Legaltech : jusqu’où aller dans la régulation ?
La commission des lois du Sénat a organisé, le 1er juillet, le deuxième Forum parlementaire de la legaltech. Une initiative destinée à réunir les acteurs de cet écosystème et alimenter les réflexions des parlementaires.
Automatisation des actes juridiques, optimisation de la recherche juridique, dématérialisation de la relation client, enjeux économiques et éthiques de la restructuration du droit par la technologie… Tels sont les sujets qui ont été explorés et débattus au cours de cette journée dédiée à la legaltech et organisée au Sénat pour la deuxième année consécutive. Une rencontre destinée à instaurer «un dialogue plus approfondi entre tous les acteurs du droit», a expliqué en ouverture des débats le sénateur Philippe Bas (Manche, LR), membre de la commission des lois et à l’origine de cette initiative.
«Rien ne remplacera, jamais, les conseils d’un avocat»
«Je suis impressionné par l’apport des legaltech» pour les justiciables, mais «nous savons bien, cependant, que rien ne remplacera, jamais, les conseils d’un avocat pour évaluer les chances d’une cause et pour élaborer des propositions solides sur le plan juridique et tenant compte de l’expérience humaine», a-t-il déclaré. «La protection des justiciables impose donc une grande prudence, une grande vigilance, non seulement pour que les services en ligne assurent des prestations de qualité, mais aussi pour qu’ils n’empiètent pas sur la mission de l’avocat.» En ce qui concerne les start-up du droit spécialisées en matière judiciaire, «il n’est pas question de laisser cette fonction essentielle de l’État, qu’est la justice, se privatiser d’une manière ou d’une autre», a assuré le sénateur. «Nous avons fait de nombreuses propositions pour améliorer le fonctionnement de ce service public essentiel.» Mais «ce travail est loin d’être achevé», et «les legaltech font partie de la solution».
Une opportunité pour les professionnels du droit
Les legaltech peuvent, selon lui, présenter «une grande opportunité pour les professionnels du droit en leur permettant de se concentrer sur leur cœur de métier, là où réside leur valeur ajoutée» : appréhension et analyse des situations individuelles, conception de solutions juridiques adaptées… «Tout cela relève avant tout de l’humain et pas de simples machines, aussi performantes soient-elles», et c’est pourquoi «il est vain de spéculer sur le remplacement des avocats, des notaires, des greffiers des tribunaux de commerce et autres professionnels par des robots.» Les services proposés par les legaltech doivent être appréhendés «comme des outils au service de l’évolution des pratiques des professions et, in fine, de leurs clients.»
Juristes technophiles ou techno-sceptiques
Des questions qui, pour Chantal Arens, alors première présidente de la Cour d’appel de Paris, et qui vient d’être nommée à la tête de la Cour de cassation, «font apparaître l’existence de deux écoles : d’un côté, les juristes technophiles, qui envisagent la technologie comme une formidable opportunité, et de l’autre, les juristes que l’on pourrait appeler techno-sceptiques, qui craignent une déshumanisation de la justice, ainsi qu’une uniformisation statique du droit.» Autre sujet de réflexion «essentiel», selon elle : «la place de l’éthique de tous les acteurs intervenant dans le monde du droit.» Dès lors, faut-il encadrer la legaltech afin d’en limiter l’usage ou le mésusage ? «Il nous faut veiller, et c’est le rôle de la puissance publique, à encadrer le progrès technique et ses usages afin d’éviter les dérives.» Mais jusqu’où aller dans la régulation, dans les recommandations, voire dans les obligations qui pourraient être imposées à ces nouveaux acteurs du marché du droit ? «Je souhaite que notre forum éclaire davantage cette question», a conclu le sénateur Philippe Bas.