Le Nord et le Pas-de-Calais abolissent leurs frontières

Assemblées plénières communes, actions communes, projets communs : un pas vers une sorte de fusion informelle qui ne dit pas encore son nom dans une entente cordiale inimaginable il y a encore peu de temps.

Patrick Kanner et Dominique Dupilet ont réussi à dépasser le vieil antagonisme entre le Nord et le Pas-de-Calais. Des fiançailles avant le mariage?
Patrick Kanner et Dominique Dupilet ont réussi à dépasser le vieil antagonisme entre le Nord et le Pas-de-Calais. Des fiançailles avant le mariage?
D.R.

Patrick Kanner et Dominique Dupilet ont réussi à dépasser le vieil antagonisme entre le Nord et le Pas-de-Calais. Des fiançailles avant le mariage?

Patrick Kanner et Dominique Dupilet sont dopés par l’abandon de la réforme territoriale et l’approche du nouvel acte de décentralisation qui reconnaîtra le rôle et la place des départements. Plus question de cultiver sa différence dans un antagonisme de clochers, longtemps de bon aloi tant dans la métropole lilloise qu’entre le Nord et le Pas-de-Calais, voire en leur sein entre leurs territoires. Il y avait trop de handicaps dans ces rivalités suicidaires.

Est-ce d’avoir senti le vent du boulet qui a incité les deux présidents à parler désormais d’une seule voix, face et avec la Région et les intercommunalités ?

Cela tient sans doute aussi à la personnalité et à l’amour du consensus de Patrick Kanner qui a fait, depuis son élection, de l’union une force. N’est-il pas l’instigateur de la conférence des trois exécutifs ? Et voilà qu’avec Dominique Dupilet, leurs deux conseils généraux tiendront deux fois par an des super plénières avec l’ensemble des conseillers généraux des deux départements.
Front commun. Ce sera l’occasion de discuter en commun de grands sujets comme la mobilité, la BA 103, le schéma d’aménagement numérique ou encore Seine-Nord : ces sujets que l’on dit maintenant «transversaux».

Cependant, c’est bien pour soutenir le gouvernement que les deux présidents étaient à Lille, le 5 décembre. Soutenir et relayer les dix engagements que Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, et Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, ont cosignés et qui satisfont au plus haut point nos deux présidents régionaux qui «ne sont plus sur la défensive mais sont passés à l’offensive».    

Question offensive, les deux présidents préparent l’acte III de la décentralisation avec une proposition phare : faire du logement une compétence des départements.  «Si l’Etat nous confiait la compétence logement, nous ferions comme les collèges. Les 150 000 logements par an seraient là grâce à un opérateur unique dans le logement social.» “Compétence” : tout est dit. Et les deux présidents se réjouissent que la nouvelle réforme ait conservé aux départements la clause de compétence générale menacée par la réforme territoriale précédente.

Ainsi donc, ils envisagent deux grands chantiers : la couverture numérique des zones rurales (un million d’habitants pour 260 millions) et les watteringues où ils verraient bien une institution commune pour une ingénierie nouvelle à mettre en place avec l’Etat.

 Un socle de travail. Fondamentalement, il s’agit bien des nouvelles relations avec l’Etat consacrées par ces dix engagements : ressources pérennes pour les allocations de solidarité (RSA, APA, APH) ; fonds spécifique de 170 M€ pour les missions de solidarité ; mobilisation des fonds européens pour l’inclusion sociale ; soutien des départements aux projets des intercommunalités ; accession et retour à l’emploi ; intervention en faveur de l’économie sociale et solidaire ; couverture numérique des territoires ; réhabilitation, modernisation et construction de collèges HQE ; 150 000 logements sociaux par an ; grands projets d’infrastructures.

Ainsi donc, les deux présidents sont résolus à avancer en front commun, sans parler de fusion mais sans rien exclure. Tout au plus font-ils le chemin inverse de leurs collègues du Haut-Rhin et du Bas-Rhin qui ont fusionné d’autorité avant de voir la suite. «Nous mettons en commun progressivement et on verra bien où cela mène. Cette dynamique dépasse nos personnes. Nous nous projetons à moyen terme et nous verrons comment la dynamique sera perçue par nos populations. Nous allons commencer à travailler sur le pacte territorial, un projet stratégique sur les compétences de chacun avec la région et les intercommunalités.»

Repères

− Le Nord est le 1er département de France et le Pas-de-Calais le 6e.

− A deux, un budget de 5 Mds€, dont 650 M€ en investissement (400 dans le Nord, 250 dans le Pas-de-Calais).

− 22 000 agents sur le terrain dans toutes les zones géographiques.

− 11 800 km de routes : 5 500 dans le Nord et 6 300 dans le Pas-de-Calais.