La "Terre de Rollon" attend mieux de la météo
Basé à Hodeng-Hodenger et porté par Eric Labarre, le premier vignoble de Seine-Maritime a souffert des aléas climatiques. Il dispose pourtant d’une assise commerciale solide.
Une belle histoire… qui commence un peu comme un pari entre amis. Eric Labarre est le fondateur du vignoble Terres de Rollon, le premier à s’être implanté en Seine-Maritime au XXIe siècle… le second en Normandie. Si, aujourd’hui, plusieurs agriculteurs plantent des vignes en anticipant (avec plus ou moins de conviction) le changement climatique, la démarche d’Eric Labarre est tout autre : « j’étais -et je suis toujours d’ailleurs – fonctionnaire ; secrétaire de mairie. J’avais envie d’un retour à la terre. Et la vigne m’a paru être un choix intéressant, car je ne voulais pas faire comme les autres. »
En 2009, il plante ses premiers ceps à titre expérimental. Aidé par quelques amis, il met en place 1 500 pieds. Il faudra attendre 2015 pour que son projet se transforme en entreprise. « Il n’y avait pas de droits de plantation en Normandie. Il a fallu attendre 2015 pour que la réglementation s’assouplisse. » L’homme franchit alors le pas pour de bon et commercialise ses premières bouteilles dès 2016, sous l’appellation Terre de Rollon. « Je n’ai pas le droit d’utiliser le terme Normandie. Et un jour, j’ai vu sur un cubitainer de rosé « Terre de… ». Je me suis dit que c’était une bonne idée. »
3 hectares sur 5,3 en production
Eric Labarre a choisi d’implanter des cépages typiques de la Champagne : le Chardonnay, le Pinot noir et le Meunier. Epaulé par un ami vigneron champenois, il s’approprie la méthode et propose un vin blanc mousseux brut, qu’il élabore avec les conseils d’un œnologue. « J’ai choisi le brut parce que c’est ce qui se vend le mieux, mais j’espère pouvoir élargir ma gamme », explique-t-il. Du sec, du demi-sec et pourquoi pas du mousseux rosé sont en projets…
Mais pour l’heure, l’appellation souffre surtout de rendements erratiques. Mildiou et gel sévissent tour à tour, pénalisant grandement la production. Des aléas difficiles à assumer avec de petites surfaces. « J’ai planté 5,3 hectares, 33 000 pieds de vigne environ. Mais, seul, je ne peux mettre en production que 3 hectares. Mais avec le mildiou, l’an dernier je n’ai pu faire que 2 500 bouteilles. Avec un rendement normal, je devrais produire dix fois plus sur la même surface. »
Un produit bien normand
Le viticulteur compte donc sur des cieux plus cléments. Une production trois ou quatre fois plus importante que l’an dernier lui permettrait d’enclencher une nouvelle étape pour son entreprise. « Dans l’idéal, il me faudrait mettre en stock deux vendanges d’avance. » Cela lui permettrait d’investir dans la main d’œuvre d’abord, mais aussi dans un bâtiment pour accueillir ses installations de vinification et son stock. Et puis, plus tard, dans du matériel.
Car du côté des débouchés, le vigneron n’a pas de soucis particuliers. Il cible les épiceries fines et les cavistes principalement et commercialise son vin jusque dans la très touristique région de Bayeux. Il prévoit d’ailleurs de sortir, avec l’aide de son ami artiste Grégoire Pont, une étiquette spéciale pour les commémorations du 80e anniversaire du débarquement. Un concept « souvenir » qui plaît et qu’Eric Labarre voudrait bien renouveler plus souvent. Reste à Saint Vincent, patron des vignerons, d’assurer deux belles récoltes d’affilée.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre