Prêts garantis par l’État
Le secteur du tourisme demande un report du remboursement
Les entreprises du secteur du tourisme ne sont pas en mesure de rembourser le PGE comme prévu : la reprise est fragile, les entreprises aussi, et les investissements nécessaires très importants, expliquent les professionnels. Ils demandent à Bercy un report des échéances.
Ils étaient dix, qui représentent 8% du PIB en France, pour donner l'alerte. Le 17 février, à Paris, les professionnels du tourisme ont organisé une conférence de presse destinée à faire savoir qu'ils demandent au gouvernement de «revoir sa copie» en matière de PGE (Prêts garantis par l’État), a expliqué Roland Héguy, président de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie).
Concrètement, le secteur demande le report du début de remboursement des PGE au printemps 2023, au lieu de 2022, ainsi qu'un étalement sur dix ans et non six. D'après ces professionnels, les modalités actuellement prévues ne sont pas soutenables par le secteur qui a été fortement impacté par la pandémie. Tout d'abord, expliquent-ils, le retour de la croissance n'est pas vraiment au rendez-vous, ou en tout cas, pas à un niveau suffisant.
Aujourd'hui encore, «le tourisme est très inégalement affecté (…). En effet, les deux tiers des activités procèdent des vacances et des cours séjours, et un tiers, des affaires et de l'événementiel. Or, ces activités ci n'ont pas vraiment redémarré», explique Jean-Luc Michaud président de l'Institut français du Tourisme. «Nous avons beaucoup souffert et nous souffrons encore», confirme Pierre-Louis Roucaries, président d' Unimev (Union française des métiers de l'Événement). Pour lui, la véritable reprise ne devrait commencer qu'à partir du mois de mars.
Autre cas, plus inquiétant encore, celui du secteur du transport des voyageurs, avec les autocars. «Pour l'instant, il n'y a pas de reprise», annonce Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs) : ses clientèles traditionnelles, du secteur scolaire et des personnes âgées, en particulier, font défaut.
Et globalement, cette reprise molle intervient dans un secteur qui a particulièrement souffert de la crise, avec mise à l'arrêt de son activité, et «stop and go», au gré des vagues épidémiques et des évolutions des restrictions sanitaires, particulièrement délétères. Même dans une branche relativement préservée, celle de l’hôtellerie de plein air, certains établissements, qui travaillent avec une clientèle anglo-saxonne, notamment, ont perdu jusqu'à 70% de leur chiffre d'affaires.
Rembourser ou investir
Dans ce contexte, après avoir constitué un soutien précieux, le PGE est en train de devenir un fardeau insoutenable pour les entreprises, argumentent les professionnels. A l'extrême, «dans notre fédération, 42% des chefs d'entreprise estiment ne pas être en mesure de faire face aux échéances à venir», explique Jean-Sébastien Barrault. L'impact de l'échéance qui s'approche se fait aussi sentir sur la trésorerie des entreprises : «au quotidien, les relations avec les banques sont affectées par la possibilité de rembourser ou pas, tout de suite le PGE. Par exemple, certains établissements n'obtiennent plus les facilités de crédit qu'ils obtenaient avant», témoigne Patrick Labrune, président du Syndicat national des résidences de tourisme et appart hôtels (SNRT).
Mais, surtout, le secteur du tourisme insiste sur le fait que le remboursement du prêt les empêcheraient de réaliser des investissements indispensables. Dans l'événementiel, par exemple «la crise du covid a accéléré les transformations digitales et celles liées au développement durable. Ces enjeux ne constituent pas une découverte, mais les deux années passée ont représenté l'équivalent de six années de transformation», explique Pierre-Louis Roucaries. Chaque secteur fait face à ses propres défis : pour les campings, il s'agit notamment de moderniser les petits campings que les Français ont découverts lors de la pandémie, dans les «départements verts», afin de pérenniser cette pratique.
Autre exemple encore, celui du tourisme fluvial, dont la plupart des entreprises avaient des projets de «verdissement» de la flotte, restés à quai en raison de la pandémie. «Aujourd'hui, il y a une difficulté à engager ces énormes investissements . Or, pour les Jeux Olympiques de 2024, la dimension fluviale est essentielle. La parade initiale, qui sera regardée par un milliard de téléspectateurs, doit compter 165 bateaux», prévient Frédéric Avierinos, vice-président d'Entreprise fluviales de France (E2F). Jeux Olympiques, Coupe du monde de rugby en 2023...
Pour les professionnels du tourisme, ces événements constituent un enjeu fort et exigent des investissements à la hauteur. En plus de l'apport d'affaires immédiat, ils sont, pour le meilleur ou pour le pire, un moment de visibilité internationale, dans un contexte où la concurrence entre destinations touristiques est rude.