L’entrepreneuriat du monde d’après en ordre de marche

La typologie des porteurs de projets évolue, les modèles d’accompagnement également.
La typologie des porteurs de projets évolue, les modèles d’accompagnement également.

L’entrepreneuriat serait-il à l’aube d’une véritable révolution ? À côté des chiffres de la création d’entreprises qui semblent commencer à s’emballer depuis la rentrée, l’analyse des comportements et les constations réalisées par les différents acteurs de l’écosystème poussent à affirmer qu’une nouvelle ère s’installe. Des typologies de porteurs de projets changeantes, une offre d’accompagnement qui se doit de s’adapter, tentative de décryptage à l’échelle régionale du monde d’après version entrepreneuriat.

«Depuis le mois de juillet, nous accueillons en moyenne une quarantaine de porteurs de projets par semaine.» Masque bien fixé sur le visage, le délégué général d’une structure d’accompagnement résume à lui tout seul ce qui n’était encore qu’un frémissement après la sortie du confinement. L’entrepreneuriat et la volonté de créer une entreprise apparaissent comme un leitmotiv pour bon nombre de personnes. «Plusieurs associés de mon cabinet assurent que les demandes en matière de création d’entreprises sont importantes, notamment dans le département de la Meuse et des Vosges. D’une façon générale, cela concerne l’ensemble de la région et tous les secteurs d’activité», explique le président d’un groupe régional d’expertise-comptable et de conseil. Ces constats corroborent les différentes études statistiques réalisées par l’Insee aussi bien au niveau régional que national sur le sujet. Après une chute brutale au deuxième trimestre où «9 350 entreprises se sont créées dans le Grand Est, soit 1 270 de moins qu’au trimestre précédent entraînant une contraction de 12 % après celle du premier trimestre», comme l’assure l’Insee Grand Est dans son enquête de conjoncture parue au début du mois dernier, la tendance pour le quatrième trimestre pourrait être à la hausse. Au niveau national, l’Insee assure qu’au mois de septembre dernier le nombre total de créations d’entreprises (tous types d’entreprises confondus) est en hausse de + 2,3 %. «En données brutes, le nombre cumulé d’entreprises créées au cours des mois de juillet, août et septembre est en nette hausse par rapport aux mêmes mois de l’année 2019 (+ 21,5 %). Le secteur «transport et entreposage» est celui qui contribue le plus à cette hausse (+ 11 900 créations soit une contribution de + 6,3 points)», assure l’Insee national.

Augmentation depuis septembre…

Le tout étant porté par les entreprises individuelles, en septembre trois créations d’entreprises sur quatre sont des entreprises individuelles. Le Grand Est n’échappe pas à la règle et la tendance apparaît être la même. «En septembre 2020, 5 375 entreprises ont été créées dans le Grand Est, soit + 38,6 % par rapport à septembre 2019. Ceci porte les créations sur les six derniers moins à 22 440, soit + 6,7 % par rapport au cumul de avril à septembre 2019», peut-on lire dans l’Observatoire de la création d’entreprise (OCE) de Bpifrance Création. L’entrepreneuriat semble donc bel et bien reprendre de la vigueur. «45 % des Français sont tentés par l’entrepreneuriat malgré la crise sanitaire», assurait en juin dernier une étude réalisée par Harris Interactive pour la Fondation Entreprendre. 76 % des personnes interrogées estiment que la création d’entreprises est un levier de réalisation personnelle. «Bon nombre des porteurs de projets que nous accueillons entendent donner un sens à leur vie personnelle et professionnelle. La crise actuelle pour eux n’est pas une impasse. D’une façon générale, elle engendre de la prise de conscience, de l’innovation et un changement d’habitude», constate le président d’une importante structure d’accompagnement de la région. «Les porteurs de projets sont plus aguerris, plus qualitatifs car ils ont mûri leur projet pendant la période de confinement.» Une donne que plusieurs professionnels du secteur corroborent.

Projets plus qualitatifs

«Cette crise de la Covid-19 semble avoir changé le regard des porteurs de projets. Cette nouvelle communauté d’entrepreneurs semble bien décidée à réinventer l’entrepreneuriat à travers des projets additionnant une transition économique, vers des activités porteuses de sens et citoyenne et une transition digitale aujourd’hui indispensable», assure une accompagnatrice de jeunes pousses. Des porteurs de projets plus qualitatifs ou encore des cadres aguerris souhaitant voler de leurs propres ailes ayant profité de cette période particulière pour réorienter leurs aspirations entrepreneuriales, cela c’est le côté face (disons positif) de l’évolution (révolution ?) que semble connaître aujourd’hui l’univers de l’entrepreneuriat. Côté pile, une autre variante de cet engouement renforcé pour l’entrepreneuriat est à prendre en considération, celle de ce que certains appellent déjà l’entrepreneuriat de contrainte. «Avec la crise, le marché de l’emploi va défaillir avec une demande qui augmente et une offre qui diminue. On peut s’attendre au développement d’un entrepreneuriat de contrainte à la différence de l’entrepreneuriat volontaire qui prévaut actuellement», assure un chercheur en entrepreneuriat de l’Université de Lorraine (voir notre article en pages suivantes). Une donne déjà présente avant la période actuelle, il n’y a qu’à voir le boom des années passées concernant les micro-entreprises (une typologie d’entrepreneurs en grande difficulté aujourd’hui). Ces changements d’approche sous-jacente des actuels porteurs de projets, de leur typologie, entraîne les acteurs de l’écosystème entrepreneurial, et en première ligne les accompagnateurs de projets, à adapter leurs offres de services. Cette adaptation se doit d’être rapide et optimale, certains dans la région ont déjà depuis longtemps franchi le pas, d’autres un peu moins. La révolution de l’entrepreneuriat ne fait que commencer.