Le travail protégé en plein bouleversement
Dans le cadre du mois de l’ESS, l’Association pour la professionnalisation, la recherche, l'accompagnement et le développement en intervention sociale (APRADIS) Picardie a organisé un colloque régional autour de la question du travail protégé.
Le secteur du travail protégé, composé de 1 444 établissements et services d’aide par le travail (ESAT) et de 700 entreprises adaptées (EA), accueillait en France en 2010, 116 000 travailleurs en situation de handicap. La dégradation du contexte économique, le vieillissement et l’évolution des populations accueillies obligent aujourd’hui les représentants des établissements et les acteurs locaux à s’interroger sur l’avenir de ce domaine si particulier.
« Nous représentons un savoir-faire et des compétences dans nombre de domaines », a rappelé Jean-René Dumont, président de de l’Association des directeurs de structures de travail protégé et adapté (ADSTPA). Il a également souligné « la force économique » que représentent les 18 ESAT et 9 EA de la Somme (46 ESAT et 24 EA en Picardie), avant de s’attarder sur un environnement en pleine métamorphose : « Les marchés ne sont plus les mêmes qu’il y a 10 ans. La pression économique est de plus en plus forte, ce qui met les établissements en grande difficulté. »
Sélectionner les candidats
Des facteurs qui se traduisent sur le terrain par une sélection de plus en plus forte à l’entrée des ESAT et des EA. « Les établissements sont obligés de prospecter, de s’ouvrir à d’autres marchés, ce qui conduit à une concurrence accrue entre les ESAT », observe Alain Blanc, sociologue et maitre de conférence à l’Université de Grenoble. Il a travaillé sur l’évolution des métiers du travail protégé.
« Cette situation peut aussi conduire à une augmentation de la pression sur les encadrants mais aussi sur les salariés, avec des exigences de qualité et de performances », ajoute-t-il. De nouvelles requêtes qui peuvent aboutir à des risques psycho-sociaux et des conflits au sein des établissements, phénomènes que l’on retrouve dans des entreprises des plus classiques.
Besoin de moyens
Pour contrer cette tendance, les acteurs du secteur demandent à corps et à cris des moyens supplémentaires. « Nous ne sommes pas dans le travail commercial. Notre mission est d’accompagner les travailleurs handicapés, mais devant les difficultés financières que nous connaissons déjà, nous craignons les politiques publiques à venir », note Geneviève Roussel, présidente de l’APH de Flixecourt qui accueille 61 personnes en ESAT.
Si le dernier rapport gouvernemental préconise un plan d’aide à l’investissement de 10 millions d’euros, la réalité est plus sombre, puisque ce même plan d’aide a été amputé cette année d’1,5 million d’euros (2 millions en 2015 contre 3,5 millions en 2014). « Pour nous, la priorité reste l’orientation de la personne, qui doit être la plus pertinente possible. Nous avons conscience des difficultés de vos métiers et nous vous assurons qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur les politiques publiques », a pour sa part assuré Sylvie Merville, médecin expert à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Actuellement, les ESAT représentent 16% de l’emploi des personnes handicapées dans l’Hexagone.