Le mécénat plaide sa propre cause
Visé par le gouvernement qui cherche des pistes d’économies, le mécénat plaide sa cause. De plus en plus, des fonds privés contribuent à des missions d’intérêt général. Mais les mécènes sont parfois très critiqués.
«Nous considérons que le mécénat ne correspond pas à la définition de niche fiscale», défend François Debiesse, président d’Admical, association qui regroupe quelque 200 entreprises mécènes. Le 5 juin, à Paris, celle-ci organisait une conférence de presse pour alerter sur les risques qui pèsent sur le mécénat. Souci principal, le gouvernement, actuellement en train de scruter l’ensemble des niches fiscales à la recherche de 1,4 milliard d’euros, a identifié le mécénat comme source possible d’économies. Et, quelques mois plus tôt, la Cour des comptes avait publié un rapport critique. Depuis 2003, le régime du mécénat prévoit une réduction d’impôt égale à 60 % des sommes données par les entreprises pour une cause reconnue d’intérêt général, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires. D’après Admical, plusieurs pistes sont à l’étude : le plafond pourrait être abaissé et le mécénat de compétences, recadré. Les mesures de défiscalisation concernant les invendus de la distribution donnés à des associations pourraient également être retouchées. Stricto sensu, selon sa définition légale, le mécénat ne permet pas aux entreprises qui le pratiquent de faire des économies. Toutefois, du point de vue de l’État, il représente un coût non négligeable : environ 900 millions d’euros, a pointé la Cour des Comptes, dans son rapport en 2018. «Il y a probablement, ici et là, des opérations contestables et il est important que le secteur se penche sur le sujet et s’autorégule.» À ce titre, Admical promet la mise en place d’un dispositif d’autorégulation, à l’image de celui des professionnels du secteur de la publicité, pour une date non définie. Reste le sujet, complexe, de l’impact des sommes investies : en termes d’insertion sociale, par exemple, il est parfois difficile de quantifier les effets des démarches. Toutefois, «nous sommes en train de recenser des études d’impact qui montrent que les effets positifs sont importants», précise Sylvaine Parriaux, déléguée générale d’Admical. Exemple, avec une étude McKinsey de 2010 : la collectivité y gagne 7 à 10 000 euros par an, pour chaque personne embauchée et formée par Acta Vista, association (soutenue par des mécènes) qui pratique l’insertion par le travail, dans le cadre de la rénovation du patrimoine.
Gouvernement «schizophrène» et mécénat critiqué
Partant, François Debiesse n’hésite pas à qualifier la réflexion du gouvernement de «schizophrène» : d’une part, celui-ci réforme le Code civil pour inviter les entreprises à élargir leur objet social, dans la loi Pacte, et d’autre part, il s’apprête à limiter la défiscalisation du mécénat, qui repose sur le principe de la participation des entreprises à l’intérêt général. Et ce, alors même que, l’an dernier, un dispositif a été mis en place – une franchise de 10 000 euros pour les sommes défiscalisées – encourageante pour le mécénat des petites entreprises. Autre paradoxe souligné par Admical : sur 3 milliards d’euros de mécénat annuel, 27 % viennent en soutien à des institutions publiques, musées, universités, hôpitaux, et même collectivités locales… Une situation qui explique que plusieurs acteurs de la philanthropie, parmi lesquels Mouvement associatif (qui représente 600 000 associations), ou France Générosités (qui regroupe associations et fondations) se sont associés à Admical pour lancer un cri d’alarme intitulé : «Vers un crash philanthropique ?» D’après Admical, c’est le mécénat des grandes entreprises qui est plus spécifiquement visé par les mesures du gouvernement. Pionnières dans les années 80, elles ne représentent plus que 2 % des entreprises mécènes, mais 57 % des sommes recueillies. L’association rappelle que, toutes entreprises confondues, la défiscalisation ne constitue pas nécessairement un enjeu : 50 % des entreprises seulement y ont recours. Et au delà d’une question pécuniaire, l’association redoute surtout que la réforme ait comme effet négatif d’étayer l’image d’un «mécénat douteux». Mais sur ce sujet, la réforme ne constitue peut -être pas le nœud du problème… Lorsque, dans un pays englué dans une longue crise sociale, en avril dernier, après l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame, des acteurs comme le groupe LVMH ont annoncé des dons à hauteur de centaines de millions d’euros, les critiques se sont levées, nombreuses et violentes. Le mécénat des grandes entreprises ne semble vraiment pas populaire !