Benjamin Péri, cofondateur et PDG de Pyxo
«Le gouvernement n’accompagne pas les entreprises qui rendent le discours de la croissance verte crédible»
Fondée par deux jeunes Centraliens désireux d'agir pour la planète, la start-up Pyxo propose une solution de contenants réemployables, adoptée notamment par McDonald’s. Mais les errements dans l'application de la loi Agec contre le gaspillage déstabilisent fortement le secteur, met en garde Benjamin Péri.
Pourquoi avoir fondé Pyxo en 2018 et en quoi consiste l'offre de la start-up ?
En août 2018, Nicolas Hulot, alors ministre de l'Écologie, a donné sa démission en direct à la radio. Pour moi, c'était la baffe finale. Quelques jours après, j'ai démissionné de la banque où je travaillais et fondé Pyxo avec François des Beauvais, mon associé actuel avec lequel j'ai fait Centrale, alors employé chez McKinsey (cabinet de conseil). Nous étions déjà en train de préparer ce projet ; depuis un certain temps, nous étions persuadés qu'il était impératif d'agir. Et François, qui est aussi surfeur, m'avait sensibilisé au problème des déchets. Pyxo propose une solution clés en main qui permet de passer aux contenants réemployables. Le faire seul, pour un restaurant, c'est très vite l'enfer... Notre offre comprend l'achat ou la location de ces contenants, un système de pilotage basé sur des QR codes et la gestion de la relation avec le consommateur. Le dispositif peut être piloté par nous ou s'intégrer dans les outils existants de l'entreprise : système de caisse, programme de fidélité... Pour la gestion physique des contenants, nous faisons l'interface avec la quinzaine de nos partenaires qui peuvent être nécessaires : laveurs, logisticiens, fournisseurs de «collecteurs», qui récupèrent les contenants.
La restauration rapide est très loin d'utiliser les contenants réemployables comme l'oblige la loi Agec depuis janvier 2023, a révélé une enquête de Zéro Waste France, le mois suivant. Que constatez-vous sur le terrain ?
Lorsqu'en septembre 2021 nous avons conclu un contrat avec McDonald’s pour l'accompagner dans sa transition vers les contenants réemployables, une quinzaine d'autres enseignes ont signé aussi. Aujourd'hui, nous travaillons avec cinq environ... Entre-temps, dans les réseaux de franchisés, des doutes ont commencé à circuler sur le fait que la loi Agec allait être réellement appliquée. Certains ont commencé à se dire que, dans ce cas, s'ils réalisaient cette transition, ils seraient défavorisés par rapport à ceux qui ne l'avaient pas faite ! En effet, le passage au réemploi représente un investissement initial pour les entreprises. Par exemple, elles doivent se doter d'une plonge, celle dont elles disposent n'étant pas suffisante. Elles doivent aussi modifier leurs processus internes, ce qui constitue un frein majeur pour ces entreprises dont la rentabilité est fondée sur l'efficacité. En novembre 2022, le gouvernement a annoncé de nouvelles échéances de l'application de la loi : en janvier 2024, les amendes devraient commencer à tomber.
En 2021, vous aviez levé 7 millions d'euros auprès d'investisseurs. Serait-ce encore possible aujourd'hui ?
À cette époque, personne ne doutait vraiment du fait que la loi Agec allait être appliquée et de fait, nous avions signé un contrat avec McDonald’s, leader de la restauration rapide, ce qui a constitué un véritable tournant pour Pyxo. Aujourd'hui, le contexte est différent : les investisseurs, en particulier les plus importants, ne financent plus ce type de projet. Ils expliquent que, trop souvent, ils ont vu des start-up se créer dans le sillage des lois environnementales pour aider des entreprises à se mettre en conformité, mais que finalement ces textes n'étaient pas appliqués...Notre pays se veut le pays de la croissance verte, une start-up nation. Je trouve dommage que ce gouvernement qui affirme sa croyance dans le techno-solutionnisme n'accompagne pas les entreprises qui rendent ce discours crédible. Quant à Pyxo, nous suivons aujourd'hui une autre logique : nous sommes en train d'ouvrir notre capital pour rassembler autour de nous des grands acteurs de notre secteur et des business Angels. Nous voulons ainsi consolider le secteur du réemploi pour l'aider à avancer.
Propos recueillis par Anne DAUBRÉE