Législatives: après les désistements, l'enjeu des reports de voix avant une coalition loin de faire consensus

A quatre jours du scrutin, la gauche et la majorité sortante se sont efforcées mercredi de convaincre leurs électeurs d'appliquer le "front républicain" dans les urnes dimanche alors que les nombreux désistements pourraient priver le RN de majorité absolue et conduire à...

Des affiches de campagne pour le 2e tour des législatives, le 2 juillet 2024 à Libourne, en Gironde © Philippe LOPEZ
Des affiches de campagne pour le 2e tour des législatives, le 2 juillet 2024 à Libourne, en Gironde © Philippe LOPEZ

A quatre jours du scrutin, la gauche et la majorité sortante se sont efforcées mercredi de convaincre leurs électeurs d'appliquer le "front républicain" dans les urnes dimanche alors que les nombreux désistements pourraient priver le RN de majorité absolue et conduire à la formation d'une coalition, encore loin de faire consensus.

Le parti d'extrême droite sera-t-il moins haut que prévu le 7 juillet? Un sondage Toluna Harris Interactive, le premier depuis le dépôt des candidatures, chiffre désormais le nombre de sièges pour le RN entre 190 et 220, loin des 289 requis pour obtenir une majorité absolue. Au soir du premier tour, ce même institut donnait jusqu’à 260 députés aux lepénistes.

Le Nouveau Front populaire obtiendrait désormais entre 159 et 183 sièges, le camp présidentiel entre 110 et 135.

En cause, l'ampleur des désistements -- 130 pour la gauche, plus de 80 pour les macronistes -- qui a fait chuter le nombre de triangulaires et pourrait contribuer à contenir une partie de la vague bleu marine.

L'élément-clé du second tour sera donc la proportion d'électeurs qui suivront les consignes de désistement.

"Cela ne fait pas plaisir évidemment à beaucoup de Français de devoir faire barrage au Rassemblement national en utilisant un autre bulletin qu'ils n'auraient pas voulu", a concédé le Premier ministre Gabriel Attal. Mais, "c'est notre responsabilité que de le faire".

Même son de cloche du côté d'Edouard Philippe. L'ex-chef du gouvernement votera pour "un candidat communiste (...) qui me paraît relever d'une exigence démocratique que je partage".

Marine Le Pen a raillé sur TF1 ces rapprochements qui aboutissent, selon elle, à la création d'"un parti unique". "Et qu'est-ce qu'il propose? Le bourbier", a-t-elle taclé. 

Une coalition encore lointaine

La leader d'extrême droite a évoqué un seuil de quelque 270 députés, complétée avec des soutiens "divers droite, divers gauche, LR", pour que son poulain Jordan Bardella accepte Matignon.

L'intéressé a répété mercredi soir qu'il n'irait que s'il avait une majorité absolue. En se donnant une marge de "trois ou quatre sièges". 

Dans l'hypothèse où le RN ne pourrait pas gouverner, les macronistes, une partie de la gauche sans LFI et certains LR pourraient essayer de former une "grande coalition", courante dans les pays européens mais étrangère aux traditions françaises.

Ce scénario est encore loin de faire l'unanimité, d'autant plus que l'absence du mouvement de Jean-Luc Mélenchon empêcherait d'avoir une majorité absolue. 

Emmanuel Macron a martelé en Conseil des ministres qu'il n'était "pas question" de "gouverner" avec LFI.

Une position partagée par... les Insoumis, qui n'entendent gouverner que pour appliquer leur programme.

Et, si Marine Tondelier n'a pas fermé la porte à ce scénario, elle exclut un nouveau "Premier ministre macroniste", la députée Sandrine Rousseau jugeant qu'une telle coalition reviendrait à "trahir" les électeurs.

La campagne éclair déclenchée par le séisme de la dissolution reste tendue.

La porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot a été victime, avec son équipe, d'"une agression lors d'une opération de collage d'affiches électorales" mercredi soir à Meudon dans les Hauts-de-Seine.

Une de ses collaboratrices et un militant ont été blessés, selon une source proche du dossier. Quatre personnes, dont trois mineurs, ont été interpellées, d'après le parquet de Nanterre qui a ouvert une enquête. 

Le RN refuse le débat

Gabriel Attal, Marine Tondelier et Jordan Bardella ont défendu tour à tour leur programme mercredi soir sur BFMTV, qui a dû acter "l'impossibilité de monter un débat", le Rassemblement national demandant en vain que le Nouveau Front populaire soit représenté par Jean-Luc Mélenchon.

"Je regrette que cela ne soit pas un débat", a déclaré le chef du gouvernement, estimant que le président du RN craint d'être "mis face aux contradictions de son programme et à des changements de pied permanents".

"C'est pas du muscle que (Jordan Bardella) a, c'est de la gonflette". Il "ne tiendrait pas 24 heures" à Matignon car "il a peur de débattre", a taclé Marine Tondelier.

Chaque jour apporte ses révélations sur les profils controversés de plusieurs candidats RN. 

Après la candidate à la casquette nazie désinvestie dans le Calvados, la justice a été saisie pour des propos jugés "racistes" du député sortant de l'Yonne, Daniel Grenon, selon qui les Maghrébins "n'ont pas leur place dans les hauts lieux".

Un autre a estimé que les déclarations de Jean-Marie Le Pen, cofondateur du Front national, sur les chambres à gaz "point de détail de l'histoire" de la Seconde Guerre mondiale, "n'étaient pas une remarque antisémite".

"Lorsqu'il y a des brebis galeuses -- il peut arriver qu'il y en ait d'ailleurs -- je n'ai pas la main qui tremble", a assuré en retour Jordan Bardella.

Dans la matinée, Emmanuel Macron a réuni le Conseil des ministres qui a procédé à "moins d'une dizaine de nominations", selon Prisca Thevenot. Loin donc du "coup d'État administratif" que préparait le camp présidentiel, d'après Marine Le Pen. 

Le président a aussi exhorté à ne "surtout pas" écouter "les sondages qui disent que le RN ne peut pas avoir la majorité absolue", en appelant à "rester mobilisés".

Les législatives continuent de susciter un grand intérêt à l'international.

Le chancelier allemand Olaf Scholz s'est "inquiété" de l'issue du scrutin, quand Moscou a semblé apporter un message de soutien au RN, la diplomatie russe mettant en avant le "succès indéniable de l'opposition" en France au premier tour, une réponse, notamment, au "dictat" de Washington et Bruxelles.

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