Le mécénat d’entrepriserésiste à la crise
Avec 1,9 milliard d’euros en 2011, le budget de mécénat des entreprises s’est légèrement tassé par rapport à celui de 2010 et est resté inférieur à celui de 2007. Mais elles continuent de s’engager. Et le visage des mécènes a changé : les PME sont de plus en plus nombreuses à s’impliquer, en particulier dans des actions de proximité.
Un budget mécénat stable, des PME de plus en plus nombreuses à s’engager, la culture qui retrouve de l’importance dans les champs investis par les mécènes… La quatrième édition de l’étude CSA menée pour Admical, l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, présentée le 2 avril, a révélé de nombreuses évolutions. Premier constat, “on a toujours plus d’entreprises mécènes. Il y a une véritable évolution par rapport à 2010”, constate Laurence Bedeau, directrice du département corporate de CSA. Aujourd’hui, d’après l’étude, 40 000 entreprises en France sont mécènes, soit 31% des entreprises contre 27% en 2010. A contrario, 8% d’entre elles ont abandonné cette pratique et 61% n’ont jamais rien fait.
Néanmoins, “les évolutions sont très distinctes selon la taille de l’entreprise. Le profil des mécènes évolue”, note Laurence Bedeau. Les PME représentent désormais 93% des entreprises mécènes, un chiffre en forte augmentation par rapport aux 85% de 2010, alors que le nombre de très grandes entreprises qui s’adonnent à cette pratique a diminué. D’après Bénédicte Menanteau, déléguée générale d’Admical, cette dernière tendance serait liée “à la monté en puissance de la RSE (responsabilité sociale d’entreprise) et au développement de partenariats entre entreprises et associations. Les frontières entre RSE et mécénat sont parfois fines. (…) Certaines actions qui relevaient de son périmètre ont pu être dirigées vers la RSE”. C’est ce qu’explique Elisabeth Delorme, déléguée au mécénat et partenariats d’EDF. Pour elle, certaines actions menées par l’entreprise avec des associations, comme la Ligue pour la protection des oiseaux, ont fini par aider EDF à gérer sa propre empreinte écologique. “Cela aurait été abusif de le garder en mécénat, nous l’avons fait évoluer vers la RSE”, explique-t-elle.
Motivations à près de 2 milliards d’euros. Au total, le budget du mécénat s’élève à 1,9 milliard d’euros, en léger tassement par rapport à 2010 et en recul par rapport à 2007. Certes, les grandes entreprises sont de moins en moins nombreuses, mais elles continuent de représenter plus de la moitié du budget total. Les entreprises de 20 à 99 salariés portent 35% du budget. “La crise a eu une incidence sur les budgets des entreprises mécènes. Elles ne se sont pas désengagées mais elles ont resserré leur budget. Et elles confortent leur engagement”, commente Bénédicte Menanteau. Dans le top 3 des motivations citées par toutes les entreprises, figure en premier lieu la contribution à l’intérêt général, suivi de l’amélioration de l’image de l’entreprise, puis la construction de relations avec les acteurs du territoire et les parties prenantes de l’entreprise. Néanmoins, “il y a deux réalités très distinctes. (…) Les choix sont très différents selon la taille de l’entreprise”, note Laurence Bedeau. Les plus grandes sont beaucoup plus concernées par l’enjeu de fidélisation des collaborateurs que les petites, notamment.
Plus de sport que de Fukushima ! Quant aux domaines privilégiés par les entreprises, “il y a un resserrement autour du social et de la proximité”, explique Laurence Bedeau. En tête, le social, suivi du sport, de la culture et du patrimoine. Les autres domaines – éducation, solidarité, environnement, voire recherche – arrivent très loin derrière. “Le sport est le domaine privilégié des PME. C’est une action de proximité”, estime Bénédicte Menanteau. L’éducatif, lui, resterait le secteur d’intervention privilégié des grandes entreprises, car il implique une participation des salariés, complexe à mettre en place. Quant au social, il “apparaît plus légitime en période de crise”, poursuit la déléguée générale d’Admical.
Mais l’une des surprises de l’année, c’est la culture, délaissée l’an dernier par les mécènes. “Les entreprises ne sont pas plus nombreuses, mais elles donnent plus.” Cette remontée “montre qu’il n’y avait pas de renoncement. (…) La culture est un marqueur de l’identité de l’entreprise. C’est un choix stratégique que les entreprises n’ont pas abandonné”, estime Bénédicte Menanteau. Dans ce domaine, les actions menées se concentrent autour de la diffusion, de la démocratisation de la culture, musique en tête. La création attire beaucoup moins : “c’est plus compliqué car il y a une part de risque, mais cela doit demeurer” essaie d’encourager Olivier Tcherniak, président d’Admical.
Si la culture semble se relever, d’autres secteurs sont moins bien lotis. La solidarité internationale a souffert : Fukushima n’a que moyennement mobilisé les mécènes. Pour Bénédicte Menanteau, l’explication est plurielle. “Le dispositif juridique autour du mécénat de solidarité internationale manque de clarté, et n’encourage pas les entreprises à s’y engager. De plus, il y a eu une montée des actions de solidarité sur le territoire”, analyset- elle. L’écologie est elle aussi en baisse : “l’urgence sociale a pris le pas sur l’urgence environnementale”, juge Bénédicte Menanteau, pour qui le sujet est plus taillé pour les grandes entreprises que pour les PME. Autre parent pauvre du mécénat en 2011, la recherche. Toutefois, la pratique du mécénat croisé – culture/ social par exemple – impose de nuancer ces constats.
Simplicité dans l’action. PME et grandes entreprises partagent une tendance dont a fait les frais la solidarité internationale. “Le niveau local est réinvesti. Les entreprises font le choix d’un mécénat de proximité. 83% des entreprises mènent des actions au niveau local. C’était 79% il y a deux ans. Le fait que les PME augmentent est aussi une des clés du mécénat de proximité. Pour elles, c’est une échelle pertinente pour s’engager”, analyse Laurence Bedeau. Mais comment les entreprises choisissent-elles d’agir ? Le mécénat dit de compétence, dans lequel les salariés s’engagent personnellement, a brutalement chuté : 21% des entreprises le citaient en 2010, elles ne sont plus que 11%. Un décalage qui s’explique par “des difficultés dans la mise en place” explique Bénédicte Menanteau. Bref, il est réservé aux grandes entreprises qui disposent des services capables de l’organiser.
Pour l’essentiel, le mécénat demeure donc financier dans 74% des cas, et en nature pour 33% des entreprises. L’élection présidentielle ne semble pas perturber le mécénat. D’après le CSA, 16% des entreprises envisagent d’augmenter ce budget, 68% d’entre elles pronostiquent la stabilité et 10% prévoient une baisse dans les deux ans à venir.