Le bio pousse et s'enracine dans la région
C'est une bonne nouvelle pour la filière biologique dans les Hauts-de-France : cette agriculture voit le nombre de producteurs qui font le choix de la conversion croître significativement. Fin 2019, c'est même un record régional : 210 nouveaux producteurs ou exploitations en conversions bio sont enregistrés, soit une hausse de 18% par rapport à 2018 ; 6 500 emplois directs y sont liés.
C’est un bilan positif que dressent «A pro bio» et «Bio en Hauts-de-France», dans le cadre de l’Observatoire régional de l’agriculture biologique, avec des résultats «encourageants pour la production ainsi que pour la transformation et la consommation», spécifie le bilan 2019. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 210 nouvelles installations et conversions bio (une hausse de 18% par rapport à 2018), 45 170 hectares cultivés en bio, soit 2,1% de la surface agricole utilisée (SAU) régionale, et 7 722 hectares de nouvelles surfaces converties à l’agriculture biologique en 2019 (+19% par rapport à 2018).
C’est le résultat d’une dynamique engendrée depuis cinq ans : sur les cinq dernières années, la surface bio a été multipliée par 2,1 et le nombre de fermes bio a été multiplié par 1,9 dans la région… Les Hauts-de-France rattrapent doucement leur retard, avec notamment, depuis quatre ans, une croissance supérieure à la moyenne nationale (un retard qui s’explique par l’historique des cultures de la région, très concentrées et spécialisées alors que la culture bio demande de la diversification). «Nous sommes en phase avec une attente sociétale, note Simon Hallez, codirecteur de l’association «Bio en Hauts-de-France». C’est aussi la construction d’une filière qui crée de la valeur ajoutée.» Une valeur ajoutée qui pèse de plus en plus dans l’emploi : fin 2019, la partie production génère 6 500 emplois directs (un emploi direct pour 6,9 hectares), soit trois fois plus que le reste de l’agriculture régionale. On compte également 1 187 fermes bio, 1 038 entreprises de transformation, 150 magasins et 158 grossistes.
La filière bio offre donc des opportunités. Comme chaque année, le mois de mai correspond au démarrage du pic d’activité dans ces fermes. Dans un contexte pandémique incertain et une quête de sens ressentie par les Français, les fermes biologiques représentent une nouvelle ère pour la consommation et pour la société. Une tendance nationale qui s’affirme ? En France, on compte 47 196 producteurs bio pour 2,24 millions d’hectares, dont 0,57 en conversion. L’agriculture biologique concerne 8,3% de la surface agricole nationale.
Une filière dynamique
Cette tendance au bio relève «de causes multifactorielles», précise Simon Hallez. Les chiffres 2019 sont le résultat d’une dynamique créée il y a cinq ans car «passer au bio, cela veut dire qu’il faut revoir toute sa production en profondeur et cela prend du temps», continue-t-il. Concrètement, entre le moment où le producteur décide de passer au bio et les premières ventes des produits, il faut compter entre deux et quatre ans. Un processus long, qui reflète une volonté de plus en plus forte de la part des producteurs et agriculteurs : fin 2019, 44 nouveaux maraîchers (+20% par rapport à 2018) se sont convertis au bio dans la région et 50% de ces fermes reconverties sont situées dans le département du Nord.
Une tendance qui touche aussi les grandes cultures : cette même année, l’Observatoire régional de l’agriculture biologique recense le taux le plus élevé de conversions parmi les grandes cultures (78 nouveaux, soit +33% par rapport à 2018). «C’est un véritable engagement. Les causes sont multiples. De plus en plus de producteurs et agriculteurs veulent un nouveau défi et souhaitent changer de modèle. Un défi qui s’inscrit aussi dans la diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires pour la santé des consommateurs et la leur : c’est une prise de conscience, constate Simon Hallez. C’est aussi une façon de retrouver du sens à son métier et de retrouver une liberté dans sa production.»
Cette impulsion n’est pas éparse. Ces facteurs individuels s’englobent dans une dimension collective. Car ces chiffres sont surtout le fruit du travail d’une filière régionale qui crée «une dynamique vertueuse». Cette dynamique se définit par deux principes : le collectif et l’équité. «De nombreux agriculteurs se sentent aussi isolés. Notre filière repose sur une dynamique collective car de nombreux producteurs bio travaillent ensemble. C’est aussi un changement de mentalité…», explique Simon Hallez. L’impulsion du bio est catalysée par l’association «Bio en Hauts-de-France», qui accompagne les conversions et les installations en bio depuis 45 ans. «Nous créons un écosystème favorable, nous accompagnons les conversions, nous assurons un suivi, nous organisons une centaine d’événements par an sur divers sujets, nous travaillons avec les politiques publiques territoriales, notamment pour la problématique des restaurations collectives, nous créons une filière ad hoc», explicite son codirecteur.
Consommation en hausse
Même si un travail de fond doit être réalisé par les producteurs et aussi par les gouvernements, toute cette dynamique ne peut être aussi possible que par la volonté du consommateur, maître de ce qu’il achète. Ce qui reste, pour la filière bio, un critère incertain. Un travail de fond peut être fait, mais si le consommateur s’entête à acheter des produits hors saison ou d’autres pays, c’est toute une agriculture qui peinera à évoluer. Une tendance qui évolue de façon positive également ces cinq dernières années : si le nombre de producteurs augmentent, c’est aussi en lien étroit avec une consommation en hausse de ces produits (+13% de consommateurs dans la région par rapport en 2018, et +8% tous les jours).
Fin 2019, 30 à 40% des producteurs bio de la région ont une activité de vente directe, signe d’un changement sociétal. «Acheter bio s’inscrit aussi dans la démarche d’acheter local, remarque Simon Hallez. Et nous constatons que les marchés bio ou locaux connaissent de plus en plus de succès.» Un succès engendré par la prise de conscience des producteurs : «Nous avons toujours su que nous travaillerions en bio. Nous souhaitons offrir la meilleure qualité de légumes possible, notre métier étant de préserver. Le consommateur d’aujourd’hui recherche de la transparence, du goût et de la naturalité, un produit et une entreprise qui ait du sens !» témoigne Lucille Défosse, cofondatrice de l’entreprise La Préserverie, installée à Lille.
Les nouveaux systèmes de distribution en témoignent. L’ouverture des magasins biologiques enregistre une chute de la croissance dans les Hauts-de-France (moins huit magasins par rapport en 2018), s’expliquant par une saturation du marché. Toutefois, cette dernière ne s’observe pas de manière homogène sur tout le territoire régional : la décroissance du nombre de magasins spécialisés en bio ne concerne que les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de l’Oise, qui en comptent la plus forte concentration. Le département de la Somme, comptant peu de ces magasins, enregistre une croissance de +45%. «Cette chute s’explique notamment par la diversification des canaux de distribution, constate Simon Hallez. En parallèle, il y a de nombreuses ouvertures de drives fermiers, de ventes directes à la ferme, etc. C’est aussi une bonne nouvelle car, d’ici 15 ans, nous ne souhaitons pas une monopolisation du marché par des hyper magasins mais plutôt favoriser cette diversification dans la distribution directe.»
En 2020, la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19 a également fait émerger une nouvelle façon de consommer, plus locale, créant ainsi un nouveau modèle et une nouvelle prise de conscience. Une habitude qui va perdurer ? Seuls les consommateurs ont la réponse.
La conversion bio par département
- Somme : 200 fermes bio (4% des fermes), soit +20% par rapport à 2018.
- Pas-de-Calais : 241 fermes (3,7% des fermes), soit + 20% par rapport à 2018.
- Nord : 376 fermes (5,6% des fermes), soit +12% par rapport à 2018.
- Oise : 170 fermes (5,3% des fermes), soit + 22% par rapport à 2018.
- Aisne : 200 fermes (4,3% des fermes), soit + 27% par rapport à 2018.
Du côté de la transformation
Les Hauts-de-France sont la 9e région de France (hors Corse et Dom-Tom) dans le domaine de la transformation biologique, recensant 1 545 opérateurs aval (transformateurs et distributeurs) – soit +361 opérateurs par rapport à 2018 –, dont 1 038 préparateurs et 343 transformateurs industriels. Le Nord est le 6e département français en nombre d’opérateurs aval (638). Le secteur des fruits et des légumes enregistre la plus importante évolution.
Un plan bio régional
Une politique commune a été mise en place via un plan bio (2018-2021) signé par les deux Agences de l’eau régionales, les cinq Départements, la Draaf, la Région Hauts-de-France, en partenariat avec la Chambre d’agriculture, «A pro bio» et «Bio en Hauts-de-France». L’objectif ? Mettre les moyens «pour créer une dynamique vertueuse, avec les notions d’équité et de qualité», précise Simon Hallez. Cette ambition commune s’inscrit dans une préoccupation économique mais aussi environnementale, travaillant sur une approche transversale, la clé de voûte d’un projet ambitieux et harmonieux qui vise non la quantité mais la qualité.