«Le tourisme et le monde de la nuit sont des vecteurs de paix»
Roland Héguy est le président confédéral de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie, la plus importante organisation patronale du secteur des CHRD (cafés, hôtels, restaurants et discothèques). Engagé sur de nombreux fronts politiques, économiques et sociaux, il détaille l’action de l’UMIH. Il vient par ailleurs d’être nommé président de la confédération des acteurs du tourisme créée en juin.
Tout d’abord, la représentativité de l’UMIH en tant qu’organisation patronale vient d’être officiellement quantifiée…
L’UMIH avec ses syndicats associés représente aujourd’hui 77 % des entreprises syndiquées de notre secteur, dont 72 % de structures indépendantes. Notre organisation patronale siège au conseil d’administration de la CPME et de l’U2P -Union des entreprises de proximité, ndlr-. Nous sommes surtout très présents au comité exécutif du Medef. Grâce à cette représentativité, l’UMIH est le seul porte-parole de notre branche -cafés, hôtels, restaurants et établissements de nuit-, auprès des pouvoirs publics. Avec plus de 100 bureaux départementaux, cette force nous permet de mener des actions très efficaces, au niveau national et au plan local.
Au nombre de ses actions emblématiques, l’UMIH réalise actuellement un énorme travail sur le tourisme…
Lors de la récente campagne présidentielle, nous avons rencontré les candidats. J’ai été stupéfait de constater que la plupart ne connaissaient pas le tourisme. C’est pourtant une priorité pour la France. Ce secteur représente 7,5 % du PIB, compte plus de deux millions d’actifs, 350 000 entreprises et réalise un chiffre d’affaires annuel de 160 milliards d’euros. Pour les Législatives, après avoir mené une campagne nationale, nous sommes allés à la rencontre des candidats, grâce à nos fédé- rations départementales, pour leur transmettre notre message : «Quand le tourisme gagne… C’est la France qui gagne !» Nous allons à présent prendre rendez-vous avec le nouveau Gouvernement et les nouveaux députés pour qu’ils prennent conscience de l’importance de ce secteur. Nous souhaitons également inciter l’administration à changer d’état d’esprit. Elle doit impulser plus que pénaliser.
Les établissements de nuit font-ils partie intégrante de ce secteur du tourisme ?
Bien entendu. En 2014, j’ai été le premier à parler du monde de la nuit à Laurent Fabius. Dans le discours qu’il a prononcé après notre rencontre, il y a largement fait référence. Ce sont les Affaires étrangères qui portent le mieux le tourisme. Nous aimerions aujourd’hui que Jean-Yves Le Drian travaille dans cette continuité. Nous savons d’ailleurs qu’il s’est battu pour conserver le secteur au quai d’Orsay. N’ayons pas peur des mots ! Pour moi, le tourisme et le monde de la nuit sont des vecteurs de paix, à travers le brassage social, générationnel, culturel… Dans les établissements, dès l’heure de l’apéritif, les gens se rencontrent, échangent. C’est très fort. Le lien social, on le trouve là !
L’ubérisation du secteur et le développement de l’économie collaborative sont-ils également au cœur des préoccupations actuelles de l’UMIH ?
Nous ne sommes évidemment pas opposés aux plateformes soi-disant collaboratives. En revanche, nous avons un métier, nous créons de la richesse et de l’emploi, nous investissons, nous formons… Nous demandons donc, simplement, une parfaite équité et davantage de transparence pour le consommateur. La loi Lemaire va permettre aux municipalités de mettre en place des dispositions pour contrôler les locations meublées à la nuitée. Le législateur a également contraint désormais les plateformes à transmettre les données concernant leurs utilisateurs à compter du 1er janvier 2019, et notamment le chiffre d’affaires réalisé par chacun de leurs membres. Ces mesures, c’est l’UMIH qui les a portées. Et nous continuons de mettre la pression auprès des maires. À ce sujet, l’UMIH a monté une opération pour inciter les collectivités à s’engager avec l’élaboration d’un guide pratique. Dans toute la France, nos membres vont exiger une délibération des municipalités pour savoir qui loue, combien de temps et pour connaître le chiffre d’affaires… Il faut savoir qu’il y a 60 000 appartements «Airbnb» à Paris. En France 720 000 meublés sont à la disposition de l’ensemble des plateformes. Il y a cinq ans, il n’y en avait pas 20 000. Ce marché échappait à toute fiscalité, à tout contrôle.
La transition digitale et le numérique sont-ils aussi des dossiers brûlants ?
Dans notre secteur, le numérique est une révolution. Les transformations sont extrêmement rapides en termes de gestion, de communication, de fidélisation… Avec les réseaux sociaux, les informations vont à une vitesse incroyable. Mais le numérique ne doit pas être subi par le chef d’entreprise. Il doit être au service de l’entreprise. Le numérique remet en question la formation dispensée dans nos écoles. Dans l’hôtellerie, nous recrutons actuellement des Bac +3, des Bac +4 qui apportent dans nos entreprises un nouveau regard sur le digital qui est à présent essentiel.
Quels sont actuellement vos autres combats ?
Nous avons pris à bras-le-corps le problème de la désertification rurale. En province, beaucoup de cafés disparaissent. De nombreux maires de communes de 3 000 à 5 000 habitants sont aujourd’hui désemparés. Pour les aider à restaurer le lien social, nous sommes en train de mettre en œuvre «Faitout» : un commerce multiservices de proximité associant débit de boissons, restaurant, dépôt de pain, vente de tabac… qui pourrait être décliné dans de nombreux territoires. Dans notre cahier des charges, il faut que le bâtiment qui va accueillir le commerce soit aux normes et bien placé, avec un loyer modeste. D’ici la fin de l’été, nous aurons finalisé l’opération. Nous pouvons également compter sur des partenaires comme La Poste, les buralistes… Jean-Pierre Rafarin soutient, lui aussi, ce projet.