L’entreprise et les salariés
Dès lors qu’une clause de loyauté est, en partie, une clause de non-concurrence, elle nécessite une contrepartie pécuniaire. (Cass. soc. 2 décembre 2015. Pourvoi n° 13-20706).
Un salarié, engagé en qualité d’expert-comptable et de commissaire aux comptes, était devenu associé de la société qui l’employait. Suite à la réorganisation de l’entreprise, à partir de mars 2001, emportant, selon lui, modification unilatérale de son contrat de travail, il avait saisi les prud’hommes, avant d’être licencié, le 14 août 2003. Le salarié avait été débouté, en justice, de sa demande de requalification de la clause dite de «loyauté» en clause de non-concurrence. Selon son contrat de travail, en cas de cessation de sa collaboration, et pour quelque cause que ce soit, l’associé s’interdisait d’apporter, sous quelque forme que ce soit et sans autorisation écrite de la société, sa collaboration à l’un des clients de celle-ci, en qualité d’expert-comptable, commissaire aux comptes. Également, il lui était interdit de s’installer ou de travailler, notamment, en entrant au service d’un tiers, au titre d’une de ces professions, dans le ou les secteurs où il aurait exercé ses fonctions au cours des trois dernières années précédant la date de son départ et, de toute manière, dans un rayon de 100 kilomètres à partir de chacune de ses résidences professionnelles, au cours de cette même période. Pour les juges du fond, cette clause n’interdisait pas au salarié de s’engager auprès d’un employeur concurrent ou de créer une entreprise concurrente après la rupture du contrat de travail, ni d’accepter de travailler pour des clients de l’employeur envisageant spontanément, en dehors de toute sollicitation ou démarchage, de contracter sous quelque forme que ce soit, avec l’ancien salarié.
Période d’interdiction
Une clause de non-concurrence réservant à l’employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations qu’elle fait peser sur le salarié, laisse ce dernier dans l’incer- titude quant à l’étendue de sa liberté de travailler ; elle doit être annulée. (Cass. soc. 2 décembre 2015. Pourvoi n° 14-19029). En l’espèce, une clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail autorisait l’employeur à s’en délier à tout moment, postérieurement à la rupture du contrat. Pour la Cour de cassation, une telle clause devait être annulée dans son ensemble.
Clientèle démarchée…
Une clause selon laquelle il est fait interdiction au salarié, durant une période déterminée, d’entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle démarchée lorsqu’il était au service de son ancien employeur, s’analyse comme une clause de non-concurrence. (Cass. soc. 2 décembre 2015. Pourvoi n° 14-23347). Un directeur de mission, associé, avait été licencié pour cause réelle et sérieuse. Son contrat de travail contenait une clause de «protection de la clientèle». La Cour de cassation analyse cette clause comme une clause de non-concurrence.
Licenciement : faute grave
Dès lors que les griefs prescrits procèdent du même comportement fautif que ceux invoqués dans la lettre de licenciement, l’employeur peut s’en prévaloir au soutien d’un licenciement pour motif disciplinaire. (Cass. soc. 11 décembre 2015. Pourvoi n° 14-20439). Un salarié, licencié pour faute grave, contestait en justice son licenciement. Il arguait qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires, au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l’exercice de poursuites pénales. En l’absence de motif économique de licenciement, la convention de reclassement personnalisé devenant sans cause, l’employeur est tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre, en vertu de la convention. (Cass. soc.18 novembre 2015. Pourvoi n° 14-24121 et 14-24246). En l’espèce, un inspecteur du travail avait autorisé le licenciement d’un salarié protégé, lequel avait, le 24 octobre 2006, donné son accord à une convention de reclassement personnalisé (CRP). Par jugement du 26 mars 2009, le tribunal administratif avait annulé la décision de l’inspection du travail autorisant le licenciement, le comité d’entreprise n’ayant pu émettre d’avis sur le projet de licenciement. Par un arrêt du 2 février 2010, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait confirmé le jugement du tribunal administratif.
François.taquet.avocat,
conseil en droit social