Le point sur la réforme du statut des baux commerciaux
Par une loi du 18 juin 2014, le législateur a réformé de manière assez significative le statut des baux commerciaux.
La durée
Le texte d’origine permettait aux parties de déroger à la faculté de résiliation triennale. Désormais, cette faculté est supprimée sauf pour les baux supérieurs à neuf ans, les baux des locaux monovalents, les baux à usage exclusif de bureaux et les locaux de stockage. Cette rigidification pose une interrogation lorsque le bail prévoit des dispositions plus favorables au preneur : il est par exemple parfois convenu d’une faculté de résiliation annuelle. La nouvelle rédaction permet-elle de s’accorder en ce sens ? S’agissant d’une disposition relevant de l’ordre public de protection, il est possible de le penser mais la question devra être tranchée par les juges. Les baux dérogatoires au statut des baux commerciaux peuvent être conclus désormais pour une durée maximum de trois ans, au lieu des deux ans initialement prévus. Les baux soumis aux statuts disposant d’une faculté de résiliation triennale, il ne semble pas qu’il y avait un grand intérêt à augmenter la durée des baux dérogatoires. S’agissant de la durée, l’innovation la plus importante du texte réside dans le formalisme lié à la résiliation du bail. Désormais, le Code de commerce offre aux parties la possibilité de délivrer un congé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette même faculté n’est cependant pas ouverte pour les demandes ou les offres de renouvellement : oubli du législateur ou omission délibérée ? Cette modification, visiblement destinée à réduire les coûts, n’est pas sans poser de difficultés.
Le loyer
Lors du renouvellement du bail ou de sa révision, lorsque le plafonnement est écarté, le loyer peut subir une augmentation très significative. Dans un souci de protéger le locataire contre cette augmentation violente, le législateur a prévu une formule de «lissage» aux termes de laquelle toute augmentation du loyer du bail renouvelé ou révisé sera limitée à 10 % par an. La rédaction du texte est ambiguë, de sorte qu’il est permis de s’interroger sur la valeur de référence à prendre pour calculer les 10 % : il est fait référence au «loyer de l’année précédente» mais s’agit-il du loyer du bail expiré, auquel cas l’augmentation de 10 % serait une augmentation du même montant chaque année ou s’agit-il du loyer de l’année précédant la date d’augmentation permettant donc de prendre en compte les 10 % supplémentaires déjà obtenus et de les capitaliser. Cela inclut-il l’indexation résultant d’une clause d’indexation conventionnelle ou non ? Autant de questions que les juges devront trancher.
Les charges et travaux
Le législateur a voulu imposer au bailleur un effort de transparence : il lui impose d’informer le locataire des charges et travaux pouvant affecter l’immeuble loué. S’agissant des charges afférentes à l’immeuble : le bailleur doit en donner un détail précis et en donner leur répartition à la conclusion et au renouvellement. Il doit en outre, chaque année, transmettre un état récapitulatif de ces charges. Pour les travaux, le bailleur doit annexer au bail un état prévisionnel avec les budgets des trois prochaines années ainsi qu’un état récapitulatif des trois dernières années. Cette communication doit être renouvelée tous les trois ans.
Les clauses relatives à la transmission du bail
un certain nombre de dispositions sont destinées à améliorer la position du locataire lors de la transmission du bail. La première concerne la garantie en cas de cession du fonds de commerce. Il est très fréquemment prévu que le cédant demeurera garant de son cessionnaire pendant une durée plus ou moins longue, généralement, il s’agit de la durée du bail et éventuellement sa prorogation. Le nouveau texte prévoit que la garantie cédant-cessionnaire est limitée à trois années maximum. Par ailleurs, sur le modèle de l’information due aux cautions, le bailleur doit désormais informer le cédant de tout incident de paiement du cessionnaire dans le mois suivant celui-ci. Aussi, le droit de préemption des communes est modifié : institué par la loi de Modernisation de l’économie pour permettre aux communes d’intervenir sur la structuration de l’offre commerciale, nombre de collectivités n’avait pas utilisé cette faculté. Désormais, ce droit de préemption peut être délégué à un concessionnaire privé. Enfin, un droit de préemption au bénéfice du locataire commercial est instauré sur le modèle de celui en usage en matière d’habitation. Il est encore tôt pour analyser comment les praticiens vont s’emparer du texte, mais les nombreux bouleversements posent déjà un certain nombre de questions aux opérateurs. Seule la patience et la lecture attentive de la jurisprudence permettront de résoudre les nombreuses interrogations posées par le nouveau texte.
jérôme.wallaert, avocat,
département règlement des contentieux
(jerome.wallaert@fdal.com)