Conjoncture
La situation complexe des cadres en cette rentrée
Ils sont plus de 5 millions en France et quelque 60 000 en Moselle. Quel est le moral des cadres, leurs aspirations en cette rentrée. L’Apec vient de rendre publique les résultats d’une enquête relative au quotidien de ces femmes et de ces hommes multi exposés. Saisissant et instructif. Une autre étude de Cadremploi apporte d’autres éléments en ce sens.
En cette rentrée, sûrement plus attentifs à préserver leur bien-être psychologique, les cadres aspirent tout particulièrement à préserver l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Cette préoccupation arrive en tête des bonnes résolutions pour 66 % d'entre eux, et est en forte progression cette année (+ 19 points contre août 2021) et 26 % d’entre eux, souhaitent diminuer leur temps consacré au travail. C’est l’un des points clés de l’étude réalisée par l’Apec (*). Après plus de deux ans de pandémie et de quotidien professionnel rythmé aux multiples adaptations imposées par la Covid-19 en termes de santé et d’organisation des équipes en entreprise, alors que le contexte économique et international est marqué par la guerre en Ukraine, une inflation jamais vue depuis plus de 40 ans, et qu’un plan - encore indéfini - de sobriété énergétique se prépare dans les entreprises, quelle est la santé psychologique des cadres ?
L'épuisement professionnel est réel
Sans tomber dans le catastrophisme ambiant, on notera, tout de même, que ce moral pourrait aller mieux. Cadre par temps normal et apaisé, ce n’est déjà pas une sinécure. On imagine alors la situation de ces femmes et de ces hommes, rouages essentiels des entreprises, maillon décisif entre dirigeants et équipes de salariés, dans les troubles actuels. Bien que 62 % des cadres jugent que la mise en place du télétravail a eu un impact positif sur leur santé psychologique, 1 sur 4 estime que sa santé mentale s’est dégradée ces deux dernières années. Au travail, les cadres avouent avoir un sentiment de surcharge, d’épuisement professionnel ou de stress intense. 19 % d’entre eux ont déjà dû prendre un congé ou un arrêt maladie en raison justement d'un sentiment d'épuisement professionnel. Ces difficultés sont ressenties plus fréquemment par les managers : 65 % ont la sensation d'une charge de travail insurmontable (contre 47 % pour les cadres non managers). 62 % ont un sentiment d’épuisement professionnel (contre 48 % pour les cadres non managers). Le niveau de stress est perçu comme étant intense pour 64 % des managers (contre 48 % pour les cadres non managers). 46 % des cadres jugent les actions de leur entreprise insuffisantes pour préserver la santé mentale des équipes. Même s’ils estiment leurs managers vigilants sur le sujet, les cadres se tourneraient en priorité vers leurs collègues pour partager leur difficulté psychologique (stress, isolement, déprime, épuisement).
Le télétravail est acté
On a tendance sans doute à surestimer le phénomène de Grande démission ou de «quiet quitting» (démission silencieuse) chez les cadres, même si on ne peut le nier. Il sera à suivre dans les mois à venir. Cadremploi et l’Ifop révélaient dans une note de conjoncture sur l’état d’esprit de ces cadres qu’une majorité d’entre eux ne désiraient pas quitter leur employeur, mais demandaient davantage de souplesse dans leur emploi du temps. 4 sur 10 se déclaraient ouverts aux opportunités et 5 % se disaient en recherche active d’emploi. Leurs préoccupations majeures : la baisse du pouvoir d’achat, la guerre en Ukraine et les grèves ou manifestations en cas de réformes (sur les retraites notamment). Dans ce baromètre de rentrée, 65 % des cadres plébiscitent la semaine de 4 jours, sans perte de salaire. Favorisant de toute évidence l’autonomie et la flexibilité de leurs horaires et de leur lieu de travail, les cadres apparaissent peu sensibles aux propositions des entreprises centrées sur l’espace «bureau» (smart office, coworking, flex office). Le télétravail est désormais un acquis pour les cadres, ce n’est plus un atout pour rejoindre ou rester dans une entreprise.
La liberté de choix
Ce qu’ils recherchent désormais ? La liberté de choisir leur lieu de travail et de gérer leur temps comme ils souhaitent. Enfin, et ce n’est pas anodin, l’aspiration du moment est au déménagement. Pas forcément en campagne ou une petite ville d’ailleurs. Les grandes agglomérations ne sont pas rejetées. La recherche d’un meilleur cadre de vie est de loin la principale raison citée pour déménager, loin devant une opportunité professionnelle. Dans le même temps, les craintes sont également nombreuses : 34 % redoutent de ne pas trouver un emploi, et 26 % de perdre en niveau de salaire. 29 % craignent de regretter leur choix. La conclusion est une révolution : le travail ne bénéficie plus d’une place centrale autour de laquelle on organise sa vie quotidienne et ses projets. La logique est actuellement : le travail - et a fortiori l’employeur - doit s’adapter. Cela vaut pour les cadres comme pour les autres collaborateurs de l'entreprise. C'est une mutation majeure aux effets systémiques insondables.
(*) Méthodologies :
Enquête Apec. En ligne réalisée en août 2022 auprès de 1 000 cadres. Échantillon représentatif des cadres du secteur privé en et hors emploi par la méthode des quotas, en matière de sexe, d’âge, de secteur d’activité, de taille d’entreprise, de région et de responsabilités hiérarchiques.
Enquête Cadreemploi/Ifop. Enquête menée auprès d’un échantillon de 1 002 cadres du privé, représentatif de la population cadre du secteur privé. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas sur les critères de sexe, d’âge, de secteur d’activité et de nature de l’employeur. Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne du 6 au 18 juillet 2022.