Le guichet unique lancé dans la douleur
Le guichet unique pour les formalités des entreprises, obligatoire depuis le 1er janvier, vise à simplifier les démarches administratives de l’écosystème entrepreneurial. Petit problème, depuis son lancement les bugs s’enchaînent rendant impossible bon nombre de démarches. Si les difficultés persistent, c’est toute la vie économique qui pourrait en pâtir.
Le bug de 2023 dans l’écosystème entrepreneurial a un nom : le guichet unique pour les formalités des entreprises ! Depuis son lancement le 1er janvier, cette plateforme (accessible sur le : www.formalites.entreprises.gouv.fr), gérée par l’Institut national de la propriété intellectuelle, enregistre plusieurs ratés, voire de gros ratés. «Nous sommes un grand défenseur de ce guichet unique mais il y a un retard à l’allumage. Dans la pratique, cela ne fonctionne pas», assure Loïc Le Goas, fondateur de LegalVision, entreprise spécialisée dans les services juridiques en ligne. Démarche de création d’entreprises, cessation d’activités, modification de statut, dépôt de comptes annuels, l’ensemble de ces démarches qui doivent aujourd’hui se réaliser quasiment en un seul clic étaient tout simplement impossibles au début de la semaine dernière. Une attaque informatique deux jours après le lancement de la plateforme a été mise en avant par Bercy. Elle a rendu l’interface inutilisable. «Des parades ont été trouvées comme par exemple pour les modifications de société qui se font avec l’interface de secours Guichet-Entreprise. Un retour vers l’ancien système en version papier a même été évoqué», continue Loïc Le Goas. La simplification souhaitée apparaît donc plus que compliquée et les conséquences pourraient être plus que lourdes. Un constat établi au niveau local dans l’ensemble de l’écosystème des conseils aux entreprises.
Guichet de substitution inopérant
«Aujourd’hui en passant par ce guichet unique, que ce soit la création d’entreprise, une modification, une cession de parts ou un changement de siège social, le temps passé à saisir les informations est entre deux fois voire trois fois supérieur qu’auparavant. Le dépôt simple d’actes, préalable obligatoire à de nombreuses opérations juridiques, n’est d’ailleurs pas prévu», explique Claire Remy-Rambourg, avocat associé chez Filor Avocats et membre de l’ACE (Association des avocats conseils d’entreprises). Issu de la loi Pacte, le guichet unique des formalités des entreprises remplace les six réseaux de centre de formalités des entreprises (CFE) : chambres de métiers et de l’artisanat, chambres de commerce et d’industrie, chambres d’agriculture, greffiers des tribunaux de commerce, Urssaf et services des impôts des entreprises de la DGFIP (Direction générale des finances publiques). La partie création d’entreprise du site infogreffe.fr ne peut plus être utilisée pour les formalités liées à la vie de l’entreprise et il n’est plus possible de déposer directement un dossier auprès du greffe du tribunal de commerce. Le guichet unique est devenu la seule plateforme permettant aux entreprises et aux professionnels de réaliser les formalités liées à la vie de l’entreprise. La simplification souhaitée se matérialise aujourd’hui par une complexité sans nom pour les différents professionnels du droit et du chiffre. Ces dysfonctionnements avaient été notamment pointés du doigt par les différentes organisations représentatives de ces métiers courant décembre. Face à ces difficultés prévisibles, bon nombre de professionnels avaient anticipé en passant le plus de formalités possibles avant le 31 décembre. «Aujourd’hui, le guichet unique ne fonctionne pas et le guichet de substitution mise en place en urgence pour pallier ce dysfonctionnement est également inopérant. Nous tentons de tout mettre en œuvre pour accompagner au mieux nos clients dans leurs démarches mais des délais supplémentaires sont à prévoir. Nous prenons les choses au jour le jour», assure Katia Sourlier, responsable du pôle juridique droit des sociétés d’Yzico, groupe d’expertise comptable et de conseil. «Il devient nécessaire de tenir compte des allongements de délais dans le cadre des opérations juridiques, ce qui crée une réelle instabilité pour les entreprises. Il est indispensable que les autorités publiques soient conscientes de l’insécurité juridique dans laquelle ce nouveau dispositif plonge les entreprises françaises, au sortir de la crise sanitaire, en pleine guerre en Ukraine et en périodes de tensions énergétiques», renchérit l’avocate nancéienne Claire Remy-Rambourg. Du côté de Bercy, d’après certaines affirmations, le site du guichet unique pourrait avoir son visage définitif fin mars. D’ici là il y aura des optimisations. La gronde des professionnels ne fait que commencer...