Les bases du développement sont d’ores et déjà posées
Pour atteindre son régime de croisière, AJP devra attendre que 1 000 m2 de l’usine incendiée voilà trois ans et demi soient réhabilités. En attendant, tous les clignotants sont au vert à l’issue d’une reprise exemplaire, grâce aussi à un plan de développement réaliste et ambitieux.
La Gazette. Quels étaient votre formation et votre parcours professionnel avant cette reprise ?
Arnaud Jonglez. Je suis passé par l’IUT de Valenciennes, puis l’EDHEC où j’ai commencé à m’intéresser à l’export. Ensuite les expériences professionnelles se sont succédé. Dans l’impression à Tourcoing et dans l’euro-commercial, puis à la CCI de Lille où j’ai monté un service exportation pour aider nos entreprises à conquérir des marchés en Scandinavie, Espagne, Canada et Japon. Ensuite je suis devenu directeur des achats dans un grand groupe textile, tourné surtout vers le fil industriel et le tissage pour des produits finis. Puis j’ai créé à mon compte une activité dans la vente de fil industriel pour des compagnies étrangères, en France et en Belgique, pour le tissage et la bonneterie. Mais depuis dix ans je souhaitais racheter une société. J’avais eu une expérience intéressante en reprenant Plibat avec 11 personnes, qui réalisait 1,1 M€ de CA. Je l’ai cédée en 2012 alors qu’elle faisait un peu plus de 3 M€ de CA. Je cherchais donc, dans un groupe d’entreprises candidates, une ou plusieurs autres sociétés à reprendre. Reprendre plutôt que créer, c’était une préférence pour toute une série de raisons, par exemple le souhait d’entrer dans une PME de négoce ou de fabrication, et ce, sans perdre trop de temps. A 50 ans, je disposais de suffisamment d’atouts et d’appuis pour réussir et le dossier AJP s’est tout de suite très bien présenté. Ma confiance était aussi basée sur le fait que gérer de telles PME, je savais faire, seuls les métiers changent au gré des reprises. Plibat n’était déjà pas dans mon métier de base et j’ai quand-même réussi.
Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre cette entreprise à Vieux-Condé ?
J’ai étudié avec mes réseaux 25 dossiers. Un dernier chapeau avec 3 sociétés s’est dégagé, dans lequel il y avait AJP. Le BRE m’avait indiqué ce nom et mon premier contact avec le cédant a été vraiment déterminant. Jean Mouriks était à la tête de cette société de découpe, bobinage et enduction depuis longtemps. A 71 ans, en retraite donc, il souhaitait vendre mais encore accompagner le repreneur car il avait massivement investi dans son entreprise, en machines novatrices notamment, permettant aujourd’hui de diversifier les fabrications de films plastique et papier, mais aussi de transformer à façon. Hélas, à l’été 2010, un incendie a totalement détruit un atelier de fabrication et entrepôt ce qui, aujourd’hui, nous handicape beaucoup pour le stockage de bobines. Car depuis trois ans et demi, aucune reconstruction n’a été entreprise, les murs appartenant à Valenciennes Métropole. Nous avons bon espoir pour le second trimestre 2014 qu’une solution positive pour l’entreprise et l’activité, avec 15 emplois à la clé notamment, soit trouvée.
Suite à l’incendie, Jean Mouriks avait réinvesti dans tout le matériel et redressé la production ainsi que l’activité en général. Mais l’entreprise, comme maintenant, ne pouvait donner sa pleine mesure en raison de ce bâtiment sinistré et à l’abandon. La société repartait du bon pied, l’investissement très significatif avait suivi, mais trop de temps passait et M. Mouriks a dû chercher un repreneur capable de rentabiliser l’investissement et développer de nouveaux marchés.
Qu’avez-vous pensé de cette entreprise lors de la transmission ? Avez-vous été surpris par certains points en avançant dans la reprise ?
Je disposais de bons renseignements initiaux donnés par le BRE et Guillaume Roure. Et, au fil des rencontres avec Jean Mouriks, j’ai «senti» l’ambiance très positive, il m’a tout montré, j’ai constaté l’excellente compétence de l’équipe qui m’a réservé par la suite, une fois la signature apposée, un très bon accueil. Il leur fallait un homme neuf et un projet industriel qui rassure car le sinistre avait laissé des traces dans les esprits… Je leur apportais tout cela et Jean restait à mes côtés comme accompagnant technique, le contexte humain était vraiment excellent. La société s’appuyait sur deux types d’activité : le bobinage et la découpe avec quatre machines performantes pour différents formats sur mesure, et l’enduction film. Le tout sur un marché à la fois national et international via des relais commerciaux disséminés. Le bobinage était plutôt local car il fallait limiter les coûts de transport. Mais avec nos machines très techniques on pouvait vendre partout ailleurs. Des clients allemands se manifestent parce qu’on fait ce que les autres ne savent pas faire ou mal… Nous avons une qualité et une précision inégalée dans la découpe. Pour l’enduction, on est encore à une taille modeste sur le marché franco-belge. Le CA sortant d’1,2 M€ d’AJP souffrait de ce sinistre, on pouvait faire mieux et Jean Mouriks avait commencé à redresser la situation. Enfin, les clients, parmi lesquels les imprimeurs sur films plastique pour étiquettes techniques, les distributeurs et grossistes de papier, les fabricants de boîtages, de films, l’industrie alimentaire, etc.
Ils nous sont restés fidèles en nombre malgré cet incendie, mais c’est le volume qui avait souffert. Il n’y a pas eu de surprises, le cédant a été impeccable à tous les points de vue, nous partagions la même vision d’AJP, la même stratégie. Jean reste avec nous sur la plate-forme technique que je connais mal.
Combien de temps aura duré cette cession et quels ont été vos partenaires ?
Grand maximum deux mois, j’ai signé en juin 2013 ! La valorisation s’est faite autour des fonds propres, une péréquation passé/avenir s’est faite en fonction des résultats prochains. Mes partenaires : la CCI Grand-Lille, mon expert-comptable M. Tabardel de Comexpert, l’IRD avec Mme Pidoux, et l’agence valenciennoise de la BNP.
Quel est votre projet d’entreprise ?
J’ai d’abord établi des tableaux de bord : suivi mensuel du CA, des marges, contrôle hebdomadaire de la production, que chaque affaire soit suivie dans tous ses moindres détails. J’avais déjà fixé un étalon «rentabilité» en euros de chaque opération. Ensuite il y a un travail de comparaison. Sur le plan commercial, j’ai conçu une stratégie basée sur nos forces. Quel marché ? Que fait la concurrence ?… Une prospection démarre en Belgique, en France et dans d’autres pays européens. Deux agents commerciaux pour la Belgique et la France sont recrutés et j’en recherche encore d’autres en France et à l’étranger. Nous travaillons beaucoup l’image de la société qui était déjà excellente sur le plan des produits et en organisation. Un nouveau site internet, une plaquette, un nouveau logo. Je suis prêt pour cette nouvelle phase de développement commercial. Quand j’aurai le bâtiment reconstruit, on sera plus productifs avec des machines qui tourneront à plein, il y aura augmentation de la productivité et stockage aisé de gros volumes. L’objectif est de doubler le CA en trois ans et le tripler en cinq ans sans changer l’organisation.
Trois conseils à donner à un candidat repreneur ?
Bien étudier le marché de l’entreprise reprise, voir les possibilités de développement sur ces marchés et les nouveaux, disposer d’un bon expert-comptable et de conseils pour l’audit et la valorisation.