Le marché des bureaux lillois résiste à la crise sanitaire
Après une année 2020 morose, le marché des bureaux de la métropole lilloise a repris sa marche en avant. Les deux premiers trimestres de 2021 sont même très encourageants. Mais André Bartoszak, responsable de l’Observatoire des bureaux de la métropole lilloise, reste tout de même assez mesuré…
L’arrondissement de Lille, «c’est entre 3,5 et 4 millions de mètres carrés de bureaux», selon les chiffres de l’Observatoire des bureaux de la métropole lilloise à la CCI Grand Lille (OBM/CCIGL). Il s’agit même du troisième marché de France, derrière Paris et Lyon. Mais de quoi s’agit-il exactement lorsque l’on parle de marché des bureaux ? «C’est la capacité d’accueil des salariés du tertiaire dans un territoire donné», détaille André Bartoszak, le responsable. En fait, il existe trois types de transactions. Soit une entreprise loue des bureaux via un agent immobilier ou elle les achète. Ou alors, elle les fait carrément construire.
Depuis 1977, l’OBM/CCIGL scrute l’évolution de ce marché, qui est un indicateur significatif de l’activité économique. «Aujourd’hui, 85% de l’économie sont constitués par le tertiaire. Il n’y a plus d’économie sans tertiaire et il n’y a plus de tertiaire sans bureaux. C’est comme dans le BTP : le jour où il n’y a plus de béton, eh bien vous arrêtez...»
Les années 2018 et 2019 en trompe-l’œil
Après une année 2020 en net recul, tant sur le nombre de transactions que sur la superficie globale, le premier semestre 2021 offre les signes d’une reprise. «Tous les marchés des grandes métropoles ont baissé entre 40 et 50%, confirme André Bartoszak. A Lille, nous n’avons pas échappé à la règle avec - 45%. Mais depuis le début de l’année, ça redémarre...» Avec 195 transactions sur le premier semestre 2021, on a même dépassé le nombre de transactions des six premiers mois de 2019.
«Attention aux comparaisons, met-il en garde. On n’a jamais loué autant de bureaux dans la métropole lilloise qu’en 2018 et en 2019. On avait enregistré des records historiques d’activité. Il est plus raisonnable de comparer avec les chiffres de 2016 et de 2017.» Car il est vrai que si l’on considère la superficie globale de ces transactions, elle atteint 75 186 m² sur le premier semestre 2021 contre les 131 607 m² de 2019. On a donc eu affaire à de petites transactions. En revanche, le chiffre de 2021 est bel et bien conforme aux 79 167 m² de 2016.
Lille : capitale de la grande distribution de masse
Mais que va-t-il se passer dans les mois à venir ? «Je n’ai pas de boule de cristal, prévient d’emblée André Bartoszak. J’ai régulièrement des réunions avec les agents immobiliers et les promoteurs et chacun demeure prudent.» Mais l’optimisme est de rigueur.
«Nous sommes dans une grande métropole, poursuit le responsable de l’Observatoire. Le tissu économique est important. Nous avons beaucoup d’entreprises et tous les secteurs d’activité sont représentés : finance, agroalimentaire, etc.» Mais surtout, «il y a la grande distribution, un des secteurs les moins impactés par la crise. Les gens n’ont jamais ralenti leur consommation chez les grands distributeurs. Nous sommes la capitale de la grande distribution de masse»...
Selon l’Observatoire de la CCI Grand Lille, le marché des bureaux pour les TPE ou PME ne s’est jamais véritablement calmé. «Elles ne peuvent pas pousser leurs murs, avance comme explication André Bartoszak. En revanche, si vous avez des milliers de salariés et de mètres carrés de bureaux, en période de crise vous transformez vos salles de réunion en bureaux. Et je ne vous parle pas du télétravail.» Sa conclusion est simple : «Aujourd’hui, les transactions à plus de 5 000 m², on ne les a pas encore retrouvées.»
10 à 30 000 m2 en comptes propres en 2021
Une autre raison pousse l’Observatoire des bureaux de la métropole lilloise à l’optimisme. «Crise ou pas crise, pour ce qui est de créer des bureaux, il n’y a jamais eu autant d’argent disponible sur la planète, assure André Bartoszak. De très gros chantiers pourraient sortir cette année. On pourrait atteindre 10 et 30 000 m² en comptes propres. Et outre les comptes propres, on totalise actuellement 39 900 m² en cours de construction pour le marché de la commercialisation.»
Mais les entreprises vont-elles tirer des conséquences de cette crise sanitaire, et notamment sur la façon de travailler des employés ? «Vous savez, il y a dix ans, tout allait changer, se souvient-il. On nous annonçait le bureau de demain, à la mode Google, avec des toboggans à l’entrée et des arbres sous serre. Les locaux devaient devenir très fun, avec beaucoup de convivialité. Or, c’est demeuré l’exception. Il faut se méfier des généralités.»
Et André Bartoszak a un exemple : «En 2010, un organisme financier de la région avait sollicité des agents immobiliers pour trouver 10 000 m² de bureaux très vastes. Ils ne voulaient plus de bureaux avec des petits cactus et des photos de famille. Deux ans plus tard, ils sont revenus en arrière car leurs salariés perdaient leur sentiment d’appartenance à l’entreprise.» Et André Bartoszak de conclure : «La crise actuelle aura, à n’en pas douter, des répercussions sur la manière de travailler et donc sur le marché des bureaux. C’est une certitude. Mais il est trop tôt pour les quantifier…»