Le Parlement adopte un texte pionnier sur les "polluants éternels"

Une législation "pionnière" dans l'Union européenne: l'Assemblée a approuvé définitivement jeudi une proposition de loi écologiste restreignant la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, ces "polluants éternels" massivement présents dans la vie courante, dont l'impact sur...

Manifestation pour l'interdiction des PFAS, le 26 mai 2024 à Oullins, dans le Rhône © JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
Manifestation pour l'interdiction des PFAS, le 26 mai 2024 à Oullins, dans le Rhône © JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

Une législation "pionnière" dans l'Union européenne: l'Assemblée a approuvé définitivement jeudi une proposition de loi écologiste restreignant la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, ces "polluants éternels" massivement présents dans la vie courante, dont l'impact sur la santé inquiète l'opinion et les pouvoirs publics.

Le texte, soutenu par la gauche et la coalition gouvernementale, contre le RN, a été approuvé dans les mêmes termes qu'au Sénat, par 231 voix contre 51, et va désormais pouvoir entrer en vigueur.

La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a apporté son soutien au texte, tout en appelant à tenir un discours nuancé, "toujours sous l'éclairage de la science" et "sans tomber dans une condamnation générale des PFAS".

"Il y a des milliers de PFAS. Certains sont bien connus, d'autres moins. Certains sont dangereux, d'autres sont considérés comme à faible impact", a-t-elle soutenu.

Quasi indestructibles et présentes dans quantité d'objets et de produits, ces substances chimiques per- et polyfluoroalkylés, ou PFAS, s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, l'eau, la nourriture et, in fine, dans le corps humain, notamment dans le sang et les tissus des reins ou du foie.

Si les connaissances sur les risques sanitaires associés aux différents PFAS sont insuffisantes, voire absentes, de l'avis même d'autorités sanitaires, des effets néfastes sur le métabolisme humain ont été pointés pour plusieurs "polluants éternels".

L'article phare de la proposition de loi prévoit d'interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des PFAS, à l'exception de certains textiles industriels ou "nécessaires à des utilisations essentielles".

Une taxe visant les industriels dont les activités entraînent des rejets de PFAS, sur le principe du "pollueur-payeur", figure également dans le texte.

Pas de fatalité

Si l'ambition initiale du texte a été réduite - avec notamment l'exclusion des ustensiles de cuisine du champ de l'interdiction -, le rapporteur Nicolas Thierry (Les Ecologistes) s'est quand même félicité d'une "immense victoire" après "trois ans de travail acharné"

"Je pense à toutes les victimes qui souffrent de pollutions chimiques", a-t-il déclaré à la presse.

Le député espère que cette adoption marquera "un tournant", et démontrera que face aux intenses campagnes de lobbying des industriels, il n'y a "pas de fatalité". 

Lorsque la "société civile" se mobilise, il est "possible d'inverser le rapport de force", a ajouté M. Thierry, rappelant qu'il y a un an encore, le gouvernement ne soutenait pas sa proposition.

Pour Cyrielle Chatelain, cheffe des députés écologistes, ce texte est "une lueur d'espoir", dans un "moment où on va de régression en régression sur le plan environnemental". 

Au nom du RN, le député Emeric Salmon s'est alarmé d'un texte qui aura "des conséquences dramatiques sur l'emploi et notre souveraineté" en conduisant à "inonder" le marché national de "produits étrangers contenant des PFAS".

Mme Pannier-Runacher a répondu que le texte avait été "travaillé (...) avec les industriels" et qu'il s'agissait au contraire de protéger les industriels "contre la concurrence déloyale, eux qui ont fait l'effort justement de mettre au point des technologies qui leur permettent de se passer des PFAS".

Le texte était le premier de la "niche" du groupe écologiste et social, journée consacrée à ses initiatives .

Peu avant minuit, le groupe a remporté une seconde victoire, sur un texte bien plus clivant. Après plus de sept heures de débats, l'Assemblée a adopté la "taxe Zucman", un impôt plancher sur le patrimoine des 0,01% des contribuables les plus riches en France.

Cette contribution, très décriée par le camp gouvernemental qui y voit une mesure "confiscatoire" et néfaste à l'investissement, a été adoptée à la faveur d'une présence massive des députés de gauche, une très faible mobilisation du "socle commun", mais aussi l'abstention du Rassemblement national.

En "cette période particulièrement sombre", le groupe écologiste et social a montré qu'il était "possible dans cette assemblée de pouvoir voter des lois de progrès", s'est félicitée leur cheffe Cyrielle Chatelain dans l'hémicycle.  

"Il existe une lueur d’espoir", a-t-elle lancé à ses collègues dans l'hémicycle, visiblement émue. 

Les cinq autres textes proposés par le groupe n'ont pas pu être examinés, faute de temps. L'un visait par exemple à mettre en place à titre expérimental "une sécurité sociale alimentaire pour tous", ou un autre à "protéger durablement la qualité de l'eau potable". 

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