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Le projet XXL Seine-Escaut suit son cours

Le projet Seine-Escaut vise à créer un vaste réseau de liaisons fluviales à grand gabarit pour le transport de marchandises. Un vaste chantier qui avance selon le calendrier prévu.

Interconnecter 1 100 kilomètres de voies navigables pour le fret à grand gabarit afin de relier six régions européennes. (c)Adobe Stock)
Interconnecter 1 100 kilomètres de voies navigables pour le fret à grand gabarit afin de relier six régions européennes. (c)Adobe Stock)

Interconnecter 1 100 kilomètres de voies navigables pour le fret à grand gabarit afin de relier six régions européennes entre elles : la Normandie, l’Île-de-France, le Grand-Est, les Hauts-de-France, la Flandre et la Wallonie. C’est l’objectif du projet Seine-Escaut, qui doit contribuer à un autre objectif, cette fois européen : le report de 30% du fret moyenne et longue distance vers la voie d’eau et le rail à l’horizon 2030. L’Union européenne soutient financièrement ce projet de report modal pour le transport de marchandises entre la France, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne.

« Le projet est dans son calendrier, à la fois sur la section centrale, le canal Seine-Nord Europe en tant que tel, mais également sur tout le linéaire Seine-Escaut », avec « un parfait alignement du calendrier des deux volets du projet », a déclaré Didier Leandri, président délégué général d’Entreprises fluviales de France et vice-président et secrétaire général de l’Alliance Seine-Escaut, lors d’une conférence des parties prenantes, organisée mi mai à Paris.

Le canal Seine-Nord Europe, maillon central du projet

Le projet Seine-Escaut repose sur la création d’un nouveau canal à grand gabarit Seine-Nord Europe. Ce canal de 107 kilomètres entre Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord) constitue le chaînon manquant et l’axe central de la liaison fluviale. Le chantier comprend six écluses, 61 ponts routiers et ferroviaires et trois ponts-canaux, ainsi que quatre ports intérieurs situés à Noyon, Nesle, Péronne et Marquion-Cambrai. La construction et l’exploitation de ces ports intérieurs, dont certains seront reliés au réseau ferroviaire, ont été confiées au Syndicat mixte des ports intérieurs du Canal Seine-Nord Europe.

Le projet Canal Seine-Nord Europe a été divisé en quatre secteurs pour les travaux. L’arrêté valant autorisation environnementale pour le secteur 1 (de Compiègne à Passel) a été signé en 2021 et les travaux sont actuellement en cours. La mise en service est prévue en 2027. Pour les secteurs 2 (de Passel à Allaines), 3 (Allaines/Étricourt-Manancourt) et 4 (Étricourt-Manancourt/Aubencheul-au-Bac), le dossier d’autorisation environnementale a récemment été validé et l’arrêté d’autorisation environnementale est attendu pour l’été prochain. La mise en service est prévue à l’horizon 2028. La Société du canal Seine-Nord-Europe a d’ores et déjà engagé pour 500 millions d’euros de marchés de travaux et d’études, plusieurs appels d’offres sont en cours et plus de 500 personnes travaillent déjà sur le projet.

De nombreux chantiers en cours ou achevés

En parallèle à la création de ce nouveau canal, le projet Seine-Escaut nécessite un très grand nombre d’opérations d’aménagement des canaux et des infrastructures existants, en France et en Belgique, afin de pouvoir accueillir, sur de plus de 400 kilomètres de voies navigables, des bateaux grand gabarit (jusque 185 mètres de long et 11,40 mètres de large) pouvant transporter jusqu’à 4 400 tonnes de marchandises. Mise au gabarit des canaux, rénovation et modernisation des écluses… De nombreux chantiers sont en cours ou déjà achevés après « quatre ans de travaux sans interruption » réalisés avec « une enveloppe globale de 90 millions d’euros », a précisé Gilles Ryckebush, directeur territorial Nord-Pas-de-Calais de Voies navigables de France et gérant du GEIE Seine-Escaut.

Enquêtes publiques environnementales

L’ensemble de ce vaste chantier nécessite d’obtenir un grand nombre d’autorisations administratives, et notamment environnementales. « Les enquêtes publiques environnementales, c’est une des étapes les plus délicates, on mesure alors toute l’exigence de la réglementation actuelle », a poursuivi Gilles Ryckebush. « On doit parfois négocier avec les territoires des compromis techniques lourds de conséquences en termes de délais et de mesures compensatoires et d’accompagnement », lesquels peuvent se traduire par « des évolutions de coûts significatives ».

La deuxième phase du Canal Seine-Nord Europe est ainsi à l’origine de « la plus grande opération d’archéologie actuellement en cours en France », a relevé Jérôme Dezobry, président du directoire de la Société du canal Seine-Nord Europe. Les fouilles ont porté sur « 800 hectares l’année dernière et 800 hectares peuvent être faits cette année ». L’enquête environnementale pour cette deuxième phase du projet constitue « un dossier énorme de 15 500 pages », nourri de très nombreuses contributions et échanges, y compris avec les opposants au projet. « Nous les avons rencontrés », du moins ceux qui le voulaient, car « certains ne veulent pas et veulent rester anonymes ».

Les Hauts-de-France crée un compte foncier régional

Les contraintes liées au plan Zéro artificialisation nette des sols (ZAN) doivent également être prises en compte dans les projets d’aménagement bord à canal. Dans les Hauts-de-France, le président du Conseil régional, Xavier Bertrand, a décidé de créer « ce que l’on appelle un compte foncier régional, à hauteur de 1 500 hectares, pour les projets stratégiques pour la région en termes de décarbonation et de transition énergétique sur le plan industriel », a expliqué Christophe Coulon, vice-président de la Région Hauts-de-France, en charge des mobilités, des infrastructures de transport et des ports. Suivant la même logique que le compte foncier national pour les grands projets d’intérêt national, les surfaces consommées par certains projets menés dans les Hauts-de-France seront comptabilisées dans ce compte foncier régional pour que cela n’impacte pas les comptes fonciers locaux. Or, « le bord à canal remplit clairement les conditions pour bénéficier de ce compte foncier régional », a-t-il assuré. Avant d’ajouter que, de façon plus générale, le Conseil régional « restera très fortement impliqué dans l’aménagement et dans l’accueil de nouvelles activités » liées au projet Seine-Escaut.

Nouvelle batellerie et nouveaux services

Parmi les enjeux que les acteurs locaux doivent relever figure l’accompagnement de la batellerie. « De part le gabarit limité actuel, nous avons une flotte qui est très artisanale, et le projet Seine-Escaut nous pousse à réfléchir au changement de la flotte pour passer au grand gabarit », a expliqué Ferenc Szilagyi, directeur général des Ports de Lille et président de l’Association française des ports intérieurs. « Passer de 1 500 à 4 000 tonnes implique un véritable changement pour ce petit monde artisanal qui va devoir évoluer vers de véritables chefs d’entreprise, et je pense qu’un accompagnement est nécessaire pour passer à une flotte qui puisse servir nos industries. » Et il faut aussi « réfléchir à un ensemble de services offerts par cette nouvelle batellerie, et ça, c’est le rôle des ports intérieurs ».

En ce qui concerne la transformation des quais des 13 sites situés le long des canaux à grand gabarit et gérés par Ports de Lille, « tous ne peuvent pas accueillir des bateaux de 135 mètres, mais ils n’en n’ont pas forcément besoin », mais « là où nous avons identifié les zones de grands échanges internationaux, l’ensemble de nos quais sont désormais adaptés à l’accueil de bateaux de grand gabarit ou le seront bientôt ».

Inciter à recourir au fluvial

Reste à promouvoir la demande pour cette nouvelle offre de transport fluvial grand gabarit auprès des chargeurs (transporteurs) et des entreprises. Les grands groupes sont déjà sensibilisés à la décarbonation de toutes leurs activités, y compris le transport depuis leurs fournisseurs et vers leurs clients. « Notre ambition, c’est de s’occuper des TPE et PMI, qui sont bien souvent des sous-traitants des grands groupes et de filières présentes sur l’Axe Seine », a expliqué Isabelle Leriquier-Lajeunie, présidente de l’association Paris Seine Normandie, fondée par les CCI de Normandie et d’Île-de-France pour contribuer au développement économique et à la compétitivité de l’Axe Seine. Pour ce faire, l’association va lancer une initiative baptisée River Learning : « des réunions d’une demie-journée où nous allons inviter des chefs de petites et moyennes entreprises pour leur présenter le transport fluvial ». Un travail de longue haleine. « Il faut évangéliser en permanence et, petit à petit, je pense que l’on y arrivera. » Avec peut-être un coup de pouce du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, qui a annoncé, le 16 mars dernier, le lancement d’une consultation, en vue d’élaborer une stratégie nationale fluviale dans les mois qui viennent.