Les Calaisiens manifestent à Paris pour défendre l’économie de leur ville

Place des Invalides, les manifestants (entre 450 et 500 personnes) se sont arrêtés quelques minutes afin d’entonner la Marseillaise. Les T-shirts “J’aime Calais” ont envahi Paris, le temps d’une journée.
Place des Invalides, les manifestants (entre 450 et 500 personnes) se sont arrêtés quelques minutes afin d’entonner la Marseillaise. Les T-shirts “J’aime Calais” ont envahi Paris, le temps d’une journée.
D.R.

Place des Invalides, les manifestants (entre 450 et 500 personnes) se sont arrêtés quelques minutes afin d’entonner la Marseillaise. Les T-shirts “J’aime Calais” ont envahi Paris, le temps d’une journée.

Le 8 mars, 500 Calaisiens, élus, artisans, entrepreneurs commerçants ou habitants, manifestaient dans les rues de Paris pour mettre en valeur les qualités de leur ville et demander de l’aide pour faire face à sa situation économique.

Une marée de T-shirts blancs, garnis du slogan “J’aime Calais”, a défilé dans Paris pour défendre le territoire du Calaisis. Des habitants en colère, se sentant abandonnés par l’État et réclamant de l’aide face à une situation économique exceptionnelle. Un chômage se situant entre 16 et 18%, un centre-ville à l’abandon, voilà les conditions que voulaient dénoncer les manifestants. Natacha Bouchart, maire de Calais, demande “l’accompagne
ment et l’aide aux commerçants qui sont dans l’urgence aujourd’hui. C’est l’un des points les plus importants. Après, c’est la confirmation du lancement du ferroutage. Ils veulent aussi exprimer leur ressenti, ce qu’ils vivent. Ils ont cette impression que vu de Paris, on ne se rend pas compte de cette situation. Leur ville est belle, leur port est beau. Il y a beaucoup d’atouts. On veut valoriser la partie patrimoniale, culturelle et maritime de Calais”. L’édile, sortant d’un rendezvous avec un président de la République visiblement compréhensif ce  4 mars, tient à ce que François Hollande vienne constater l’état de l’économie de la ville de Calais d’un peu plus près. “Plutôt que la guérilla urbaine que montrent la plupart des médias, c’est un désert qui nous tient lieu de centre-ville, lance Frédéric, un habitant visiblement lassé des scènes de guerre sur les écrans de télévision. D’autre part, il y a de moins en moins d’usines qui s’implantent à Calais depuis de nombreuses années.” Le Calaisien continue : “Il n’y a pas que les migrants. Quand il y a eu la cité Europe, qui a écarté tous les commerçants du centre-ville de Calais, ça a déjà eu des conséquences néfastes. On voit de moins en moins d’Anglais dans les commerces. À l’heure actuelle, les Anglais ne viennent plus. Avant, en centre-ville, il y avait des gens partout. Maintenant, c’est une ville morte.” Le constat est fort, et la situation nécessitait une union solide…

Unité territoriale. La présence d’un député PS aux côtés d’une élue étiquetée Les Républicains a, à première vue, de quoi surprendre. Pourtant, Yann Capet l’affirme : il est “avant tout le député d’un territoire. Un territoire qui, sans doute, est confronté au plus de difficultés sur le plan national. Le président Hollande l’a bien compris”. Le député de la majorité le confirme : la situation économique de la ville ne tient pas uniquement à la présence de migrants dans la ville. “La suppression du duty free, à l’époque, a eu un impact économique, notamment sur le port, sur le coût des traversées et sur l’ensemble de l’économie locale. Aujourd’hui, il s’agit de se mobiliser comme nous avons su le faire à l’époque, en étant réunis audelà des clivages traditionnels, parce que l’enjeu mérite que chacun soit au rendez-vous. Calais et le Calaisis sont dans une situation exceptionnelle par rapport à la crise migratoire. Nous avons besoin d’un traitement exceptionnel face à cette situation. C’est ce rappel que nous allons faire.”

Un territoire sinistré. Les slogans chantent l’amour de la ville et du territoire. La Marseillaise est entonnée : devant Bercy, aux Invalides et devant l’Elysée, où a été reçue une délégation. “On est chez nous”, scande un moment une poignée de manifestants, vite rappelés à l’ordre par l’organisation qui avait prévenu : “Pas de slogans racistes, ça porterait préjudice au message que nous essayons de faire passer.” Une banderole porte le message : “Le gouvernement doit déclarer le Calaisis en état de catastrophe économique exceptionnelle”. Une autre : “M. le président, on vous invite à Calais”. On accuse une baisse du chiffre d’affaires de 40% dans l’hôtellerie calaisienne, évoquant des rideaux baissés, des trottoirs vides en centre-ville. “L’économie calaisienne était plus ou moins en dépôt de bilan avant le problème des migrants, lance un Calaisien. La problématique migratoire est venue donner le coup de grâce à l’économie calaisienne. Calais port 2015, Heroic Land… on n’en entend plus beaucoup parler aujourd’hui. La dentelle, pour sa part, est elle aussi très mal en point. Avant-guerre, 30 000 personnes travaillaient dans la dentelle. Comme le gouvernement français n’a rien fait de particulier pour garder la dentelle, cette industrie ne compte que 300 à 400 emplois aujourd’hui.” L’habitant de Calais continue : “La Turquie bénéficie de 3 milliards de dollars, alors que Calais n’a pas eu un centime de l’Union européenne.” Car si la ville a effectivement reçu 155 millions d’euros de l’État, de la Région et du Département via un contrat de territoire en novembre, l’Union européenne n’a effectivement pas mis au pot.

Revendications. “Il faut que le nombre de réfugiés sur Calais baisse pour que la situation redevienne normale pour toute l’économie du territoire, glisse le député Yann Capet, et un soutien aux artisans, commerçants et entreprises pour montrer que Calais, ce n’est pas seulement la situation migratoire, que la ville a énormément d’atouts et énormément d’avenir. C’est offrir un véritable horizon à notre ville et à notre territoire.” Pourtant, il semblerait que les projets du Calaisis auxquels on laisse leur chance aboutissent : Fundimmo a récemment réussi à financer les travaux de la zone des Cailloux en un temps record via un financement participatif, relève un des manifestants. “Si un commerce ferme à Calais, vu l’image qu’on a, pas un investisseur ne viendra investir pour rouvrir à Calais, glisse toutefois Frédéric Van Gansbeke, porte-parole de l’association Grand Rassemblement pour le Calaisis. C’est pour ça que l’on veut à tout prix éviter les fermetures.”

Résultats. À l’issue de la manifestation et de la réception des différents représentants, quelques mesures ont été annoncées. “L’ensemble des gens représentés ici ont été entendus. Artisans, commerçants, hôteliers… Il y a des secteurs qui sont plus touchés que les autres. Le souci premier, c’est l’image de la ville avec ce bidonville. Tant que la jungle ne sera pas démantelée, travailler sur l’image de la ville, ce sera de l’argent jeté à la poubelle.” Des mesures ont donc été annoncées à la délégation de sept personnes, afin de compenser ce déficit d’image. Premièrement, une cellule d’urgence va être mise en place pour porter assistance aux sociétés en difficulté sur le territoire. En sous-préfecture, une aide va être proposée pour constituer un dossier dans le but de bénéficier de déductions fiscales. “Soit des reports de charges pour les moins touchés, soit une annulation pure et simple des charges pour les entreprises qui subissent le plus l’impact de la crise migratoire, précise Frédéric Van Gansbeke. Le gouvernement sait qu’il faut à tout prix éviter les fermetures…” Concernant le calendrier, les entreprises du territoire du Calaisis auront trois semaines pour constituer un dossier à compter du 7 mars, qui sera traité sous deux semaines. Ensuite, un suivi du dossier sera mis en place afin d’étudier les critères d’éligibilité des dossiers déposés. Le démantèlement de la zone sud de la jungle, commencée le 29 février, va continuer. Enfin, le projet de ferroutage Calais-Le Boulou, très attendue par les habitants, sera conclu le 29 mars prochain. “Je resterai vigilant quant au suivi des dossiers, prévient Frédéric Van Gansbeke. J’en déposerai un pour voir comment avance le suivi.” Voilà qui est dit.

Corentin ESCAILLET