Le prototype ARPEGE est en construction au chantier Socarenam
Sélectionné par l’Etat au titre du premier Appel à manifestation d’intérêt (AMI) des navires du futur, le projet ARPEGE ("Approche réaliste pour une pêche générique") a pour ambition de dessiner le premier chalutier du futur. Le navire démonstrateur à l'échelle 1 est actuellement en cours de construction au chantier naval Socarenam de Boulogne-sur-Mer.
La pêche française est confrontée à des défis majeurs, notamment le coût croissant de l’énergie, l’accidentologie importante, les quotas de pêche, l’obligation de minimiser l’impact sur le milieu halieutique, alors que les architectures et les technologies des navires actuels ont plus de 30 ans et montrent leurs limites. C’est dans ce contexte que le projet ARPEGE a pour but de concevoir, de construire et de valider en conditions réelles d’exploitation un nouveau concept de chalutier. Il s’agit d’un navire de 25 mètres de long, 8,5 mètres de large, avec une jauge universelle de 210 UMS.
«Nous sommes partis d’une feuille blanche», explique le président du chantier boulonnais, Philippe Gobert. «Avec un retour aux fondamentaux, ajoute Pascal Lemesle, président du bureau d’études Mauric à Nantes, sans recours à des solutions exotiques.» Ce chalutier sera plus sûr (coque acier), plus économe dans son fonctionnement (treuils et enrouleurs électriques), plus polyvalent (senne danoise, chalut de fond et pélagique), et donc plus rentable. Le concept «sea proven» de chalutier diesel électrique lui permettra à terme d’accéder à certaines énergies décarbonnées comme l’hydrogène. Il sera aussi plus stable et plus sûr, équipé notamment d’un sonar pour détecter les croches, et plus confortable puisque la zone de vie (avec un air sec) sera clairement séparée de la zone de travail. Il sera le premier chalutier à disposer d’un volume de 10 m3, à côté d’une cale d’une contenance de 980 caisses, pour éviter les rejets en mer.
Vers un navire de série. ARPEGE permet, par ailleurs, une meilleure collaboration entre le constructeur, l’architecte naval, les équipementiers (ENAG et Marinelec à Quimper), les pôles de compétitivité (Mer Bretagne Atlantique et Aquimer) et le pêcheur exploitant (le patron étaplois Alexis Hagneré), afin de proposer des solutions intégrées, innovantes, abouties et fiables dans un secteur qui a peu évolué en un demi-siècle. Il devrait constituer un nouveau standard de chalutier pour les deux prochaines décennies avec un potentiel d’environ 400 unités pour la flotte française, tout en ouvrant des perspectives à l’export, notamment en Espagne et en Irlande mais aussi aux pays africains. Le coût unitaire sera abaissé à 3,5 millions d’euros. Restera à permettre aux armements français de financer le renouvellement de leurs unités : «nous travaillons à un accompagnement eurocompatible», a assuré le secrétaire d’Etat aux Transports, à la Mer et à la Pêche, Frédéric Cuvillier, lors de la découpe de la première tôle.
L’Etat (avec le Programme d’investissements d’avenir) participe pour 35% au financement de ce navire expérimental retenu par l’ADEME, soit autant que l’armateur qui apporte son PME, le solde des 8,2 millions du prototype étant apporté par les collectivités (Région, Département, communauté d’agglomération du Boulonnais). Sa livraison au premier trimestre 2015 sera suivie de six mois d’expérimentation en mer par Alexis Hagneré et son équipage.