Le maire, un maillon essentiel mais fragile de la vie locale

Les maires du Pas-de-Calais se retrouvent à Arras pour leur congrès annuel, avec en ligne de mire les prochaines échéances électorales, le bouleversement complet de la fonction de maire et les attentes des citoyens. André Flajolet, président de l’AMF 62, livre son analyse de la situation.

André Flajolet aujourd’hui âgé de 72 ans est maire de sa commune de Saint-Venant depuis le 20 mars 1989.
André Flajolet aujourd’hui âgé de 72 ans est maire de sa commune de Saint-Venant depuis le 20 mars 1989.

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Le maire porte plusieurs casquettes. Il est surtout le dernier lien direct entre la population et les services.

André Flajolet est maire de la commune de Saint-Venant depuis plus de 30 ans. Il a également été député de la 9e circonscription du Pas-de-Calais pendant 10 ans. Président de l’Association des maires du Pas-de-Calais (AMF 62), son expérience en tant qu’élu lui permet une analyse précise de l’évolution de la société, mais aussi des fonctions de maire. 

Selon lui, le maire est «le dernier lien direct accessible entre la population et les services quels qu’ils soient, parce que la plupart des citoyens ne font aucune différence entre les intercommunalités, le Département, la Région, l’État, etc. Le maire est un chef de gare pour les orienter, très souvent il le fait d’ailleurs à leur place, et il est aussi là avec son équipe pour tout le volet social et sociétal».

Sur le dernier mandat (2014-2020), la fonction du maire a évolué en raison d’importants changements au sein de la société. Un analyste politique dirait que le mandat du président François Hollande, qui s’annonçait comme celui du changement, a énormément déçu les Français qui rejettent le système politique tel qu’ils le connaissaient jusqu’à présent. Le paysage politique français, qui a encore réglementé les précédentes élections municipales, n’existe plus, y compris au niveau de la commune. 

Et André Flajolet d’aller plus loin dans sa réflexion : «J’ai constaté que sur les cinq dernières années, la fonction de maire a beaucoup changé. Elle a changé par rapport à l’État, puisque les règles qui nous unissent à lui ont été profondément modifiées, que ce soit dans le domaine de l’intercommunalité et de la fiscalité, mais aussi par rapport aux citoyens dont le comportement glisse de plus en plus vers un comportement individualiste de consommateur.» 

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En mars 2020, les élections municipales renouvelleront les élus des communes.

Besoin de lisibilité

Modification des comportements, bouleversement du paysage politique, les prochaines échéances s’annoncent compliquées dans certaines communes. La question n’est plus le clivage gauche/droite : les citoyens cherchent un maire à l’écoute, une intercommunalité accessible, qui offre des services et une perspective. «Le risque est clairement un glissement de certaines intercommunalités vers les extrêmes…» 

De fait, certaines communes du bassin minier posent question pour demain. «Nous avons intérêt à avoir une meilleure lisibilité démocratique, au risque de voir les citoyens aller se réfugier dans les illusions de l’extrême droite pour des motifs multiples et variés, où la question de l’immigration est une question parmi tant d’autres…»

En effet, au-delà du problème de l’immigration, aujourd’hui, il y a une inquiétude majeure qui préoccupe les maires au quotidien. «C’est le problème de la précarité au sens large du terme. Les personnes qui n’ont pas de travail sont en précarité, ceux qui n’ont pas de logement sont en précarité. Les salariés sont également dans la précarité si on tient compte du contexte économique dans certaines entreprises. Même les couples sont dans la précarité si l’on prend en compte les divorces et les familles recomposées. Nous sommes, nous les maires, chargés de gérer ces problématiques de façon permanente», précise André Flajolet, tout en précisant que le discours qu’il tient aujourd’hui, il ne l’aurait pas tenu il y a cinq ans.

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La fonction de maire évolue en fonction des comportements des citoyens qui sont aujourd’hui dans une logique de consommation.

La bonne échelle

Parmi les maires actuellement en poste, certains brigueront un nouveau mandat, mais d’autres jetteront l’éponge, surtout ceux des petites communes rurales. Le président de l’Association des maires explique : «Dans les plus petites communes, l’intercommunalité reste au mieux une énigme, au pire un obstacle à l’expression locale. Ce n’est peut-être pas vrai sur le fond, mais c’est ressenti comme tel.» 

Reste à cerner la place de l’intercommunalité : «Plusieurs présidents d’EPCI ont cru qu’elles devaient se substituer à la commune. D’autres ont compris qu’elles avaient un rôle d’organisateur de l’espace.» Une problématique sans doute liée à la taille des communes. «À mon sens, en dessous de 250 habitants, les communes doivent se rassembler et créer des ensembles plus significatifs.»

Autre difficulté rencontrée par les maires des petites communes, l’importante somme de travail à effectuer sur le terrain. Être au service de la population devient parfois un véritable sacerdoce. «Dans les communes de petite taille, le maire doit effectuer une multitude de tâches seul.» La réponse réside donc peut-être dans la bonne échelle pour avoir des communes assez importantes pour être représentatives et peser dans la balance. 

Sur la question de l’âge, André Flajolet a un avis qui fera certainement l’unanimité auprès des maires de France. Il estime «que le plus important est de toujours avoir l’envie de s’investir pour sa commune. S’il n’y a plus d’envie, il faut savoir s’arrêter et savoir passer la main». 

Pendant leur congrès, outre ces sujets évoqués par leur président, les maires évoqueront aussi l’école de demain et la mutualisation des services. Ils sont attendus nombreux à Artois Expo, ce jeudi 3 octobre.