"Le justiciable, acteur économique, souhaite que son litige soit traité rapidement"
Le droit est-il encore adapté à la réalité économique ? Alors que les juges consulaires plaident pour une réforme, entretien avec Georges Richelme, président de la Conférence générale des juges consulaires de France.
Le Congrès national des Tribunaux de commerce s’est tenu à Tours en décembre. Quels en ont été les thèmes de réflexion ?
Georges Richelme : Quand j’ai été élu à la présidence de la Conférence générale des Tribunaux de commerce, en décembre 2016, on sortait de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et il n’y avait rien dans les textes sur l’économie et la justice consulaire… C’est donc à nous, les juges consulaires bénévoles, de faire des propositions sur l’avenir de nos juridictions et la définition, aujourd’hui, de l’acte de commerce, dont dépend notre activité. C’est pour cette raison qu’une réflexion a été lancée par les professeurs Philippe Delebecque, Pierre Berlioz et Philippe Roussel Galle.
À l’heure d’Internet, des start-up et du “business”, à quoi correspond l’acte de commerce ? C’est quoi un commerçant aujourd’hui ?
Ces trois juristes ont notamment travaillé sur la perplexité des étudiants en droit qui abordent la définition de l’acte de commerce et de la notion de commerçant. Et en effet, comment ne pas être perdu quand on vous explique que l’artisan n’est pas commerçant et relève donc du tribunal civil, mais que toutefois s’il exerce sous la forme de société commerciale, il relève alors du tribunal de commerce, dont il relève dans tous les cas, par ailleurs, lorsqu’il est confronté à une difficulté d’entreprise au sens du livre VI du Code de commerce ?
Le droit est-il encore adapté à la réalité économique ?
On peut considérer que lorsqu’il existe un tel décalage entre le sens commun des mots et leur sens juridique, c’est le signe que le droit n’est plus adapté.
Qu’attend le justiciable, acteur économique ?
Que son litige soit traité le plus rapidement possible et devant le bon tribunal, ce qui implique d’éliminer le plus possible les éventuels conflits de compétence qui sont source d’incidents de procédure et qui retardent l’issue du procès.
L’acte de commerce n’est-il pas aussi un acte économique ?
L’acte de commerce est un acte économique. Nous avons pris acte qu’il existe un tel décalage entre la réalité économique et le contexte juridique, et nous avons proposé, dans la commission de réflexion mise en place, de dépasser la notion de commercialité pour lui substituer celle d’activité économique et de rechercher une simplification des critères de répartition de compétence entre le tribunal de commerce et le Tribunal de grande instance (TGI).
Si on suit ces réflexions, c’est la fin du Tribunal de commerce comme on le connaît aujourd’hui ?
Le Tribunal de commerce deviendrait le Tribunal des activités économiques. En Belgique, la loi a créé le Tribunal de l’entreprise en intégrant la notion d’entreprise dans le code économique et en faisant disparaître la notion légale de l’acte de commerce. L’entreprise vise l’ensemble des acteurs actifs sur le plan économique, à l’exception des personnes physiques.
Les Tribunaux de commerce auront-ils la capacité d’absorber ce transfert et donc ce surplus d’activités ?
On dénombre 50 000 procédures collectives par an dans les tribunaux de commerce et autour de 10 000 dans les TGI. Ce transfert allègerait les TGI, mais ce n’est pas l’argument que je retiens. La démarche des juges consulaires, qui sont des juges bénévoles, est de proposer une justice plus simple, plus accessible et plus lisible, et cette proposition va dans ce sens. Concernant les moyens, nos tribunaux ont enregistré une baisse des contentieux. Contrairement aux TGI, nos tribunaux disposent de la totalité de leurs effectifs : nos juges élus sont des bénévoles et ne dépendent pas de budgets. Ensuite, nos greffes sont des entreprises, avec des professionnels libéraux. Ils fonctionnent de façon très satisfaisante et sauront s’adapter.