La société civile a présenté ses projets pour la future grande région

Ce n’est que le 1er janvier 2016 que naîtra officiellement la grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Pour préparer et réussir cette échéance, et surtout cette fusion, pour faire de cette nouvelle région "une grande région de projets", les CESER des deux régions se sont emparés de sa création, jusqu’à proposer des axes de développement et des projets fédérateurs et structurants qu’ils ont dévoilés début juillet.

De gauche à droite, Serge Camine et Laurent Degroote, respectivement présidents des CESER de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron et Claude Gewerc, président des Conseils régionaux du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie.
De gauche à droite, Serge Camine et Laurent Degroote, respectivement présidents des CESER de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron et Claude Gewerc, président des Conseils régionaux du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie.
Serge Camine et Laurent Degroote, respectivement présidents des CESER de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais.

Serge Camine et Laurent Degroote, respectivement présidents des CESER de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais.

Construire ensemble la nouvelle grande région. La société civile au cœur d’un grand projet“. Pour ce colloque à l’intitulé très évocateur, à l’aune des prochaines élections régionales de décembre 2015 et du nouveau cadre territorial en vigueur au 1er janvier 2016, la future grande région a réussi à mobiliser quelque 600 personnes, élus, décideurs, société civile et autres citoyens engagés, réunis trois heures durant le 1er juillet 2015 au Nouveau-Siècle à Lille. Ce, à l’invitation des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie.

De gauche à droite, Serge Camine et Laurent Degroote, respectivement présidents des CESER de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron et Claude Gewerc, président des Conseils régionaux du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie.

De gauche à droite, Serge Camine et Laurent Degroote, respectivement présidents des CESER de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron et Claude Gewerc, président des Conseils régionaux du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie.

“Grande, mais bien à construire”. Ici, point d’hésitation : la société civile versus CESER est favorable à la nouvelle grande région. C’est même son credo, sa vision. Dès octobre 2014, réunis en cinq groupes de travail communs, ses membres ont identifié les atouts, forces et potentialités de chacun des deux territoires au regard de cinq enjeux jugés fondamentaux pour le présent et l’avenir, voies de communication interrégionales, agroalimentaire et agriculture, recherche et formation, culture et tourisme, santé, emploi et lien social. De leurs travaux, le colloque a rendu compte, avec son florilège de diagnostics, d’axes de développement et de projets, tous plus fédérateurs et structurants les uns que les autres.

Des propositions, il n’en a donc pas manqué, les unes très concrètes, d’autres moins, mais toutes empreintes d’une ambition volontariste à la hauteur d’une grande région dont les atouts, mais aussi les faiblesses (notamment en matière de santé et d’emploi), pour être connus, n’en ont pas moins été martelés. C’est que cette nouvelle région est “grande”. Jean-François Cordet, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, avec des accents dignes “d’un grand préfet de région, d’un préfet du second Empire” comme l’a souligné après coup Daniel Percheron, l’a rappelé : elle “prend rang aux premières places à l’échelle européenne par son PIB – 150 Mds€ –, comparable à l’Andalousie ou à la Vénétie ; par sa population – 6 millions d’habitants – au niveau de la Communauté de Madrid, du Land de Hesse, de la Vénétie, et proche de la Flandre voisine, plus peuplée que certains Etats de l’Union, le Danemark, la Finlande ou la Slovaquie“. Grande, mais “bien à construire“. Et d’appeler à relever les nombreux défis qui se posent à elle, ceux de la formation de sa jeunesse, de la transformation économique et agricole, de l’attractivité, de la cohésion sociale et territoriale. “Nous avons pour obligation d’offrir un avenir meilleur aux habitants de cette région…

Large éventail de propositions. Cet avenir à construire, les deux CESER l’ont donc décliné à travers cinq thématiques fort alléchantes, de “la Région mobile”, à “la Région solidaire”, en passant par “la Région performante”, “la Région innovante” et “la Région artistique et accueillante”. En matière de voies de communication, ils proposent la création d’une centrale de mobilité à même d’organiser l’offre de service, une billetterie et une information voyageurs unique, unifiée et multimodale, la connexion de la plate-forme Delta 3 à la future autoroute ferroviaire Calais-Perpignan, l’élaboration d’un schéma régional de la logistique, sans oublier la complémentarité fer/fluvial autour du futur canal Seine-Nord Europe, “vitrine d’un fret durable“.

Pour tirer au mieux profit de la richesse agricole et agroalimentaire, ont été retenues des propositions de création d’une nouvelle marque unique régionale, de synergies à développer entre acteurs des industries agroalimentaires pour davantage produire et transformer localement et entre acteurs des pôles de compétitivité (IAR et Matikem) et d’excellence (PIVERT et IFMAS) pour devenir la première région en produits non alimentaires biosourcés.

En matière de formation et de recherche, “ressort essentiel des dynamiques territoriales“, si les deux CESER suggèrent d’encourager l’émergence de têtes de réseau renforcées et identifiées au niveau international, ils réaffirment dans le même temps l’importance du maintien du maillage territorial très fin de l’enseignement supérieur et de la recherche et plaident pour la création d’un “CESER de l’enseignement supérieur”, lieu de coordination et de coopération à même d’élaborer une vision prospective et stratégique.

Bien conscients de la richesse culturelle et touristique de la nouvelle grande région, les représentants des CESER entendent la mettre au service du mieux-vivre ensemble, du sentiment d’appartenance et de l’attractivité territoriale. Ils proposent de créer un projet touristique, social et solidaire, à destination de ses habitants à l’image du modèle TER Mer et TER Vert, tout en appelant les élus à revendiquer la compétence culturelle pour mieux soutenir la création et l’éducation artistique tout au long de la vie.

Dernier domaine traité, la santé, l’emploi et le social. Pour enregistrer les plus mauvais indicateurs de développement humain (IDH) et de santé sociale (ISS), un taux de chômage de 12,5%, près de 400 000 personnes en situation d’illettrisme, les deux CESER suggèrent ainsi de booster le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, de renforcer les programmes d’éducation thérapeutique des patients, de consacrer 150 M€ au moins sur cinq ans pour la formation de 15 000 demandeurs d’emploi et salariés en situation d’illettrisme, de poursuivre les actions de renforcement et de soutien à l’émergence et au développement des ETI par croissance de PME performantes, d’accompagner plus encore et les PME/TPE et l’économie sociale et solidaire, avec l’objectif de créer 100 000 emplois en Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Hymne aux synergies et au consensus. Forces de proposition, les CESER ont par ce colloque une nouvelle fois démontré qu’ils l’étaient, n’en déplaise aux politiques que d’aucuns jugeront une nouvelle fois un peu condescendants à leur égard, “beaucoup de conviction, de talent, un peu moins de précision” pour Daniel Percheron, “ce que nous avons entendu, nous l’entendons depuis des années” pour Claude Gewerc, présidents respectivement du conseil régional Nord-Pas-de-Calais et de Picardie. Et ce, même s’il est vrai que toutes leurs propositions n’étaient pas d’égale valeur, que toutes n’étaient pas de compétence régionale… et que la question des ressources budgétaires dévolues aux futures régions n’est pas encore tranchée. Frappé par “l’espoir et la prise en compte de la dimension de la nouvelle grand région“, par cet “hymne aux synergies et au consensus“, Daniel Percheron n’en a pas moins rappelé aux élites régionales que “la future grande région n’a de légitimité que si, dans la compétition mondiale, elle est au rendez-vous du couple région-entreprises“, à charge pour les électeurs de valider ce choix. Un couple qui, “si nous avons les ressources nécessaires, sera au cœur des résolutions du modèle français, de la lutte contre la malédiction du chômage, de la création d’emploi dans une économie de concurrence impitoyable“.

Nous avons un rôle à jouer parce que nous sommes le seul endroit à conjuguer l’attraction du Bassin parisien et notre insertion dans l’Europe rhénane. C’est un fameux pari (…). Si le consensus est établi, la grande région avancera à condition de se faire respecter de l’Etat“, a encore plaidé Daniel Percheron, quand Claude Gewerc reconnaissait que “la grande région ne sera grande que si la population s’en empare“, allant jusqu’à rappeler que “la Picardie, c’est 2 291 communes pour 2 millions d’habitants. On a vu certaines jacqueries se faire. Ça pourrait recommencer“… Difficile d’imaginer que la nouvelle région n’arrive pas à s’entendre sur un développement équilibré et durable des territoires, même si l’on sent bien des tiraillements entre les enjeux de développement fort que sont pour la Picardie la chimie verte et pour le Nord-Pas-de-Calais la troisième révolution industrielle. Et puis, si “le soleil et le vent n’envoient pas de factures“, “la grande région, ce n’est pas le Pérou, ce n’est pas la Grèce. La grande région a l’avenir devant elle“…