Le salon appelle à la révolution dans le bâtiment

14 000 visiteurs ont fréquenté l’édition 2014.
14 000 visiteurs ont fréquenté l’édition 2014.
D.R.

14 000 visiteurs ont fréquenté l’édition 2014.

L’innovation est partout dans le monde du BTP, de la table à dessin à la prise électrique, en passant par les ossatures bois. Une révolution qui concerne tous les corps d’état. 

Verra-t-on demain des immeubles de plusieurs étages construits entièrement en bois à côté d’un parc ancien entièrement isolé ? Le tout géré par un logiciel sur une base commune à tous les intervenants. Pourquoi demain ? Aujourd’hui en fait, car cette révolution est commencée et sera visible dans tous ses états au salon Nordbat, le rendez-vous lillois de tous les professionnels du BTP, des maîtres d’ouvrage et des maîtres d’œuvre, qui se tiendra pendant trois jours à Lille Grand-Palais. L’édition 2016, la dixième de cette biennale du BTP, promet d’être mémorable car la manifestation occupera toute le grand hall du Grand-Palais ; 380 exposants, sur 19 000 m², attendent les 14 000 visiteurs recensés lors de l’édition de 2014. Ce chiffre devrait être dépassé tant le thème et les sujets proposés ont de quoi attirer toutes les professions de la construction. L’intitulé du salon, “le bâtiment fait sa révolution, n’attendez plus”, est attractif et ambitieux. Il ne s’agit pas moins que de montrer toutes les nouveautés les plus pointues qui transforment actuellement tous les métiers car tous sont concernés, depuis l’architecte-concepteur à celui qui posera la couche de finition, et de l’utilisateur jusqu’au démolisseur.
Le BIM. En effet, la grande innovation de ces dernières années, le BIM, met dans le même navire informatique tous les intervenants d’un
chantier ainsi que ceux qui utiliseront l’édifice fini. Cet acronyme, issu de l’anglais, building information modeling, est une modélisation de toutes les données qui concernent un immeuble. Il permet de les coordonner, mais ensuite surtout de les utiliser. Qu’une fuite survienne durant la vie du bâtiment et il suffira de consulter le BIM pour savoir exactement où circulent les tuyauteries et quels fluides elles transportent. Quand on connaît la complexité des “tripailles” des édifices contemporains, on imagine le soulagement pour tous ceux qui sont chargés de la maintenance. Plus besoin de sortir les plans pour savoir où sont les vannes de coupure. Mais cela suppose un énorme travail en amont. Le BIM commence avec la conception du bâtiment. “Moyen collaboratif pour être ensemble”, résume Jacques Augrain, de la Fédération Nord des SCOP BTP. Le BIM commence par une maquette en 3D et se poursuit dans un langage commun à tous les utilisateurs. Langage commun, cela est important car trop souvent on ne se parle pas sur les chantiers ou on ne parle pas la même langue technique. Alors que dire de ces chantiers où interviennent ouvriers ou entreprises étrangères ? Plus de rétentions d’information ou d’excuses pour dire “je ne savais pas”… Dans le BIM, chacun a accès à toutes les données. Jacques Augrain résume : “Si l’un fait quelque chose, l’autre sait ce qu’il peut faire.” Tous les corps d’état apportent leur pièce à ce puzzle informatique. “Une vraie révolution car tout le monde doit maîtriser le langage commun.” Un nouveau métier va donc naître, celui de manager de BIM. Ce chef d’orchestre est indispensable pour qu’un maximum de détails soient préparés au moment de la conception, ce travail en amont permettant un gain de temps ultérieur. Les promoteurs du BIM en attendent également une professionnalisation des Compagnons. Cela ne se fera pas d’un seul coup. Il faut investir et former car le BIM nécessite un matériel lourd. Si les grosses agences pourront l’intégrer à leurs bureaux d’études, il faudra, pour les autres, mettre en commun l’outil, le mutualiser. Tout n’est pas encore résolu et les professionnels réfléchissent à des plates-formes mutualisées pour que tous les artisans et les corps d’état secondaires aient accès à l’outil quelle que soit leur taille.

Un environnement. Le BIM n’arrive pas seul. Il s’inscrit dans un univers en mouvement. Nordbat avec ses conférences et ses expos en sera le reflet. Qui, par exemple, pouvait imaginer, il y a seulement dix ans, que l’on pourrait construire des immeubles de plusieurs étages en ossature bois ? La France, dans ce domaine, avait un retard considérable. Une évolution de la réglementation va permettre de le rattraper. Faire passer le bois de son rôle de décor ou d’élément subalterne à celui de structure porteuse ouvre des débouchés à la filière. Le bois ne restera plus cantonné à des expériences dans des maisons individuelles souvent le fait de convaincus ou de passionnés, mais va entrer dans la cour des grands chantiers. Cela n’empêchera pas les visiteurs de découvrir un robot qui fabrique des poutres tressées en béton, des poutres en treillis tricotées en béton liquide, dans le cadre d’une expo sur les innovations. La révolution est en marche à Nordbat avec également, en ligne de mire, la révolution énergétique. Là aussi notre région a du retard mais de la volonté, avec un programme expérimental à masse significative. Pour atteindre le but ultime de 100 000 logements, la marche sera forcée avec 20 000 logements par an via l’ORREL, Office régional de réhabilitation énergétique du logement, une SEM détenue à 85% par le public et par six organismes privés dont l’ordre des architectes, la Fédération des Scoop, la Capeb ou la Chambre de métiers. Le salon Norbat 2016 a donc été placé sous ce signe de la révolution avec des expositions et des conférences, mais aussi des concours et des prix : celui de la construction bois ou celui de l’innovation. Celle-ci n’est pas obligatoirement spectaculaire. Elle peut concerner aussi bien une cuvette de toilette qu’un procédé technologique. Plus d’une vingtaine d’innovations seront soumises à un jury. Parmi les nouveautés, notons une exposition de matériaux intitulée “Design It, personnalisation & technologies numériques” pour mettre en lumière des solutions de personnalisation. Seconde nouveauté, l’exposition des pièces d’impression 3D autour du projet “Matrice” piloté par l’Ecole nationale supérieure d’architecture et du paysage de Lille, qui a invité l’exposition “Synthétic”. Dernière nouveauté enfin, due à la Maison de l’architecture et de la ville, le prix des Beffrois de la création qui récompense des créations architecturales contemporaines. Ce prix est organisé conjointement avec les CAUE, le Conseil régional de l’ordre des architectes, l’association régionale de la Fédération française du paysage, l’Association des urbanistes et l’université de Louvain. Concluons par une opération qui satisfera les professionnels du BTP : la signature d’une charte pour détecter et éliminer les offres anormalement basses en marchés publics. Cette charte sera signée par l’Office du BTP, la FFB Nord-Pas-de-Calais et les principaux bailleurs régionaux.

Jean-Yves MÉREAU