Le mécénat, un enjeu stratégique pour les PME ?
Verser 500 euros au club de foot de la ville, donner ses chocolats invendus à l’hôpital ou de son temps… les PME pratiquent souvent un mécénat “coup de cœur”. Mais celui-ci représente aussi un enjeu stratégique d’après Michel Gire, vice-président de Baker Tilly France, réseau de cabinets d’experts-comptables.
Le mécénat, danseuse du patron ou apanage des grands groupes ? Ni l’un ni l’autre, à en suivre les intervenants de la table ronde “Pourquoi le mécénat est-il devenu un atout stratégique incontournable pour les entreprises ?”, organisée par la DFCG, Association nationale des Directeurs financiers et de contrôle de gestion, le 25 avril à Paris. “Le mécénat s’inscrit dans une démarche de responsabilité sociétale d’entreprise”, argumente Michel Gire, vice-président de Baker Tilly France, réseau de cabinets d’experts-comptables. Pour lui, il est clair que les entreprises ne peuvent faire l’impasse sur cette démarche, pour jouer un rôle dans une transformation indispensable de la société. Laquelle passe notamment par l’évolution des liens qu’entretient l’entreprise avec ses différentes parties prenantes, clients, territoire, salariés… A ce titre, le mécénat permet de répondre “à une attente des collaborateurs qui n’attendent plus uniquement un job intéressant, mais qui ont envie de s’engager dans la société (…). C’est un formidable facteur de lien dans des entreprises confrontées à la difficulté de fidéliser des collaborateurs. Il permet aussi de créer une relation plus approfondie avec le territoire, y compris avec les représentants des collectivités territoriales”, précise François Debiesse, président d’Admical, association qui regroupe quelque 200 entreprises mécènes. D’après l’association, l’évolution des grandes entreprises, qui ont été pionnières en matière de mécénat, témoigne d’une vision toujours plus stratégique de celui-ci. Dans les années 80, “le mécénat était un peu dans une bulle, avec des fondations (…) souvent un peu en marge de la vie des entreprises”, se souvient François Debiesse. Mais aujourd’hui, il est toujours plus intégré dans des stratégies globales. Exemple avec BNP Paribas, traditionnellement mécène dans le domaine culturel. Depuis quatre ans, sa fondation soutient aussi des projets dans le domaine de l’environnement. “Des ONG ont critiqué le manque de prise en compte du développement durable par la direction générale. La réponse a été de développer la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et d’introduire ce nouvel élément dans le mécénat”, illustre François Debiesse. Une pièce d’un dispositif cohérent. La pratique du mécénat demeure avant tout celle de grands groupes. En 2016, d’après l’Admical, le mécénat pèse 3,5 milliards d’euros, pratiqué par 14% des entreprises en France. Mais quand près d’une grande entreprise sur deux est mécène, c’est le cas de 12% seulement des TPE et de près du quart des PME. Pis ! leur poids dans le budget mécénat a largement diminué (-14% en deux ans). Toutefois, “les entreprises plus petites, PME, TPE, sont en train de se l’approprier”, estime Michel Gire. Lui-même a engagé son propre cabinet d’expertise comptable, d’audit et de conseil dans une démarche de responsabilité sociétale des entreprises depuis une dizaine d’années. Dans ce cadre, “nous avons intégré le mécénat”, témoignet-il. Concrètement, son cabinet soutient l’association Clowns sans frontières, par ailleurs cliente, dans une démarche de mécénat de compétences pour des missions d’organisation. De plus, l’exposition photo itinérante de l’association trouve sa place durant trois mois sur les murs du cabinet. Par ailleurs, “nous sommes partenaires de la Course des héros (qui permet de collecter des dons) en juin. On essaie d’embarquer l’équipe. C’est un grand changement. Nous ne sommes plus dans le mécénat où on fait un chèque. Cela va plus loin. Cela se construit sur la durée”, témoigne Michel Gire.
Pour lui, “une stratégie de mécénat est efficace si elle accompagne un plan d’action de l’entreprise”. Dans sa démarche, tout doit découler de manière cohérente de la “vision de l’entreprise”, portée par son histoire et ses valeurs. “Après, la politique de mécénat vient de soi”, estime-t-il. Une démarche qui induit aussi de valoriser les actions de mécénat, de les mesurer. Au niveau de la mise en œuvre, le mécénat peut prendre différentes formes, comme des dons en nature, financiers ou la mise à disposition de temps de salariés.
Eviter les redressements fiscaux.
Autant de démarches encadrées par la loi et dont il convient de connaitre les règles pour éviter les redressements fiscaux. Ainsi, le don à un organisme est défiscalisé à 60% de son montant, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise. Mais ce, à condition que l’organisme concerné soit reconnu d’intérêt général, sans but lucratif et à gestion désintéressée. “Il peut y avoir des difficultés sur cette définition, qui peuvent faire naître des contentieux”, met en garde Michel Gire, qui invite à demander un reçu fiscal à l’organisme concerné afin de sécuriser l’opération. Autre point important, le mécénat prévoit qu’il n’y ait pas de “ contrepartie significative” au don, prévoit la loi. Une règle simple : par exemple, le mécène peut apparaître sur les flyers d’un événement qu’il soutient, mais pas afficher ces opérations sur son site Internet. Toutefois, “c’est compliqué à évaluer”, avertit Michel Gire. Et si la limite généralement admise pour la contrepartie est celle de 25% de la valeur de l’opération, “il y a des marges d’interprétation. Cela fait l’objet de contentieux fiscaux. Il faut rester prudent. Si l’entreprise versante veut une contrepartie, il faut mieux choisir le sponsoring”, préconise Michel Gire, rappelant que cette formule ouvre droit aussi à des déductions fiscales.
Quant au mécénat de compétences, “il est valorisé au prix de revient. Il peut y avoir confusion sur ce plan, ce qui peut donner lieu à des redressements”, ajoute Michel Gire. Plusieurs outils existent qui permettent de déployer ses actions de mécénat : celles-ci peuvent être menées en direct par l’entreprise ou via un intermédiaire, par exemple une fondation sous égide de la Fondation de France. “Cela donne tous les avantages de la fondation, de manière plus simple”, commente Michel Gire. D’autres entreprises rejoignent des clubs de mécènes – qui se structurent souvent sous la forme de fonds de dotation –, ce qui permet de contourner le plafond fiscal du mécénat.