devant une législation piégeuse»
Les défaillances d’entreprises annoncées dans un futur plus que proche du fait des effets de la crise actuelle vont inévitablement se solder par une vague de licenciements économiques. Une donne face à laquelle le Conseil de prud’hommes de Nancy va devoir faire face en prenant en compte les difficultés liées à la crise sanitaire tout en jugeant en droit. Claude Gillard, son nouveau président, appelle les chefs d’entreprise à la plus grande rigueur devant une législation souvent piégeuse.
Les Tablettes Lorraines : Les différents tribunaux de commerce prévoient dans les mois à venir une vague plus ou moins importante de défaillances d’entreprises. Des procédures de licenciements, économiques notamment, devraient être engagées. Comment se positionne le Conseil de prud’hommes de Nancy ?
Claude Gillard : La gestion de ces futures défaillances va entraîner indéniablement des litiges entre les salariés et l’entreprise. Nous savons que nous allons nous retrouver face à des situations délicates. S’il y a un message à faire passer au niveau des dirigeants d’entreprise est celui de la rigueur dans leur démarche. Ils se doivent d’être extrêmement rigoureux devant une législation piégeuse. Ils doivent s’entourer des meilleurs conseils, histoire d’éviter de graves conséquences.
De quel ordre ?
En plus de voir son entreprise disparaître, le coût d’un licenciement économique peut être tout simplement impossible à surmonter surtout quand l’entreprise est une TPE ou une PME. Les entreprises sont déjà énormément fragilisées et les conséquences d’un jugement peuvent être dévastatrices.
La crise sanitaire, le climat conjoncturel incertain du fait d’un manque total de visibilité, vont-ils entraîner une adaptation, une prise en compte des difficultés de la part du Conseil de prud’hommes lors de ses futurs jugements ?
Les conseillers prud’homaux prendront en compte le climat ambiant et les difficultés qui en découlent. Il faut qu’il y ait de la compréhension des deux côtés, aussi bien chez l’employé que chez le dirigeant, mais nous sommes obligés de juger en droit.
Il est souvent mentionné que les jugements émis par les Conseils de prud’hommes sont souvent en faveur des salariés. C’est une réalité ?
À Nancy, 58 % des jugements émis sont en faveur des salariés mais le montant des dédommagements et des indemnités demandés par les salariés est bien en-dessous de celui initialement demandé. Il est nécessaire de casser cette image d’Épinal.
Les accords, les solutions amiables sont-elles possibles et sont-elles nombreuses aujourd’hui ?
Quand il y a litige entre un salarié et un employeur, le dossier passe en premier lieu au bureau de conciliation et d’orientation. Il est dommageable de constater qu’il y a très peu de conciliations et que tout se joue alors au bureau de jugement ou en référé. La prévention, les accords, les solutions amiables doivent être prises avant d’engager une procédure devant le Conseil de prud’hommes.
Les licenciements économiques sont une part importante de votre activité, aujourd’hui les plaintes pour harcèlement moral et sexuel sont de plus en plus nombreuses, comment faites-vous face à cette évolution sociétale et juridique ?
Nous sommes de plus en plus saisis par ce genre d’affaires. Elles sont très délicates à appréhender et nous rencontrons des situations où certains collaborateurs sont littéralement malmenés au sein de leur entreprise et brisés. Nous nous appuyons sur les services et enquêtes menées notamment par la médecine du travail.
Vous venez d’être élu président du Conseil de prud’hommes de Nancy, comment se porte la juridiction nancéienne dans le climat actuel ?
Nous
avons environ sept-cents affaires en cours ! Malgré la crise sanitaire et
la grève des avocats de l’an passé, notre juridiction est performante. L’année
dernière, malgré ce contexte, nous avons maintenu notre activité dans nos
différentes sections (encadrement, industrie, commerce et services commerciaux,
agriculture, activités diverses) avec une baisse des affaires instruites de
14 % (contre 30% au niveau national) et un moindre impact dans la section
commerce.