Le temps des colères
Appel à manifestation de la part des huit principaux syndicats de salariés le 19 janvier. Grève annoncée dans les raffineries le même jour, puis le 26 janvier et le 6 février. Blocage du pays en vue ? Cela y ressemble fortement.
La
réforme des retraites présentée la semaine dernière par Élisabeth Borne, la Première
ministre, ne passe pas. Après la guerre en Ukraine, la crise énergétique,
l’inflation galopante, cette réforme s’affiche comme le déclencheur d’un
mouvement de gronde fort auquel s’ajoute des tensions venues d’un peu partout
et c’est sans doute cela le plus inquiétant. Une grande partie de l’écosystème
entrepreneurial en fait partie. Le 23 janvier, la fédération des boulangers
appelle à manifester à Paris contre l’explosion des coûts de l’électricité jugés
encore trop importants malgré les timides avancées enregistrées. Les artisans et
le monde de l’entreprise en général sont loin d’être adeptes des manifestations
mais force est de constater que plusieurs corporations se mobilisent et
entendent faire comprendre leurs craintes. Il y a une dizaine d’années, le
mouvement des Bonnets Rouges en Bretagne était majoritairement composé de chefs
d’entreprise de TPE et PME s’opposant notamment à l’écotaxe dans la région et
aux plans sociaux dans l’agroalimentaire. Dans son ensemble la réforme des
retraites est bien accueillie par les différentes organisations patronales, «une
réforme indispensable pour sauvegarder notre système de retraite», assure
le Medef. «Travailler plus longtemps était une nécessité pour sécuriser et
équilibrer les finances du régime dans la durée», annonce de son côté la
CPME. L’âge de départ à la retraite à 64 ans (contre 62 ans aujourd’hui) et
l’accélération de l’allongement de durée de cotisations de 43 années de
cotisations à 2027 et non 2035 semblent être l’arbre qui cache la forêt. Les
différentes craintes, inquiétudes, l’irruption de sujets à première vue très
sectoriels qui s’accumulent, fusionnent entre eux, révèlent d’une véritable
colère plus que sous-jacente. Dans un contexte conjoncturel où les entreprises,
les TPE et PME, le cœur de l’économie locale et non pas les grands groupes,
bataillent pour faire perdurer leur activité et par extension les emplois des
territoires. Le climat actuel, au plus haut de l’État, dont certains parlent
tout simplement d’une possible explosion sociale dans les semaines à venir, ne
laisse présager rien de bon. Après les promesses des vœux, le temps des colères
semble être arrivé.