Mobilités

Le marché du cycle tourne au ralenti

En 2024, les ventes de vélos neufs ont encore reculé, en volume comme en valeur. Cette érosion, qui fait suite à un pic de ventes en 2022, est compensée par la montée en puissance des réparations et du marché de l’occasion.

Assemblage, à la Manufacture française du cycle, à Machecoul (Loire-Atlantique), début avril. © O.RAZEMON
Assemblage, à la Manufacture française du cycle, à Machecoul (Loire-Atlantique), début avril. © O.RAZEMON

« Le même vélo, qui coûtait 3 200 euros en 2022 s’est vendu 2 100 euros en 2024. Il est dommage que les consommateurs n’aient pas su en profiter ». Le propos de Denis Briscadieu, président de Cyclelab, un distributeur et fournisseur de services basé dans le Gers, résume le désenchantement qui touche l’industrie du vélo. Le secteur, qui pèse 3,2 milliards de chiffre d’affaires et emploie 20 000 salariés, pédale depuis deux ans avec un vent de face. Les chiffres pour 2024, dévoilés le 25 avril par l’Union des entreprises du sport et du cycle (USC), à l’occasion du salon professionnel Vélo in Paris, font état d’un recul de 5,9% (en valeur) de l’ensemble du secteur, et de 8,3% pour les seuls vélos. En volume, l’effritement sur le long terme est impressionnant. Moins de 2 millions de vélos neufs ont été vendus en 2024, contre 2,6 millions en 2019. « Les modèles pour les enfants se vendent beaucoup moins bien », avance, en guise d’explication, Patrick Guinard, président de la commission Cycles de l’organisation professionnelle, et PDG de la société Velox qui fabrique des composants. Les engins à assistance électrique, qui tirent les marges des assembleurs et des distributeurs vers le haut, subissent eux aussi la morosité ambiante. Il s’en est vendu, en 2024, 565 000, en baisse de 16%. En 2022, un rapport parlementaire entrevoyait pourtant la possibilité d’en écouler « un million à l’horizon 2025 ». On en est loin. En valeur, la baisse de l’électrique atteint 12%.

Cette déconvenue fait suite à une année 2023 également maussade. La filière, assembleurs, distributeurs et fournisseurs de composants, a connu un pic en 2022, avec un chiffre d’affaires total de 3,6 milliards d’euros. Patrick Guinard rappelle le contexte anxiogène, « la dissolution, la guerre en Ukraine, le taux d’épargne élevé », ainsi qu’une « météo pourrie » qui, en 2024, a pu réfréner les envies des consommateurs. « La bulle qu’on a connue de 2020 à 2022 a éclaté », admet Jean-Philippe Frey, responsable du pôle « intelligence économique » à l’USC.

Après la pandémie, alors que l’appétence pour les déplacements à bicyclette s’était renforcée, les difficultés d’approvisionnement vidaient les stocks au point qu’on déplorait, en 2021, une « pénurie » de vélos. Puis la production s’est emballée, et de nouveaux acteurs ont voulu saisir une opportunité en proposant des produits fabriqués en France, mais plus chers.

Quelques années plus tard, il semble que les clients se sont détournés des modèles neufs pour préférer les vélos d’occasion. Le marché de la seconde main est l’un des seuls qui enregistre en 2024 une nette hausse, de 9%. Quelques segments spécifiques parviennent également à compenser les pertes : les vélos-cargos, qui transportent des charges lourdes, les modèles destinés au cyclocross ou les « gravels », légers vélos tout-terrains.

La réparation en hausse

L’USC se console en observant l’essor du marché de la réparation, qui comptabilise la main d’œuvre affectée à la remise sur roues des vélos endommagés. Marginal dans les années 2010, au point de ne pas être comptabilisé par la filière, ce segment connaît une hausse régulière, pour atteindre 113 millions d’euros en 2024 (+4,3%). Le secteur des pièces détachées et composants en profite mécaniquement, avec une décrue moins sévère que pour le reste du marché, -2,2%. Au fond, les consommateurs semblent adopter un comportement logique : après avoir acheté des vélos, ils les utilisent et les font réparer.

La filière se persuade, comme l’année dernière, que les belles années vont revenir. La forte hausse du marché jusqu’en 2022 coïncidait avec une volonté d’encourager les déplacements à bicyclette. Le Plan vélo de l’Etat consistait, notamment, en 250 millions d’euros déboursés chaque année pour aider les collectivités à aménager des pistes, traversées ou carrefours cyclables, et gratifier d’aides à l’achat les acquéreurs de modèles neufs. Cette politique a porté ses fruits, avec une hausse de 40% de la fréquentation des axes cyclables entre 2019 et 2024.

Mais les encouragements à ce moyen de transport « bon pour la santé, l’économie locale et la planète », comme le rappelle l’USC, n’est plus d’actualité. Dès l’été 2024, le Plan vélo a été brutalement supprimé dans les prévisions budgétaires pour 2025, avant d’être finalement doté, in extremis, de 50 millions d’euros dans le budget voté en février par le Parlement. En revanche, les primes à l’acquisition, modulées en fonction du revenu, ont été abandonnées.

L’industrie réclame l’appui des pouvoirs publics. « Il nous faut une politique cyclable, un Plan vélo, une aide à l’achat sans conditions de revenu », insiste Patrick Guinard. En 2024, a calculé l’USC, l’Etat a versé 1,5 milliard d’euros en primes à l’achat d’une voiture électrique, et seulement 29 millions pour l’acquisition d’un vélo.

Il n’est pas certain que le secteur obtienne gain de cause. La conférence de financement des mobilités, qui doit trancher sur les sources de revenu pour les prochaines années, doit débuter en mai, et les associations d’élus comme d’usagers du vélo n’y ont pas été conviées.