Tribunal de commerce de Douai : «Le premier objectif est de développer au maximum la prévention»

Entretien avec Denis Martin de Frémont, nouveau président du tribunal de commerce de Douai.

Denis Martin de Frémont, nouveau président du tribunal de commerce de Douai.
Denis Martin de Frémont, nouveau président du tribunal de commerce de Douai.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à assumer cette responsabilité de président du tribunal de commerce de Douai ?

DMDF. J’ai eu le plaisir de travailler avec mon prédécesseur pendant quatre ans en tant que vice-président. Juge au tribunal de commerce de Douai depuis huit ans, je souhaitais continuer à apporter ma contribution à la justice économique, et mes collègues m’ont fait le plaisir et l’honneur de m’élire. Concernant mon parcours professionnel, j’ai été cadre dirigeant dans des sociétés diverses et variées, notamment dans le secteur de la santé.

Pourquoi accepter cette responsabilité ? C’est d’abord une façon de rendre à la société ce qu’elle m’a donné et c’est un plaisir d’assumer ces responsabilités, cela me semble normal en tant que citoyen de rendre aux uns et aux autres ce qu’il est possible de donner, pour ma part du temps et des compétences. Si je ne suis pas originaire de la région, je vis dans le Douaisis depuis une trentaine d’années et c’est un plaisir de contribuer à la vie économique du territoire.

Quels sont vos objectifs prioritaires pour votre mandat et les principaux défis que vous anticipez pour le tribunal dans les années à venir ?

Le premier, d’autant dans la conjoncture économique actuelle, est de développer au maximum la prévention. L’image du tribunal n’est pas toujours très positive et les dirigeants d’entreprise ne poussent pas naturellement notre porte. C’est dommage, car l’une de nos missions est assez méconnue et pourtant fortement utile, c’est la prévention des entreprises en difficultés par des rendez-vous qui permettent d’exposer les difficultés et d’écouter ce que nous pouvons proposer comme procédure pour, par exemple, obtenir des étalements de dette.

Les experts-comptables ne doivent pas hésiter à pousser leurs clients à venir nous voir, nos portes sont ouvertes ! Trois juges consacrent désormais du temps à la prévention… il vaut mieux qu’ils viennent trop tôt que trop tard ! Les juges consulaires sont tous des anciens dirigeants ou cadres d’entreprise et sont réactifs, ils en connaissent les enjeux. Nous allons donc essayer de faire un gros effort d’information avec les maires, les présidents d’unions commerciales, le Medef, la CCI, la Région, etc.

Le contexte économique actuel impacte-t-il particulièrement l’activité du tribunal ? Quelles tendances observez-vous en matière de litiges commerciaux ou de procédures collectives ?

On constate aujourd’hui deux problématiques : le remboursement des prêts PGE alloués pendant le Covid, qui représentent une charge supplémentaire pour les entreprises, et une baisse d’activité sur de nombreux secteurs. Et plus le contexte économique est difficile, plus l’activité du tribunal est importante, ne serait-ce que sur les redressements et liquidations. Celles-ci ont augmenté de 11% en 2024, un chiffre inférieur à la moyenne nationale qui avoisine les 20%. En revanche, en valeur absolue, cela représente davantage qu’avant le Covid et cela m’inquiète un peu.

Le point positif, c’est qu’à travers les plans de continuation nous avons sauvé beaucoup d’emplois, environ 2000 de plus que l'an dernier. Encore une fois, les dirigeants d’entreprise ne doivent pas attendre trop longtemps pour venir nous voir. Ils peuvent venir à notre rencontre sereinement... 

Quelles initiatives souhaitez-vous mettre en place pour améliorer l’accompagnement des entreprises en difficulté et renforcer la prévention ?

Cela ne peut pas être que le fait du tribunal, c’est véritablement un faisceau de travail en commun avec les experts-comptables, la Région, les associations d’entreprises… je suis ravi quand un commerçant vient nous voir sur recommandation de l’union commerciale locale ! Mais nous devons, encore une fois, développer l’information avec l’ensemble de ces acteurs. Je suis persuadé que beaucoup de commerçants et dirigeants pensent qu’il est compliqué d’obtenir un rendez-vous au tribunal alors que c’est simple comme bonjour. Il faut simplement venir nous voir, il n’y a pas de procédure complexe car lorsqu’ils nous sollicitent, les décisions doivent se prendre tout de suite. 

Sur le contentieux, les chiffres sont assez égaux d’une année à une autre. Étonnamment sur les impayés par exemple, qui est un signal des difficultés économiques, nous ne connaissons pas d’augmentation.

Comment envisagez-vous le rôle du tribunal de commerce dans le développement économique local et les relations avec les acteurs du territoire ?

Il y a deux éléments : faire que tous les acteurs aient des pratiques normales afin de ne pas perturber le jeu économique et notre rôle est d’être vigilant sur ce point, nous avons d’ailleurs de bonnes relations avec le procureur sur ces questions ; et sur la partie prévention, j’y reviens, nous devons contribuer parmi tous les acteurs à édifier le monument pour qu’il tienne. Nous sommes l'un des maillons de la chaîne.