La SAS Morisaux et l’utilisation des bois locaux

L’entreprise nordiste, implantée dans le Cambrésis et l’Avesnois, achète du bois provenant des forêts locales. Mais l’internationalisation des marchés du bois complique la vie des scieurs et transformateurs…

Anny-Claude Morisaux. Son entreprise utilise des essences locales mais la directrice générale s’inquiète des effets de la mondialisation du marché du bois sur la profession.
Anny-Claude Morisaux. Son entreprise utilise des essences locales mais la directrice générale s’inquiète des effets de la mondialisation du marché du bois sur la profession.
D.R.

Anny-Claude Morisaux. Son entreprise utilise des essences locales, mais la directrice générale s’inquiète des effets de la mondialisation du marché du bois sur la profession.

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer cette filière bois de construction que le Conseil régional entend développer, en s’appuyant notamment sur l’Avesnois dont 22% de la surface sont plantés, à parts quasi-égales, de forêts publiques (gérées par l’ONF) et de forêts ou bois privés. La politique publique et sa logique locale buttent cependant sur les réalités d’un marché du bois internationalisé. Une bonne partie des essences nobles quitte ainsi notre pays sous forme de grumes (troncs non équarris), via des intermédiaires, pour être transformée bien loin, en Chine notamment, et revenir plus tard chez nous sous forme de produits finis à bon marché. La Fédération nationale du bois (exploitants forestiers, scieurs et industriels) tente d’alerter l’Etat et les députés sur les menaces qui pèsent sur la profession du fait de l’absence, dit-elle, de politique forestière.

 

L’activité de Morisaux. Comment une entreprise directement concernée par l’économie de la forêt vit-elle la situation ? Voici l’exemple de la SAS Morisaux, dont l’histoire familiale a commencé au XIXe siècle et se poursuit aujourd’hui avec Anny-Claude Morisaux, directrice générale.

L’activité de scierie et de transformation de l’entreprise nordiste la place entre le bûcheronnage (qu’elle n’effectue pas) et la construction (qu’elle fournit). «Nous, on ne construit pas, on ne pose pas, mais on a le contact commercial initial, la connaissance du réseau, et on dispose d’une activité de négoce complémentaire. Ce qui nous permet de proposer une offre globale aux particuliers et professionnels.»

Sous le nom de Morisaux, il faut distinguer la maison mère, basée à Avesnes-les-Aubert (Cambrésis), et la scierie de Wignehies (filiale située près de Fourmies). L’ensemble représente 16 personnes. Mme Morisaux précise : « La maison mère s’occupe des activités de logistique et de négoce. Elle assure séchage, usinage, profilage, commercialisation. Et elle valorise les produits de la scierie.»

 

Un marché impitoyable. Parmi les produits finis qui sortent de l’entreprise, Mme Morisaux cite par exemple le bardage en aulne, les parquets en chêne, les terrasses en robinier, les planches de hêtres et de peupliers, les charpentes… Ces bois, explique-t-elle, proviennent tous des forêts environnantes (Nord, Aisne, Ardennes). Ils sont achetés à l’ONF ou à des propriétaires privés selon des formules de vente et un calendrier bien connus des professionnels qui doivent être titulaires de l’indispensable carte d’exploitant forestier.

L’inquiétude de la FNB vient du fait que beaucoup de ces bois locaux de qualité partent à l’exportation. La raison est simple : des «intermédiaires» achètent les grumes à des prix élevés, inaccessibles aux locaux, en sachant que ces bois seront soumis à diverses opérations dans des pays où la main-d’œuvre n’est pas chère, les prix de revient, très bas et les règlementations, très souples. «Et on voit ainsi revenir chez nous, dans la grande distribution, des meubles de moindre qualité…»

S’ajoute à cela la concurrence des bois exotiques ou nord-européens. Mme Morisaux reconnaît que son activité de négoce n’échappe pas à ces bois transformés venus d’ailleurs.

 

Aides publiques inévitables. La Fédération nationale du bois attend de l’Etat qu’il prenne des mesures atténuant les effets du libéralisme et protégeant la filière française. En attendant, il existe des aides publiques. «Le Conseil régional subventionne partiellement des postes de prospecteurs qui font la promotion des essences locales, repèrent les appels d’offres, informe les professionnels. Dans les marchés publics, la différence de prix au détriment des essences locales de meilleure qualité est compensée. Il intervient aussi au niveau de la recherche-développement afin de rendre le hêtre, le chêne, le peuplier plus  performants en matière de construction. Ces aides espèrent provoquer un ‘amorçage’, c’est-à-dire amener les professionnels à être convaincus que le surcoût est compensé par la qualité.»