La science fait son show au Salon de l'agriculture
Piège olfactif pour insectes ravageurs, techniques pour réduire la production de méthane des ruminants... Au Salon de l'agriculture, l'INRAE, Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement s'efforce de montrer que la science contribue à une agriculture qui concilie écologie et revenus des agriculteurs.

« Loto des odeurs », dégustation de vins issus de cépages adaptés aux différents climats... Sur son stand du Salon international de l'agriculture, l'INRAE Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, déploie des animations pédagogiques et même ludiques pour faire connaître ses activités scientifiques. Les chercheurs de l'institution publique mettent au point dispositifs et solutions destinées à concilier écologie, modèle économique des agriculteurs et santé des consommateurs, dans l'agriculture et l'élevage. « Nous n'avons jamais eu autant besoin de la recherche qu'aujourd'hui », plaide Philippe Mauguin, président directeur général de l'INRAE, le 17 février, à Paris, lors d'une conférence de presse en amont du salon. De fait, les contraintes se cumulent. Le dérèglement climatique multiplie les perturbations des écosystèmes. Par exemple, des insectes ravageurs qui ne sont plus chassés par le froid l’hiver s'installent dans le Sud de la France, menaçant de remonter. Et les agriculteurs doivent faire face à ces nuisances croissantes alors que les enjeux écologiques imposent une réduction du recours à des molécules auxquelles, de toute façon, les insectes finissent par devenir résistants...
Difficulté supplémentaire, ces transformations se déroulent sur fond d'une remise en cause de la science. Le 28 novembre dernier, lors d'un mouvement de contestation d'agriculteurs, l'INRAE a fait partie des institutions prises pour cible par les manifestants : un mur a été érigé devant le siège de l'institut, pointé comme responsable de normes jugées trop restrictives pour la production agricole. En France, « nous ne sommes pas dans une situation de déni en ce qui concerne le changement climatique (…) Mais nous traversons un moment difficile. En effet, une forme d'anxiété a gagné le monde agricole qui est très impacté par le changement climatique et qui subit en plus une forte concurrence avec des résultats économiques qui ne sont pas terribles », estime Philippe Mauguin.
Vaches sans méthane
Certaines des solutions présentées par l'INRAE concernent l'élevage. Celui des bovins, par exemple, doit faire face à l'enjeu de la réduction de ses émissions de méthane laquelle fait l'objet d'un projet « Méthane 2030 », qui vise une réduction de 30% en dix ans. Pour ce, les scientifiques ont identifié plusieurs leviers d'action : alimentation, modification de la conduite des troupeaux et... génétique. « Nos scientifiques ont fait le lien entre la composition du lait et l'émission de méthane par animal », explique Isabelle Litrico, directrice scientifique agriculture de l'INRAE. Isolé par les scientifiques, ce paramètre d'émission de méthane a été intégré dans l' « index » de sélection des bovins. L'outil utilisé par les professionnels comprend d'autres paramètres comme la fertilité de l'animal ou sa production en lait. « A l'échelle d'une race, les prescripteurs qui vont décider du panachage entre les différents paramètres ont intérêt à prendre cette problématique du méthane en compte. En effet, ils sont questionnés sur le sujet », précise Philippe Mauguin. En accordant à ce paramètre un poids de 20% , il serait possible de réduire les émissions de méthane de 10% en dix ans, selon l'INRAE.
Parmi les autres innovations présentées au salon, un nouveau vaccin contre le virus H5N1 de la grippe aviaire « très prometteur », juge Isabelle Litrico. Les résultats de ce vaccin pour lequel a été déposé un brevet montrent que les poulets immunisés sont protégés à 100% contre la grippe aviaire et qu'ils ne la transmettent plus. L'enjeu est de taille : durant l'épisode 2021-2022 d'influenza aviaire, 22 millions de volailles ont été abattues pour un coût économique est estimé à 1,1 milliard d'euros, selon un rapport parlementaire d'avril 2023.
Résister au mildiou, piéger les légionnaires d'automne
Diverses solutions concernant l'agriculture sont aussi présentées lors du salon. A commencer par différentes variétés de pommes, pommes de terres, blé ou vignes, conçus selon des exigences multiples dont la résistance aux insectes ou aux champions. Par exemple, en 2025, cinq nouvelles variétés de vignes résistantes au mildiou ont été développées par l'INRAE et ajoutées au catalogue officiel. Enjeu : diminuer les traitements nécessaires, un gain écologique, économique et pour la santé humaine... « Depuis 20 ans, nous avons inscrit neuf variétés résistantes, qui sont à la disposition des viticulteurs », précise Emmanuelle Jacquin-Joly, directrice de recherche à l'INRAE.
Mais l'institut développe aussi d'autres types de solutions, comme le « bio contrôle ». Il s'agit de tirer parti des régulations naturelles pour protéger les cultures et lutter contre des insectes ravageurs qui peuvent représenter 30% des pertes de production. Les chercheurs tirent parti des phéromones – substances chimiques émises par les animaux pour communiquer au sein d'une même espèce - qui perturbent les comportements des insectes ravageurs afin, par exemple, de les piéger. Aujourd'hui, celui qui inquiète particulièrement est le « légionnaire d'automne », une chenille de 3 cm de long, déjà identifiée en Turquie et en Grèce. Elle provoque d'immense dégâts dans de nombreuses cultures comme le maïs et le coton. Aujourd'hui, en France, ces solutions de « bio contrôle » sont utilisées dans des exploitations d'arboriculture, des vignobles ou sous serre. Mais la question se pose de leur usage dans les grandes cultures. Et sur le plan scientifique, beaucoup reste explorer dans le domaine du bio contrôle, selon l'INRAE.