Le Conseil d’État suspend la procédure du tirage au sort
SELON LE JUGE DES RÉFÉRÉS DU CONSEIL D’ÉTAT, LA PROCÉDURE DU TIRAGE AU SORT PRÉVUE POUR L’INSTALLATION DES NOUVEAUX NOTAIRES NE PRÉSENTE PAS TOUTES LES GARANTIES. LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE REVOIT SA COPIE POUR SÉCURISER L’OPÉRATION. UN MILLIER D’OFFICES DEVRAIENT OUVRIR CETTE ANNÉE, POUR PRÈS DE 30 000 CANDIDATS !
Nouveau rebondissement, en fin d’année 2016, dans la mise en place de la fameuse loi du 6 août 2015 dite «Macron» qui vise, dans son article 52, à libéraliser l’installation d’offices notariaux en France ! Saisi en référé, le Conseil d’État a suspendu, par une ordonnance du 14 décembre 2016, la procédure du tirage au sort prévue pour attribuer les nouveaux offices notariaux. Un dispositif contesté au sein du notariat. Prenant acte de la décision de justice, le Conseil Supérieur du Notariat (CSN) rappelle avoir «toujours contesté cette méthode et préconisé l’organisation du concours». Que reproche le juge des référés dans son ordonnance du 14 décembre dernier ? La personne ayant saisi en urgence la haute juridiction administrative avait avancé que l’arrêté du 14 novembre 2016, pris par le ministre de la Justice, fixant les modalités des opérations de tirage au sort, portait une atteinte grave et immédiate aux intérêts des diplômés notaires candidats à une nomination aux nouveaux offices de notaires créés. De son côté, le garde des Sceaux avait demandé le renvoi de la requête estimant que ces modalités étaient régulières. Dans son ordonnance de mi-décembre, le juge des référés n’a pas suivi les arguments de la Chancellerie. Tout d’abord, il a estimé qu’il y avait bien une situation d’urgence car les opérations de tirage au sort ont débuté le 7 décembre 2016 et qu’en raison de la mission des notaires, le risque d’une violation de l’arrêté du 14 novembre 2016 pourrait porter une atteinte grave à l’intérêt général. Le juge des référés a ensuite procédé à une appréciation détaillée des modalités de la procédure du tirage au sort. «Il ne ressort ni de l’arrêté ni des fiches produites que le ministre aurait prévu des règles permettant de s’assurer de la régularité de la procédure tout au long du déroulement de celle-ci, depuis l’enregistrement de la candidature, jusqu’à la publication des noms des personnes devenues titulaires d’un office notarial dans la zone en cause», a-t-il considéré. À partir de son constat, le juge des référés a estimé que la régularité de la procédure n’étant pas assurée, elle était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du 14 novembre 2016. C’est pourquoi il a ordonné la suspension de cet arrêté tant que le Conseil d’État ne se prononce pas au fond sur le recours en annulation de ce texte.
LA CHANCELLERIE OBLIGÉE DE REVOIR SA COPIE
Après l’ordonnance en référé du Conseil d’État, le ministère de la Justice n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué du 14 décembre 2016, il a pris acte de la décision de justice. La Chancellerie se félicite que l’ordonnance ne remet pas en cause le principe du tirage au sort mais en «suspend simplement la mise en oeuvre». Autrement dit, la chancellerie ne semble pas vouloir revenir sur le principe même du tirage au sort pour la procédure de création d’offices pour les notaires. Afin de pouvoir effectuer dans les meilleurs délais les tirages au sort, elle va prendre rapidement les mesures nécessaires pour répondre aux interrogations soulevées par l’ordonnance et ainsi s’assurer de la régularité de la procédure. Car la Chancellerie «est déterminée à créer rapidement les 1 002 offices», en 2017, «permettant l’installation de 1 650 notaires, conformément aux recommandations de l’Autorité de la concurrence», d’ici 2018, dans 247 zones d’installation libre, a insisté le ministère dans son communiqué. Une autorité administrative indépendante qui a réagi très vite après avoir pris connaissance de l’ordonnance du juge des référés. Dans un communiqué, publié le jour même de la décision de justice, l’Autorité de la concurrence suggère plusieurs pistes pour améliorer le dispositif du tirage au sort et en sécuriser la régularité. Après l’ordonnance du juge des référés, la réaction politique de l’opposition ne s’est pas non plus fait attendre. Le président de la commission des Lois du Sénat, le sénateur Philippe Bas (Les Républicains, Manche) a exprimé son opposition à la méthode utilisée par le gouvernement pour mettre en oeuvre le volet de la loi Macron concernant les professions réglementées du droit. De nouveaux rebondissements pourraient voir le jour, cette année, notamment avec l’élection présidentielle…
Frédéric HASTINGS