Le Dunkerquois fait le pari de l’éco-solidarité

Depuis le 1er octobre, l’agglomération dunkerquoise expérimente une nouvelle tarification de l’eau : une tarification éco-solidaire qui vise l’accès pour tous tout en privilégiant une consommation raisonnée.

Les 27 communes partenaires du SMAERD étaient représentées pour le lancement officielle de la tarification éco-solidaire de l'eau, une première en France.
Les 27 communes partenaires du SMAERD étaient représentées pour le lancement officielle de la tarification éco-solidaire de l'eau, une première en France.
D.R.

Les 27 communes partenaires du Smaerd étaient représentées pour le lancement officiel de la tarification éco-solidaire de l'eau, une première en France.

Au 1er octobre, une nouvelle vague d’augmentations a frappé le pays : cigarettes, gaz, bière… Pourtant, sur le Dunkerquois, les membres du Syndicat mixte pour l’alimentation en eau de la région de Dunkerque (Smaerd) ont choisi d’aller à contre-courant en proposant une tarification de l’eau revue… à la baisse ! Cette mesure, mise en place avec la Lyonnaise des eaux et basée sur une tarification éco-solidaire, est entrée en vigueur elle aussi le 1er octobre sur le périmètre des 27 communes du Smaerd1.

Trois niveaux de consommation, trois tarifs.  Son principe est simple : au tarif unique existant jusque-là (1,01 €/m³) sont venues se substituer trois tranches de prix fixées en fonction des usages de l’eau. Autrement dit, jusqu’à 75 m³ (la consommation annuelle moyenne sur le territoire dunkerquois), les particuliers bénéficiaires de la CMU complémentaire profitent désormais d’un tarif de 0,32€/m³, et 0,83€/m³ pour les non-bénéficiaires de la CMUc. Ce tarif passe à 1,53€/m³ pour tous dès lors que la consommation varie de 76 à 200 m³, et à 2,04€/m³ au-delà. L’objectif de cette mesure est à la fois de sensibiliser les habitants à une consommation raisonnée et responsable de l’eau, tout en travaillant à l’accès de l’eau pour tous. «Cette systématisation va permettre de jouer à plein la solidarité, mais cela n’empêchera pas de poursuivre les actions de terrain et d’agir au coup par coup par rapport à des difficultés particulières», précisait Michel Delebarre, président du Smaerd. Et de rappeler que derrière ce dispositif inédit, «il y a la volonté constante des équipes à parvenir à trouver une solution». «Le droit à l’expérimentation est essentielle pour les collectivités locales, renchérissait-il. C’est indispensable pour qu’elles puissent imaginer leur avenir et répondre aux grands défis de la planète.»

Jusqu’à 70% de baisse. Deux ans de travail préalable et l’assentiment des 27 maires membres du Smaerd ont été nécessaires pour arriver à cette disposition. «Chaque collectivité est différente, il a donc fallu tenir compte des spécificités du territoire dunkerquois qui puise son eau potable à 40 km, de la taille de l’agglomération, des caractéristiques de service, etc., pour arriver à une hypothèse d’une baisse de consommation de 2% par an sur les cinq prochaines années, précisait Philippe Maillard, directeur général de Lyonnaise des eaux. C’est un système assez simple dans sa mise en œuvre, mais qui touche les foyers aux plus faibles revenus», insistait ce dernier. Sur le territoire dunkerquois, 84 000 foyers sont desservis par la Lyonnaise des eaux via le Smaerd, dont près de 8 600 bénéficiaires de la CMU complémentaire qui profiteront donc d’une baisse du coût de l’eau de 70%, hors abonnement (30€/mois pour l’eau et l’assainissement). «Après plusieurs simulations, nous avons choisi de ne pas toucher l’abonnement qui représente l’accès au service, service qui a des charges fixes importantes», expliquait le DG. «Nous nous laissons une période test de 18 mois pour étudier les premiers effets et voir s’il est possible d’adapter le même principe de tarification sur la part assainissement», rapportait Michel Delebarre.

Chèque eau, fonds spécial et observatoire. D’ores et déjà cette mesure s’accompagne d’autres dispositifs visant à faire baisser encore un peu plus la facture à l’instar du Chèque eau (12€ par personne pour les familles nombreuses à partir de la 6e personne, et 40€ par an pour les habitants d’immeubles bénéficiaires de la CMUc) et du fonds «Eau durable» qui a vocation à valoriser les initiatives des professionnels. Enfin, un «observatoire éco-solidaire», associant habitants et collectivités, permettra de suivre le dispositif et d’en mesurer son efficacité. En effet, si un premier pas a été fait, il est encore possible d’améliorer les choses «en complétant intelligemment ce dispositif, notamment grâce à cet observatoire». Mais Michel Delebarre en est fortement convaincu : «Les comportements vont évoluer, au bénéfice de tout le monde.»

 

1. Les 27 communes du Smaerd : Armbouts-Cappel, Bergues, Bray-Dunes, Cappelle-la-Grande, Coudekerque-Branche, Coudekerque-Village, Craywick, Dunkerque, Fort-Mardyck, Ghyvelde, Grande-Synthe, Grand-Fort-Philippe, Gravelines, Holque, Hoymille, Leffrinckoucke, Les Moeres, Looberghe, Loon-Plage, Saint-Georges-sur-l’Aa, Spycker, Téteghem, Uxem, Watten, Zuydecoote.

 

Encadré :

Charte des sept engagements pour l’eau dans le Dunkerquois signée par les maires des 27 communes du Smaerd 

− Apporter au territoire une eau de qualité dans la quantité adaptée à ses besoins

– Préserver la ressource en eau

– Garantir l’accès à l’eau pour tous

– Inciter à une consommation responsable

– Réduire l’impact des eaux usées sur l’environnement

– Garantir un service durable au meilleur coût, par une gestion moderne et partagée

– Accompagner les actions de coopération internationale du territoire

 

Encadré :

Eclairage avec Renaud Camus, directeur opérationnel Lyonnaise des eaux sur le Dunkerquois

La Gazette. Quel est l’intérêt pour la Lyonnaise des eaux de lancer un tel dispositif éco-solidaire ?

Renaud Camus. L’intérêt est bien évidemment d’accompagner la collectivité en véritable partenaire afin de répondre aux besoins spécifiques d’un territoire. Sur le sujet de la tarification éco-solidaire, Michel Delebarre et les élus du Dunkerquois nous ont passé commande, il y a plus d’un an, afin de réfléchir et créer la première vraie tarification éco-solidaire en France. Après un an d’études, de réunions de travail et d’échanges avec les acteurs sociaux du territoire, j’ai le sentiment que nous avons répondu à ce que l’on pouvait attendre de Lyonnaise des eaux. 

 

Sur quels critères ont été fixés ces nouveaux tarifs ?

Les quatre piliers de notre réflexion ont été les suivants : des tarifs encore plus accessibles pour tous les foyers pour la consommation d’eau vitale, pour l’hygiène et l’alimentation ; un dispositif qui accompagne les foyers dunkerquois vers une consommation encore plus écoresponsable, car protéger la ressource est une nécessité ; une facturation qui prend en compte les situations familiales difficiles pour les consommations vitales ; enfin, une facturation qui prend en compte la taille des foyers. 

 

Comment est compensé le manque à gagner par mètre cube consommé ?

Il n’y a pas de manque à gagner. Le nouveau système s’équilibre lui-même, les tarifs évoluant à la baisse ou à la hausse en fonction des tranches de consommation. Les foyers les plus écoresponsables verront leurs factures baisser quels que soient leurs revenus. Les foyers en situation précaire, bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire − ou CMUc −, verront leurs factures baisser encore plus. Par contre, les foyers avec des consommations d’eau élevées par rapport à leurs besoins verront eux leurs factures augmenter, quels que soient également leurs revenus.

 

Pourquoi avoir choisi le Dunkerquois pour inaugurer cette nouvelle tarification éco-solidaire ?

Sans doute parce que les besoins du territoire s’y prêtaient particulièrement mais également parce qu’il y avait une volonté politique forte d’aboutir sur ce projet très novateur, grande première en France. 

 

Enfin, est-ce une mesure vouée à se répandre à une échelle plus large ?

Nous avons déjà été sollicités par de nombreuses autres collectivités en France et nous avons très récemment présenté le dispositif au ministère de l’Ecologie et du Développement durable ainsi qu’au Comité consultatif national sur le prix et la qualité des services publics d’eau et d’assainissement qui ont trouvé le dispositif très intéressant. Donc, oui, il y a de fortes chances pour que l’exemple du Dunkerquois en la matière fasse école.