Le sud de l'Oise de plus en plus impacté par l'Île-de-France
Organisée au Sarcus à Nogent-sur-Oise, la 14e rencontre de l'instance de concertation Piver Hauts-de-France, portant sur le sud de l'Oise, a pointé l'impact de la pression de l’Île-de-France sur l’aménagement du territoire, frontalier à une région qui représente, selon Eurostat, 4,5% du PIB total de l'Union européenne. Démographie, logement, prix de l'immobilier, trafic routier... désormais l'Île-de-France migre vers le sud de l'Oise et ce territoire doit s'adapter.
Être frontalier à l'Île-de-France est une opportunité qui doit être assumée. Une proximité qui profite à toute une région puisque les Hauts-de-France sont,
selon l'Insee, la première région logistique française. Au
carrefour de l’Île-de-France et de l’Europe du Nord, sa position
favorise l’implantation d’établissements spécialisés dans les
activités d’entreposage dans la région, la hissant à la place de
base arrière logistique de grands groupes étrangers (Amazon,
Lidl...), mais des sociétés à l’ancrage régional fort (Auchan,
Décathlon...) ont également implanté leurs entrepôts dans la
région. La proximité à l’Île-de-France et la densité des axes de
communication encouragent notamment le développement de la logistique dans le
sud de l'Oise, un secteur porteur d’emplois : 12% des emplois
salariés du territoire se retrouvent dans le secteur de la
logistique (transport de fret, activités de manutention), un chiffre
porté par une forte concentration de salariés sur les plates-formes
d'Amazon et de la Sanef (1 200 salariés).
Plus
spécifiquement, le sud de l'Oise - représentant 41,5% de la
population de l'Oise (344 100 habitants) - est connecté à
l'Île-de-France : son marché du travail y est intégré avec
un actif sur deux qui travaille dans cette région. Cette proximité
contribue également à l'évolution de sa démographie. Les membres
de Piver Hauts-de-France - consortium
de l'Insee, Préfecture et Région des Hauts-de-France - constatent
qu'en
60 ans, la population du sud de l’Oise a très fortement évolué (+ 88%
contre +17% en Hauts-de-France), attirant davantage les familles et
les personnes âgées. Le territoire a d'ailleurs connu un essor de
population parmi les plus forts en France jusque dans les années
1990.
S'il existe un fort brassage de la population, les échanges de
la population avec l'Île-de-France sont très déséquilibrés et en
faveur du sud de l'Oise : au contact de l'Île-de-France, la
population du sud de l'Oise se renouvelle davantage qu'en moyenne.
Mais le revers de la médaille est lourd à porter pour les
collectivités : pollution, engorgement des axes routiers avec
le présence de nombreux camions ou encore l’artificialisation des
sols.
Tiraillement du logement
Le paysage économique et la démographie du sud de l'Oise sont impactés positivement par la
proximité avec l'Île-de-France, la pression urbaine venue de cette
région frontalière crée cependant des tensions dans le secteur du logement,
dessinant des problématiques différentes, voire antinomiques. Selon la DREAL Hauts-de-France, la proximité avec l’Île-de-France engendre des
prix médians des maisons anciennes plus élevés dans le sud de
l’Oise pouvant dépasser les 280 000 €. Le même phénomène
induit également des prix de terrains à bâtir qui peuvent
atteindre localement dans le sud du département 200 € le m² soit
plus de deux fois supérieur à la moyenne régionale. A contrario, le
département de l'Oise connaît la plus forte hausse de toute la région, en cinq ans, de
demandes de logement social, avec une forte
concentration dans certaines agglomérations, comme à Creil.
Autre
problématique : le taux de vacance des logements. Ce chiffre
tend à augmenter sur tous les territoires en particulier depuis 2013
: dans l'Oise en 2019, il est de 7,1% et peut monter à 10% sur
certains territoires (agglomération de Creil). Un taux également lié au
modèle économique des Airbnb. Sur ce sujet, de nombreux élus se
sentent démunis notamment d'un point de vue législatif... une opportunité qui semble s'être transformée en fléau.
Par
ailleurs, la DREAL Hauts-de-France constate une réduction des flux d’artificialisation
surtout pour l’habitat, soit environ 60 hectares/an en moins, par
rapport à la première période ainsi qu'un rythme de logements
commencés également en baisse, -20% entre 2015 et 2020
L'artificialisation des sols : vers un nouveau modèle
À l'heure de
la loi "Climat et résilience" du 22 août 2021 imposant un
objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon de 2050, l'équilibre de cette artificialisation est de mise. Dans le sud de l'Oise, une certaine stabilité des surfaces dédiées
à l’activité (autour de 140 hectares par an, soit environ 10 ha en
moins) est constatée, mais des flux d’artificialisation importants pour l’activité
dans les EPCI lisières de l’Île-de-France ainsi que dans les
agglomérations se créent.
Le développement économique va de pair avec la construction. Des zones d'activités, des extension de bâtiments et des centres logistiques fleurissent... depuis 2010, de nombreuses zones
d'activité ont vu le jour sur le territoire : le Parc des Vallées d’Amblainville
à la sortie de Méru Nord et à moins d'une heure de Paris, la zone
d’activité de 30 ha à Mesnil-en-Thelle – Quatre rainettes, la
ZAC Ferrier à Nanteuil-le-Haudouin (cinq entreprises) ou encore
l'extension de la zone commerciale de Saint-Maximin et la
construction d'un entrepôt Amazon à Senlis. Des artificialisations
à fort impacts : finalement, l'agence d'urbanisme
Oise-les-Vallées constate qu'entre 2010 et 2021, 35 ha ont été
artificialisés pour l'activité dans les Hauts-de-France, créant 10
000 emplois, et 48 ha créant 10 000 emplois dans les franges
franciliennes.
Des impacts positifs, pourtant là aussi contrastés : des terres agricoles, forestières et des milieux naturels perdus avec des impacts sur l’environnement (un quart du sud de l'Oise est naturel), intensification des flux générés par ces zones et qui viennent s’ajouter aux nombreux flux domicile-travail entre franges et Île-de-France, les zones à vocation économique définies dans les SCOT (et PLU), souvent circonscrits aux EPCI, de petite taille, dans l’Oise (« micro-SCOT ») et soumis à la pression des porteurs de projets, un modèle de développement économique basé sur des grandes emprises foncières et lié à la mono-activité : commercial et / logistique, pas ou peu de sites de production, de transformation, etc. « Il y a un besoin de remettre en question cette logique d’artificialisation et ce modèle de développement », prévient l'agence d'urbanisme Oise-les-Vallées, conseillant de « faire des choix cohérents et complémentaires pour valoriser le territoire » et « optimiser les espaces ».
Une
« charte départementale Poids Lourds » en cours
d'élaboration
L'Oise est à la croisée de flux routiers intenses de marchandises mais est aussi un territoire de méthanisation, de carrières (extraction/comblement), de transit des convois d’éolienne. Cette activité engendre des flux importants de poids lourds. Pour trouver une solution à ce trafic, le Département de l'Oise réfléchit à l’élaboration partenariale d’une « charte départementale Poids Lourds », une démarche unique et originale. Objectifs ? Répondre à de nombreuses problématiques constatées : des voiries et des environnements contraints, des choix d’itinéraires non adaptés, des stationnements gênants et sauvages des poids lourds, une desserte « marchandises » peu organisée et régulée et non maîtrisée. Cette charte est co-construite avec les planificateurs, les aménageurs, les gestionnaires routiers, les donneurs d’ordre publics et privés, les logisticiens (affréteurs, chargeurs, transporteurs…), les opérateurs de système d’aide à la conduite (GPS), les autorités de police et le Législateur. Sa mise en œuvre est prévue en 2024.